La différence entre le bon conseil et le dénigrement
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Full Description
La différence entre le bon conseil et le dénigrement
Par son éminence
Saleh Ibn Fawzan Al-Fawza
Qu’Allah le préserve!
Traduction par
Sofian Abou Abdillah
Revue et corrigée
Yaacub Leenen & Fouad Sirbal
Publié par
Le bureau de prêche de Rabwah (Riyadh)
www.islamhouse.com
L’islam à la portée de tous !
الفرق بين النصيحة والتجريح
باللغة الفرنسية
بقلم سماحة الشيخ
صالح بن فوزان الفوزان
-حفظه الله-
ترجمة : سفيان أبو عبد الله
مراجعة كاملة: يعقوب لينن وفؤاد سربال
بِسْمِ اللهِ الرَّحْمنِ الرَّحِيمِ
Au nom d’Allah,
L’infiniment Miséricordieux, le très Miséricordieux
Introduction
L |
a louange est à Allah, qui a envoyé Son messager avec la guidée et la religion de vérité, afin de la faire triompher sur toute autre religion, et Allah suffit comme témoin. [Et j’atteste qu’il] a transmis le message, s’est acquitté de son engagement, a lutté pour Allah avec tout l’effort qu’Il mérite, a guidé la communauté et l’a laissée sur la voie éclairée, de nuit comme de jour, nul ne s’en dévie sans qu’il ne périsse.
Avant l’envoi de Muhammad ﷺ, les hommes vivaient sans cesse dans le conflit et la divergence, ils se différenciaient par leurs adorations, leurs politiques et leurs orientations, qu’ils soient arabes ou étrangers, gens du Livre ou illettrés. La plupart d’entre eux, et particulièrement les Arabes, étaient très pauvres. Allah les réunit alors par ce noble messager ﷺ, envoyé en tant que miséricorde pour l’univers et comme preuve irréfutable envers toute la création.
Allah ﷻ a dit : « Dis : « Ô vous les hommes ! Je suis pour vous tous le Messager d'Allah, à Qui appartient la royauté des cieux et de la terre. Pas de divinité à part Lui. Il donne la vie et Il donne la mort. Croyez donc en Allah, en Son messager, le Prophète illettré qui croit en Allah et en Ses paroles. Et suivez-le afin que vous soyez bien guidés[1] ». »
Et Il Y a dit : « Et cramponnez-vous tous ensemble au ‹Habl› (câble) d'Allah et ne soyez pas divisés ; et rappelez-vous le bienfait d'Allah sur vous : lorsque vous étiez ennemis, c'est Lui qui réconcilia vos cœurs. Puis, par Son bienfait, vous êtes devenus frères. Et alors que vous étiez au bord d'un abîme de Feu, c'est Lui qui vous en a sauvés. Ainsi, Allah vous montre Ses signes afin que vous soyez bien guidés. Que soit issue de vous une communauté qui appelle au bien, ordonne le convenable, et interdit le blâmable. Car ce seront eux qui réussiront. Et ne soyez pas comme ceux qui se sont divisés et se sont mis à disputer, après que les preuves leur furent venues, et ceux-là auront un énorme châtiment[2]. »
Et Il Y a dit : « Et rappelez-vous quand vous étiez peu nombreux, opprimés sur terre, craignant de vous faire enlever par des gens. Il vous donna asile, vous renforça Son secours et vous attribua de bonnes choses afin que vous soyez reconnaissants[3]. »
