Le statut obligatoire du Hadj (pèlerinage)
Catégories
Full Description
Le statut obligatoire du Hadj
الحج واجب
[باللغة الفرنسية ]
Abdsalam As-Souhaymy
عبد السلام السحيمي
Traduction et adaptation : Karim Zentici
ترجمة: كريم زنتيسي
Révision : Abu Hamza Al-Germâny
مراجعة: أبو حمزة الجرماني
L’islam à la portée de tous !
Au nom d’Allah, l’Infiniment Miséricordieux, le Très miséricordieux
Le statut obligatoire du Hadj
Son statut, ses mérites, les conditions le rendant obligatoire, et la meilleure formule à choisir
La définition du Hadj :
· D’un point de vue étymologique : le Hadj ou le Hidj signifie : prendre une destination quelconque.[1]
· D’un point de vue terminologique : plusieurs définitions proches, au niveau du sens, lui ont été données dont entre autres :
Ibn Abî Hubaïra dans el Ifsâh propose la définition suivante :
« Il correspond à des œuvres déterminées accomplies dans un lieu déterminé à une période déterminée. »[2]
Les œuvres déterminées correspondent à tout ce que le pèlerin doit faire ou ne pas faire ; le lieu déterminé comprend la Sainte Mosquée et les différents sites du pèlerinage ; la période déterminée correspond à la saison du Hadj. Sheïkh Mohammed ibn Sâlih el ‘Uthaïmîn –qu’Allah lui fasse miséricorde – l’a défini ainsi :
« Vouer l’adoration à Allah (Y) en accomplissant les rites du pèlerinage conformément à la tradition (sunna) du Messager d’Allah (ﷺ). »[3]
Le statut du Hadj :
Il compte parmi les cinq piliers sur lesquels repose l’Islam. Son aspect obligatoire puise ses origines dans le Coran, la Sunna, et le consensus.[4] Quant au Coran, le Seigneur (I) dit :
(Les hommes doivent envers Allah faire le Pèlerinage à la Maison sacrée pour celui qui le peut).[5]
La préposition ‘Ala (pour) donne un sens impératif à la phrase surtout dans la situation où celui envers qui l’ordre est destiné (Allah en l’occurrence) est présent dans le contexte comme lorsqu’on dit par exemple qu’untel doit à untel de faire telle chose. Le Seigneur précise tout de suite après :
(Si quelqu’un veut renier, Allah se passe alors aisément de l’humanité).
Ainsi, quiconque n’est pas convaincu de son aspect obligatoire est un mécréant.[6] Allah (I) révèle également : (Achevez pour Allah le Hadj et la ‘Umra ).[7]
Au niveau de la Sunna, le Prophète (ﷺ) a dit : « L’Islam est fondé sur cinq piliers. »
il a cité notamment le pèlerinage. D’après Abû Huraïra (t), le Messager d’Allah (ﷺ) nous a fait un sermon dans lequel il a dit :
- « Ô gens ! Allah vous a imposé le Hadj alors faites-le.
- Devons-nous le faire toutes les années Ô Messager d’Allah ? demanda quelqu’un. Comme le Prophète (ﷺ) se taisait, il réitéra sa demande à trois reprises.
- Si j’avais dit oui a-t-il déclaré finalement, cela vous aurait été imposé et vous n’auriez pu le faire. épargnez-moi des choses ajouta-t-il ensuite, dont je ne vous ai pas parlé. »[8]
Par ailleurs, la communauté s’accorde à reconnaître l’aspect obligatoire du Hadj qu’il faut effectuer au moins une fois dans la vie, pour toute personne capable de le faire.[9]
Les mérites du Hadj :
Bon nombre de Hadiths parlent des mérites du Hadj dont entre autres :
1- Selon Abû Huraïra (t) : « Quelle est la meilleure œuvre ? demanda-t-on au Prophète (ﷺ.
- La foi en Allah et en Son Messager. Répondit-il.
- Quelle est la meilleure œuvre ensuite ?
- La lutte dans le sentier d’Allah.
- Quelle est la meilleure ensuite ?
- Le pieux pèlerinage. » [10]
2- Selon Abû Huraïra (t), j’ai entendu dire le Messager d’Allah (ﷺ) : « Quiconque accomplit le Hadj sans dire ou faire de mauvaises choses, il en revient comme le jour où sa mère l’a mis au monde. »[11]
3- La « Mère des croyants » ‘Âicha (t) s’est exclamée : « Ô Messager d’Allah ! Nous voyons que le Jihâd est la meilleure œuvre, ne devrions-nous pas le faire (nous les femmes) ?