Certes, ceci est un bienfait immense et inégalable, l’envoi du prophète ﷺ et la réunification des musulmans autour de lui, et ce, jusqu'à ce que l’Heure sonne. Son message est universel, dans le temps et dans l’espace : du point de vue temporel, il englobe la période de son envoi jusqu'à ce que l’Heure nous parvienne ; du point de vue de l’espace, il concerne la Terre entière. Il est donc le prophète de l’Humanité, que la Prière et la Paix soient sur lui, et nul ne viendra après lui, car il est le sceau des prophètes. En effet, après lui, l’humanité n’a aucun besoin d’autre que ce noble messager. Il ne leur appartient que d’obéir et de s’unir sur sa guidée, et ceci est le chemin qui mène à Allah : « Dis : « Si vous aimez vraiment Allah, suivez-moi, Allah vous aimera alors et vous pardonnera vos péchés. Allah est Pardonneur et Miséricordieux ». Dis: « Obéissez à Allah et au Messager. Et si vous tournez le dos... alors Allah n'aime pas les infidèles ![4] ». »
De même, le messager ﷺ a dit : « J’ai reçu cinq choses que personne n’a reçues avant moi : J’ai été secouru par l’angoisse [qu’Allah suscite dans le cœur de mes ennemis] à distance d’un mois ; la terre m’a été asservie comme lieu de prière et pureté, ainsi, que chaque homme de ma communauté prie lorsque lui arrive l’heure de prière ; le butin de guerre m’a été autorisé alors qu’il n’a été autorisé à personne avant moi ; j’ai reçu l’intercession ; et, alors que les prophètes ont uniquement été envoyés à leurs peuples, j’ai été envoyé à l’ensemble de l’humanité[5]. »
Ceci est un énorme bienfait, aucune chose ne saurait l’égaler, et c’est à ce sujet qu’Allah a dit : « Et rappelez-vous le bienfait d'Allah sur vous : lorsque vous étiez ennemis, c'est Lui qui réconcilia vos cœurs. » Il a certes rapproché les cœurs par la foi et le suivi du prophète ﷺ. « C'est Lui qui t'a soutenu par Son secours, ainsi que par (l'assistance) des croyants. Il a uni leurs cœurs (par la foi). Quand bien même aurais-tu dépensé tout ce qui est sur terre, tu n'aurais pu unir leurs cœurs ; mais c'est Allah qui les a unis, car Il est Puissant et Sage[6]. »
La religion d’Allah a ensuite prédominé sur les autres religions, en Orient comme en Occident, comme il est connu chez les historiens et chez toute personne qui compare entre les périodes d’avant et après la prophétie. Aussi, cette communauté Muhammadienne ne forme qu’une, ses membres sont des frères en religion et non en parenté. Or, la fraternité en religion est bien plus forte que la fraternité de sang, car elle est durable, profitable et fructueuse.
Elle est une anse solide pour celui qui s’y accroche, il convient donc de la préserver afin que l’on fasse partie de ceux qu’Allah a décrits dans sa parole : « Certes, cette communauté qui est la vôtre est une communauté unique, et Je suis votre Seigneur. Adorez-Moi donc[7]. » Et Allah ﷻ a dit : « Cette communauté, la vôtre, est une seule communauté, tandis que Je suis votre Seigneur. Craignez-Moi donc[8]. »
En outre, cette communauté est unique, le Seigneur est unique, le messager est unique et le Livre [Le Coran] est unique. C’est la communauté de l’unité et de l’unification, les uns prennent exemple sur les autres et les derniers font miséricorde aux premiers : « Seigneur, pardonne-nous, ainsi qu'à nos frères qui nous ont précédés dans la foi ; et ne mets dans nos cœurs aucune rancœur pour ceux qui ont cru. Seigneur, Tu es Compatissant et Très Miséricordieux[9] », voici la valeur de cette communauté Muhammadienne.
Néanmoins, dans la mesure où l’apparition de divergence dans les opinions et les avis est un fait inévitable, Allah Y nous a ordonné, lorsque l’on se dispute ou que l’on diverge sur quoi que ce soit, de le renvoyer à Son livre et à la tradition de Son messager ﷺ, jusqu'à ce que le différend soit réglé et que chaque partie soit satisfaite du jugement d’Allah ﷻ. Et ceci, parce que ce n’est pas le jugement d’un homme, mais c’est le décret d’Allah et de son messager : « Puis, si vous vous disputez en quoi que ce soit, renvoyez-la à Allah et au Messager, si vous croyez en Allah et au Jour dernier. Ce sera bien mieux et de meilleure interprétation [et aboutissement][10] », « Sur toutes vos divergences, le jugement appartient à Allah. Tel est Allah mon Seigneur ; en Lui je place ma confiance et c'est à Lui que je retourne [repentant][11] », « cramponnez-vous tous ensemble au ‹Habl› (câble) d'Allah et ne soyez pas divisés. »
Le prophète ﷺ a dit : « Certes, celui qui vit après moi parmi vous verra beaucoup de divergences. [Je vous ordonne de] suivre ma tradition et la tradition des califes droits et bien-guidés. Accrochez-vous-y et saisissez-la avec vos molaires. [Et je vous interdis formellement] les choses inventées, car toute chose inventée est innovation et toute innovation est égarement[12] ».
Voici le moyen fondamental pour éradiquer les divergences et les désaccords : le retour au livre d’Allah et à la tradition de Son messager ﷺ, car tous deux permettent de trancher les débats et les discordes, et ceci, parce qu’Allah a fait du Coran une législation et un jugement pour ses serviteurs. Allah Y a dit : « Les gens formaient (à l'origine) une seule communauté (croyante). Puis, (après leurs divergences,) Allah envoya des prophètes comme annonciateurs et avertisseurs ; et Il fit descendre avec eux le Livre contenant la vérité, pour régler entre les gens leurs divergences[13]. »
En somme, Allah Y a [d’ores et déjà] tout décrété dans son livre le Noble Coran, et il n’est pas possible qu’un seul de Ses serviteurs se dispense de son jugement tout en étant croyant. Au contraire, le croyant s’en satisfait, c’est pour cela qu’Allah, qu’Il soit glorifié, a dit : « si vous croyez en Allah et au Jour dernier. Ce sera bien mieux et de meilleure interprétation [et aboutissement][14]. »
Le second moyen pour éradiquer ce qui peut se produire comme divergence, c’est le conseil loyal[15]. Le prophète ﷺ a dit : « La religion, c’est la loyauté ». Nous dîmes alors : « envers qui ? » Il dit : « Envers Allah, Son livre, Son messager, les chefs[16] et l’ensemble des musulmans[17] ».
Définition de la Loyauté (Nassiha)
« Nassîha », dans son sens linguistique, vient du mot « Nâssih » qui signifie « pur » en arabe. De cette manière, « nassîha » désigne la purification et le désintéressement de toute tromperie. De fait, la religion avec laquelle Allah a envoyé notre prophète Muhammad ﷺ ordonne la loyauté, c’est-à-dire, le rejet de toute duperie, quelle qu’elle soit, que ce soit dans les interactions avec les gens, dans le fait de donner un conseil, dans les transactions avec les autres, dans les désaccords et les divergences, ou dans le fait de juger entre les gens ; tout cela devant être purifié, sans que s’y introduise aucune forme de tromperie.
La loyauté est envers Allah avant tout, et ceci se manifeste par la foi en Lui, en Ses noms et attributs, par son adoration exclusive, sans associé.
La loyauté envers le livre d’Allah consiste à croire qu’il est la parole d’Allah ﷻ, de le prendre comme arbitre dans tout désaccord, de suivre ce avec quoi il est venu, d’appliquer ce qu’il a ordonné et de délaisser ce qu’il a interdit.
La loyauté envers le messager d’Allah ﷺ se réalise par la foi en lui, son approbation, son amour, son obéissance, le suivi de ce avec quoi il est venu et le délaissement des choses inventées et des innovations qui contredisent ce avec quoi il est venu.