- Le meilleur Jihâd toutefois, c’est un pieux pèlerinage. » [12]
Le pieux pèlerinage (hadj mabrour) selon certains savants, signifie qu’il est accepté ; selon d’autres, il correspond à celui qui n’a été altéré par aucun péché. Les définitions retenues sont proches les unes les autres au niveau du sens. Autrement dit, il correspond au Hadj accompli fidèlement par le pèlerin comme il a été prescrit et sous sa meilleure forme, mais certes Dieu Seul le sait ![13]
Les conditions rendant le Hadj obligatoire :
Les conditions à remplir pour que le Hadj soit obligatoire sont au nombre de cinq : il faut être musulman, sain d’esprit, pubère, libre, et apte à le faire[14] ; ces conditions sont reconnues à l’unanimité des savants.
Celles-ci se répartissent en trois catégories :
Premièrement : les conditions de validité (ou nécessaires) rendant l’aspect du Hadj obligatoire ; celles-ci sont au nombre de deux : l’Islam et la raison. Ainsi, le Hadj n’incombe ni au mécréant ni à la personne n’ayant pas sa raison. S’ils venaient à le faire, leur rite ne serait pas valide étant donné qu’ils ne sont pas concernés par les actes d’adoration.[15]
Deuxièmement : les conditions d’accomplissement (ou suffisantes) rendant l’aspect du Hadj obligatoire ; celles-ci demandent d’être pubère et d’être libre sans toutefois qu’elles soient nécessaires pour que le Hadj soit valide. Le pèlerinage accompli par un esclave ou par un enfant reste valide bien qu’il ne peut se substituer au Pèlerinage obligatoire (Hadjatou el Islam).[16]
Troisièmement : la condition rendant simplement l’aspect du Hadj obligatoire qui n’est autre que l’aptitude. Si une personne qui n’en a pas les moyens se lance dans l’aventure du Hadj sans provision ni monture, son rite est à la fois valide et accompli. Dans cet ordre, la personne qui se force à prier debout ou à jeûner alors qu’elle n’en est ni capable ni astreinte, verra son rite validé.[17]
Deux conditions sont sujettes à divergence :
1- La sûreté de la route : c’est-à-dire que la route ne doit pas être entravée par un ennemi ou autre.
2- L’accessibilité du parcours : cela signifie qu’il faut remplir les conditions requises et pouvoir voyager dans les temps.[18]
Les différentes formules du Hadj
La définition de Nousouk[19] d’un point de vue étymologique : il correspond à l’adoration et à tous les actes voués à Allah (I) en général ; la Nasîka étant l’immolation.[20]
D’un point de vue terminologique : el Mutli’ nous apprend que les Nusuk représentent tous les rites de la religion. Avec l’usage, ce terme s’est appliqué spécifiquement au Hadj en raison de la nombreuse variété de rites consacrée à cette occasion.[21] Il existe trois formules (Nusuk) du Hadj : le Tamattu’, le Qirân, et l’Ifrâd.[22]
Le Tamattu’ :
Etymologiquement : le Tamattu’ signifie jouir d’une chose.[23]
D’un point de vue terminologique : il correspond à se sacraliser seulement pour la ‘Umra à partir du Mîqât au cours des mois du Hadj. Après la ‘Umra, le pèlerin se sacralise la même année pour le Hadj.[24] Cette formule est intitulée ainsi, car le pèlerin à la liberté de jouir entre la fin de la ‘Umra et le début du Hadj, de tout ce qui lui est interdit durant la sacralisation. De même, le pèlerin peut jouir d’effectuer deux rites au cours d’un seul voyage.[25]
Le Qirân :
Etymologiquement : le Qirân consiste à réunir entre deux choses en général. Autrement dit, il signifie ici joindre entre le Hadj et la ‘Umra.[26]
D’un point de vue terminologique : il consiste à réunir le Hadj et la ‘Umra lors d’une seule sacralisation ou bien à se sacraliser pour la ‘Umra pour ensuite introduire le Hadj dans son rite avant d’entamer le Tawâf.[27] Dans l’usage, les anciens emploient le terme Tamattu’ pour exprimer la formule du Qirân. Ibn ‘Abd el Bar fait remarquer en effet : « Le Qirân est une forme de Tamattu’ également, car le pèlerin peut jouir de faire deux rites en un seul voyage. »[28]
L’Ifrâd :
Etymologiquement : le terme Fard désigne une unité impaire et un élément seul, dont Afrâd est le pluriel. Farada Yafrudu se conjugue comme Qatala, et il signifie devenir seul. Afrada signifie rendre seul. Par conséquent, séparer le Hadj de la ‘Umra consiste à isoler chacun de ses deux rites[29]…
D’un point de vue terminologique : il consiste à se sacraliser uniquement pour le Hadj.[30]