La loyauté envers les chefs musulmans, qui sont les gouverneurs des musulmans, se concrétise par l’écoute et l’obéissance dans le bien, sans dévier de leur jugement, par le fait de s’associer à leur cause, en demandant[18] pour eux la bienfaisance et la droiture. Également, par le fait de s’acquitter, pour certains hauts fonctionnaires, des responsabilités qu’ils leur ont confiées. Lorsqu’ils mandatent ceux en qui ils ont confiance pour une affaire qui concerne les musulmans, alors il devient obligatoire pour les personnes désignées de s’acquitter de leur mission en toute loyauté. Et ceci concerne les émirs, les juges, les employés, les ouvriers, etc., il est nécessaire pour tous d’être loyal envers le gouverneur, et ce, en exécutant son travail.
Par ailleurs, la loyauté s’accomplit aussi en acheminant aux gouverneurs ce que l’on constate comme transgression afin que ceux-ci s’occupent de sa rectification et son amélioration.
La loyauté envers l’ensemble des musulmans advient par l’affection mutuelle entre les musulmans, par le maintien de la concorde : « Craignez Allah et maintenez la concorde entre vous[19] », « Et si deux groupes de croyants se combattent, faites la conciliation entre eux. Si l'un d'eux se rebelle contre l'autre, combattez le groupe qui se rebelle, jusqu'à ce qu'il se conforme à l'ordre d'Allah. Puis, s'il s'y conforme, réconciliez-les avec justice et soyez équitables, car Allah aime les équitables. Les croyants ne sont que des frères. Établissez la concorde entre vos frères, et craignez Allah, afin qu'on vous fasse miséricorde[20]. » Aussi, la loyauté envers eux se réalise par le bon conseil, le commandement du bien et la réprobation du mal, lorsque l’on constate une déviance chez une personne, afin qu’elle revienne à ce qui est convenable : « Les croyants et les croyantes sont alliés les uns des autres. Ils commandent le convenable, interdisent le blâmable accomplissent la prière, acquittent la Zakat et obéissent à Allah et à Son messager. Voilà ceux auxquels Allah fera miséricorde, car Allah est Puissant et Sage[21]. »
Effectivement, le commandement du convenable et l’interdiction du blâmable font partie de la loyauté. Comment verrais-tu ton frère dans l’erreur ou dans une désobéissance qui lui est nuisible et qui l’est aussi pour la société, sans le conseiller ? Au contraire, il t’est obligatoire de le conseiller sincèrement et que tu lui commandes le bien et lui interdises le mal, avec la sagesse, la bonne exhortation et en discutant de la meilleure façon, sans le dénigrer, ni le déshonorer ou rabaisser sa valeur, car ceci ne constitue pas un bon conseil, mais plutôt une humiliation : « Ceux qui aiment que la turpitude se propage parmi les croyants auront un châtiment douloureux, ici-bas comme dans l'au-delà. Allah sait, et vous, vous ne savez pas[22]. »
La différence entre le bon conseil et l’atteinte à l’honneur
Il n’est pas autorisé de diffuser les erreurs et d’offenser l’honneur de leurs auteurs, tout comme de remplir nos assises de médisance et de diffamation[23] envers ces personnes, car, certes, Allah nous a interdit cela : « Ô vous qui avez cru ! Qu'un groupe ne se raille pas d'un autre groupe : ceux-ci sont peut-être meilleurs qu'eux. Et que des femmes ne se raillent pas d'autres femmes : celles-ci sont peut-être meilleures qu'elles[24]. » Il se peut que la personne que l’on cherche à rabaisser soit meilleure que ceux qui cherchent à la dénigrer. Ainsi, le fait de rechercher des manquements à ton frère constitue en soi un manquement dans ta propre personne.
De même, si tu souhaites rectifier un manquement que tu as remarqué chez un gouverneur, ou une personne quelconque, que cela se fasse par un conseil sincère, de manière privée entre toi et lui. Quant au fait que tu fasses cela dans une assise, ou que tu t’exprimes dans un audio, ou que tu parles sur le minbar[25] ou dans un discours et que tu offenses les gouverneurs, ou tes frères, alors ceci n’est pas un acte permis. Cela ne fait pas partie du bon conseil, mais ce n’est qu’une humiliation, et ces deux choses sont différentes.
En effet, le bon conseil, c’est Allah qui l’a prescrit, Il l’a ordonné au messager ﷺ, et il constitue une bonification des choses. En revanche, l’atteinte aux personnes constitue une aggravation. Et ces deux choses sont opposées : « Allah distingue celui qui sème le désordre de celui qui fait le bien[26]. » Celui qui veut améliorer les choses ne propage pas les propos de ses frères lorsqu’ils se trompent, il ne les offense pas et ne cherche pas à les rabaisser. À l’inverse, à lui de s’asseoir avec la personne concernée ou de s’adresser à lui par les divers moyens de communication et de s’entretenir en privé avec lui.
En effet, il se peut que la personne n’ait pas connaissance de son erreur. Il l’avertit ainsi de cette erreur pour qu’il puisse s’en écarter, sans informer quiconque de cela.
Tel est le conseil sincère qui est une preuve de la pureté des âmes et l’affection présente dans les cœurs, c’est celle-ci qui conduit à la rectification du désordre, et qui fait fructifier la fraternité entre les musulmans et préserve leur intimité. Certes, celui qui couvre son frère, Allah le couvre dans la vie d’ici-bas et dans l’au-delà.
Les différentes sortes d’atteinte à l’honneur
La diffamation[27]
C’est le fait de dénigrer une personne. Allah Y a dit : « Ne vous dénigrez pas[28] », et la diffamation est une sorte de dénigrement : « Ceux-là qui dirigent leurs calomnies contre les croyants qui font des aumônes volontaires et contre ceux qui ne trouvent que leurs faibles moyens (à offrir), et ils se moquent alors d'eux. Qu'Allah les raille. Et ils auront un châtiment douloureux[29]. »
Ainsi, il est interdit de diffamer les musulmans, et, pire encore, diffamer le prophète ﷺ : « Il en est parmi eux qui te critiquent au sujet des aumônes : s'il leur en est donné, les voilà contents ; mais s'il ne leur en est pas donné, les voilà pleins de rancœur[30]. » Aussi, une dure sanction est promise aux diffamateurs : « Malheur à tout calomniateur diffamateur[31] ! »
« Ne vous dénigrez pas » signifie en réalité : « Que l’un d’entre vous ne critique pas l’autre », car les musulmans sont comme une seule et même âme, et lorsqu’un musulman dénigre un autre, c’est comme s’il avait dénigré sa propre personne, car c’est son frère qu’il a touché. Le prophète ﷺ a dit « Le croyant est comme un édifice pour le croyant, chaque partie renforce l’autre[32] » et il a dit ﷺ : « Les croyants, par leur affection, leur miséricorde et leur compassion mutuelles ressemblent à un corps [humain], lorsque l’un de ses membres se plaint, c’est tout le reste du corps qui lui vient en aide par l’insomnie et la fièvre[33]. »
L’attribution de surnoms péjoratifs
Allah ﷻ a dit : « et ne vous lancez pas des sobriquets. » Le surnom, dans son sens arabe, est une appellation qui désigne soit l’éloge soit la moquerie. Si le surnom attribué à une personne constitue un éloge, alors ceci est une chose désirable, comme le fait de dire : « le noble, le généreux, le savant, celui qui œuvre de sa science, le loyal… ». Et si le surnom utilisé est péjoratif, alors ceci est détestable et réprouvé, comme le fait de dire : « l’avare, le pervers, l’insuffisant… », Ceci est une diffamation, et même si le défaut de la personne est physique, il n’est pas autorisé de dire : « l’aveugle, le boiteux, le bigleux… » ou ce qui y ressemble, à moins que la personne soit connue par cette appellation, sans que ce soit dans l’intention de dénigrer, comme on trouve dans les chaines de transmission des hadiths : « untel le loucheur, untel al a’mash[34] », dans le but de différencier les personnes et non dans le but de dénigrer. Allah ﷻ a dit : « et ne vous lancez pas des sobriquets (injurieux) », ce qui signifie : « ne vous lancez pas mutuellement des surnoms injurieux », car cela n’est pas un chemin vers le bon conseil et la bonification. D’autres se servent des sobriquets par attachement à la religion, et dans le but de dénoncer le blâmable. Or, bien que l’attachement à la religion et la dénonciation du blâmable soient des choses désirables, ce n’est pas par cette méthode qu’il faut procéder, mais plutôt par la méthode qu’Allah, qu’Il soit exalté, a légiférée.
La moquerie
Allah I a dit : « Qu'un groupe ne se raille pas d'un autre groupe : ceux-ci sont peut-être meilleurs qu'eux. Et que des femmes ne se raillent pas d'autres femmes : celles-ci sont peut-être meilleures qu'elles. Ne vous dénigrez pas et ne vous lancez pas des sobriquets (injurieux). Quel vilain mot que « perversion » lorsqu'on a déjà la foi. » Ainsi, Allah Y a utilisé le terme de « perversion » pour caractériser la moquerie et les actes évoqués dans la suite du verset. Et la perversion, en arabe, désigne le fait de sortir de l’obéissance d’Allah I, et ceci, parce que ce genre d’acte ne va pas avec la foi : « Les croyants ne sont que des frères ». Il I a ensuite dit : « Et quiconque ne se repent pas » de ces caractéristiques détestables : la moquerie, la diffamation, l’attribution de mauvais noms, la médisance, la calomnie ; celui qui ne se repent pas ni ne délaisse cela « Alors, ceux-là sont les injustes », coupables d’une injustice envers autrui[35]. Et le fait de commettre de l’injustice en abondance est une chose indigeste, qu’Allah nous en préserve ! Enfin, il arrive qu’Allah guérisse cette personne qui a été dénigrée et qu’Il éprouve la personne diffamatrice par la même chose, ou par une sanction encore plus pénible.
La conjecture[36]
Allah a ensuite dit : « Ô vous qui avez cru ! Évitez de trop conjecturer [sur autrui] car une partie des conjectures est péché[37] ». La conjecture désigne une pensée qui oscille entre deux idées : l’une d’entre elles est plus probable que l’autre. La plus probable est appelée « conjecture » et la moins probable est appelée « présomption ». La conjecture se divise en deux sortes : l’une peut être prise comme base pour œuvrer, si cela donne lieu à un bien, car le fait de croire fortement à quelque chose est considéré, en religion, comme une certitude ; la seconde, si son mal est plus probable que son bien, doit être délaissée. Et c’est pour cela qu’Allah a dit : « Évitez de trop conjecturer » et n’a pas dit : « Évitez toute conjecture », ceci indique bien qu’une partie des conjectures, si elle engendre un bien, est permise.
Il y a dans cette règle le fait de délaisser les causes qui amènent à un acte réprouvé, car le fait de trop conjecturer conduit à la séparation et à l’agression mutuelle [qui est un acte réprouvé]. Ainsi, si tu ne fais confiance à personne et que tu penses du mal des musulmans, ceci est réprouvé et le mal de cela est clairement plus probable que son bien. « Évitez de trop conjecturer [sur autrui] car une partie des conjectures est péché », on doit éviter la majorité des conjectures afin de se préserver de la partie d’entre elles qui est nuisible.
L’espionnage
Allah I a ensuite dit : « Et n'espionnez pas ». L’espionnage désigne le fait de rechercher à découvrir des informations cachées, et Allah ne nous a pas chargés de cela. Au contraire, ce qui nous est demandé est de cacher [les défauts de nos frères] à moins que l’on y trouve un intérêt, comme pour préserver la sécurité, ou pour éliminer les actes blâmables. Lorsque l’espionnage est utilisé pour repousser un danger qui menace les musulmans, alors il devient une chose nécessaire et permet d’écarter le mal qui nuit aux musulmans. Par contre, si c’est juste dans le but d’épier la vie des gens, de parler sur eux, sans que cela ne repousse un danger, alors cela ne fait que l’augmenter. C’est du simple espionnage, qui ne contient aucun bienfait.
Effectivement, il existe certaines personnes qui surveillent l’intimité des gens, qu’Allah a dissimulée, alors que le prophète ﷺ a dit : « Ô vous qui avec cru avec vos langues alors que la foi n’a pas pénétré vos cœurs, ne médisez pas les musulmans, et ne surveillez pas leur intimité. Car celui qui surveille leur intimité, Allah surveille la sienne. Et celui dont Allah surveille l’intimité, il la dévoile au sein de son propre foyer[38] ».
Pour récapituler, nous avons vu que l’espionnage est de deux sortes : l’espionnage réprouvé, qui est interdit, et qui n’engendre aucun bienfait, et dont le but est d’épier l’intimité cachée des gens. Concernant ce type d’acte, la sanction est semblable à l’acte lui-même, car Allah, rien ne lui est caché, Il connait les pêchés et ce qui émane des gens. Alors, si l’homme surveille l’intimité de ses frères, non dans le but de le conseiller ni de repousser un danger, mais plutôt dans le but d’épier les défauts des gens et de surveiller leurs erreurs [alors, c’est inutile puisque] Allah connait l’aspect caché des choses et continue à couvrir ses serviteurs, malgré tout. Mais si la personne, ne couvre pas l’intimité de son frère et ses défauts, alors Allah I le dévoile. Il convient donc de prendre conscience de cela.
La médisance
Allah I a ensuite dit : « ne médisez pas les uns les autres ». La médisance a été expliquée par le messager ﷺ dans sa parole :
- « Savez-vous ce qu’est la médisance ? »
- Ils dirent : « Allah et Son messager sont plus savants. »
- Il ﷺ dit : « Le fait d’évoquer ton frère par ce qu’il déteste ».
- On lui dit alors : « Vois-tu si ce que je dis se trouve bien chez cette personne ? »
- Il ﷺ dit : « Si ce que tu dis se trouve bien chez cette personne, alors tu as certes médit de lui, et si ce que tu dis ne se trouve pas chez cette personne, tu l’as certes calomnié[39]. »
Ainsi, [lorsque tu dis du mal de ton frère], tu n’échappes pas à l’un de ces cas, soit tu es médisant, soit tu es calomniateur. Et la médisance et le mensonge font partie des grands pêchés et pour y échapper, il convient de délaisser totalement la médisance, d’en purifier ta langue et d’y prendre garde, car elle n’est que pur mal, aucun bien ne peut en résulter.
En revanche, si le fait d’évoquer les défauts d’une personne dans une situation où l’utilité et le bien sont clairement identifiés, comme le fait de porter plainte pour récupérer son droit, ou pour repousser le mal qu’il cause aux gens, ou encore pour dénoncer le blâmable en en espérant récolter la récompense de cet acte, alors il n’y a pas de mal.
Ensuite, Allah a évoqué une métaphore qui suscite de l’aversion de l’âme de manière à faire fuir [les gens] de la médisance : « L'un de vous aimerait-il manger la chair de son frère mort ? (Non !) vous en aurez horreur ». Aucun être humain n’aurait l’idée de manger la chair humaine morte, c’est même une chose dégoûtante et répugnante pour les âmes, qu’elles n’auraient même pas la capacité de faire. Aucune âme humaine ne pourrait se rendre vers un cadavre et s’en nourrir, et même si c’était le corps d’un mécréant. Que dire donc du corps d’un musulman ? Pourquoi donc ces âmes éprouvent du dégout à manger de la chair humaine morte alors qu’elles n’en éprouvent pas à manger de la chair vivante par leur médisance ?
Allah I a ensuite dit : « Et craignez Allah », qui signifie : « Craignez Allah par le délaissement de la médisance », ce qui indique que celui qui ne la délaisse pas et en fait une habitude n’est pas quelqu’un qui craint Allah I.
Allah I a ensuite dit : « Car Allah est Grand Accueillant au repentir, Très Miséricordieux », ce qui est une incitation au repentir. Et celui qui se repent à Allah de la médisance, de la moquerie, de la diffamation des musulmans, et de l’espionnage inutile, etc., alors Allah revient vers lui. Il revient énormément vers ses créatures, Il est Très Miséricordieux, Il revient vers Son serviteur lorsqu’il se repent à Lui, et même s’il a commis les pires péchés.
Ceci est donc un appel pour ceux qui dénigrent leurs frères, écornent leur réputation et médisent dans leurs assises. Le verset indique bien que ces œuvres sont répugnantes et criminelles, et nécessitent un repentir, et ceci, en demandant pardon à ceux qu’il a touchés par ces actes répugnants, ou bien, s’il lui est impossible de lui demander pardon, en invoquant pour lui et en le couvrant d’éloges dans les assises dans lesquelles il a médit de lui.
Nous demandons à Allah, qu’Il soit glorifié et exalté, de revenir vers nous et vers vous, et qu’il fasse de nous et de vous des vertueux, bienfaiteurs, qui ne sèment pas de désordre. Et qu’Allah prie sur notre prophète, ainsi que tous ses compagnons.
[1] Sourate « Al A’raf », v.157
[2] Sourate « Ali ‘Imran », v.103-105
[3] Sourate « Le Butin », v.26
[4] Sourate « La famille de ‘Imrân », v.31-32
[5] Hadith rapporté par Al Bukhâri
[6] Sourate « Le Butin », v.62-63
[7] Sourate « Les Prophètes », v.92
[8] Sourate « Les Croyants », v.52
[9] Sourate « L’exode », v.10
[10] Sourate « Les Femmes », v.59
[11] Sourate « La consultation », v.10
[12] Hadith rapporté par Abu Dâwoud, At-Tirmidhi et Ibn Mâjah.
[13] Sourate « La vache », v.213
[14] Signification : de meilleure fin et de meilleure destination.
[15] Tiré de l’arabe : « Nassiha », qui signifie tantôt « bon conseil », tantôt « sincérité », ou encore « loyauté ». C’est le fait de vouloir le bien pour la personne envers qui on a affaire.
[16] Le mot « Imam », traduit ici par « chef », désigne ici les gouverneurs musulmans ainsi que les savants en religion.
[17] Hadith rapporté par Muslim
[18] Par le moyen de l’invocation.
[19] Sourate « Le Butin », v.1
[20] Sourate « Les appartements », v.9-10
[21] Sourate « Le repentir », v.71
[22] Sourate « La lumière », v.19
[23] Tiré du nom arabe : « Namima », qui désigne le fait de faire circuler des informations dans le but de nuire.
[24] Sourate « Les appartements », v.11
[25] Chaire sur laquelle l’imam de la mosquée prononce son prône le vendredi notamment.
[26] Sourate « La vache », v.220
[27] Tiré de l’arabe « Lamz » qui signifie « critique », « diffamation », « dénigrement », « calomnie ».
[28] Sourate « Les appartements », v.11. Tous les versets qui suivent sont tirés de cette même Sourate, v.9-12
[29] Sourate « Le repentir », v.79
[30] Sourate « Le repentir », v.58
[31] Sourate « Les calomniateurs », v.1
[32] Hadith rapporté par Al-Bukhâri
[33] Hadith rapporté par Muslim
[34] « Al A’mash » désigne une personne dont les yeux larmoient régulièrement et dont les larmes entreposent des saletés sur l’extrémité des yeux ou une personne ayant un manque d’acuité visuelle.
[35] L’injustice est de trois degrés : l’injustice envers soi-même, puis l’injustice envers autrui, et enfin l’association qui est la pire des injustices.
[36] Ce qui est désigné ici par la conjecture est la simple supposition fondée sur des apparences, sur des probabilités.
[37] Sourate « Les appartements », v.10
[38] Hadith rapporté par Abu Dâwoud
[39] Hadith rapporté par Muslim