Le Qirân et l’Ifrâd ont les mêmes rites pour les trois grandes références Mâlik, Shâfi’i, et Ahmed. Il suffit pour le Qirân de faire un seul Tawâf (l’un des piliers du Hadj) et de se contenter des rites du Hadj ; les rites de la ‘Umra s’intègrent ainsi à ceux du Hadj. Par contre, les hanafites imposent pour le Qirân de faire deux Tawâf et deux Sa’î (parcourt) entre Safa et Marwa. Ils considèrent que les rites de la ‘Umra n’entrent pas dans ceux du Hadj. Selon eux, la ‘Umra précède le Hadj sauf au moment de la sacralisation, car ils se rejoignent à ce moment précis.[31]
Le choix entre les différentes formules
Plusieurs savants mentionnent qu’il est autorisé à l’unanimité de choisir l’une des trois formules du Hadj pour toute personne responsable en règle générale. Mais, en réalité, il n’est pas concédé à ces honorables savants que l’autorisation de se sacraliser en choisissant n’importe laquelle des trois formules, fasse l’unanimité des opinions. Sheïkh el Islam ibn Taïmiya souligne en effet : « Il est certifié selon ibn ‘Abbâs et une partie des anciens que le Tamattu’ est obligatoire. Selon eux, quiconque fait le Tawâf et le Sa’î se désacralise automatiquement s’il n’a pas emmené son offrande avec lui, qu’il ait l’intention de le faire ou non. Pour eux, le Tamattu’ est désigné à tous le monde. Cet avis est celui d’ibn Hazm et d’autres Dhahirites (savants qui s’appuient le plus souvent sur le sens apparent des textes). »[32]
Deux opinions sont donc à recenser concernant cette question :
La première : il est autorisé de se sacraliser en choisissant n’importe laquelle des trois formules selon l’opinion de la plupart des savants parmi les compagnons, leurs successeurs, et les générations suivantes. Cette opinion est celle des références des quatre écoles de jurisprudence.
La deuxième : quiconque n’emporte pas son offrande avec lui ne peut prendre la formule de son choix ; seul le Tamattu’ lui est désigné selon ibn ‘Abbâs et ses disciples, et les Dhahirites ; ibn el Qaïyam penche aussi pour cet avis…[33]
En définitive, désigner quelle formule du Hadj est la meilleure, dépend de la situation du pèlerin. Si ce dernier entreprend un voyage pour la ‘Umra et un autre pour le Hadj, il vaut mieux pour lui de faire l’Ifrâd que de réunir les deux rites dans un seul voyage, à travers le Tamattu’ ou le Qirân. Par contre, s’il décide de réunir les deux rites dans un seul voyage, il vaut mieux qu’il fasse le Tamattu’ s’il n’emporte pas d’offrande avec lui. Tandis que s’il emporte son offrande avec lui, il vaut mieux le cas échéant faire le Qirân. Dans cet ordre, si après avoir consacré un voyage pour la ‘Umra, il décide d’en faire un autre pour le Hadj, il est préférable pour lui de faire le Tamattu’ car il est meilleur d’additionner deux ‘Umra avec un Hadj qu’une seule ‘Umra avec un Hadj.
Extrait de El Qawl el Haq fî Nusuk el Hadj e-ladhî Ahrama bihi khaïra el Khalq ()ma’a Baïân Nusuk el Hadj el Ukhar… du Sheïkh ‘Abd e-Salâm A-Souhaïmî.
Traduit et adapté pour islamhouse par :
Karim ZENTICI
Relu par Abu Hamza Al-Germâny
Le bureau de prêche de Rabwah (Ryadh)
www.islamhouse.com
L’islam à la portée de tous !
[1] El Misbâh el Munîr (1/121) et el Qâmûs el Muhît (223).
[2] El Ifsâh (1/262).
[3] E-Sharh el Mumti’ ‘alâ Zâd el Mustaqni’ (7-8/8).
[4] El Mughnî d’ibn Qudâma (5/5).
[5] La famille de 'Imrân ; 97
[6] Sharh el ‘Umda (1/76).
[7] La vache ; 196
[8] Voir Sharh Muslim de Nawawî (9/100-101).
[9] El Mughnî (6/5), el Ijmâ’ d’ibn el Mundhir (p. 53), el Ifsâh (2/262), et el Hâwî (6/4).
[10] Voir Fath el Bârî (3/381).
[11] Voir Fath el Bârî (3/381).
[12] Voir Fath el Bârî (3/381).
[13] Voir Fath el Bârî (3/381).
[14] Les avis sont partagés pour délimiter l’aptitude en question. Certains savants assument que la présence du mari ou du tuteur pour la femme au cours du voyage est une condition d’aptitude la concernant de sorte que si la femme n’a pour l’accompagner au Hadj ni son mari ni aucun tuteur, elle n’est pas considérée apte à le faire selon l’avis de l’Imam Ahmed et d’Abû Hanîfa. Voir : el Mughnî (5/30) et Mukhtasar ikhtilâf el ‘Ulamâ (2/57).
Pour l’Imam Mâlik et Shâfi’i, la présence du mari ou du tuteur auquel le voyage de la femme est astreint, n’est pas une condition pour rendre le statut du Hadj obligatoire. La femme peut en effet aller à la Mecque accompagnée de personnes de confiance. Voir Bidâyat el Mujtahid (5/278-279) et el Majmû’ (7/86). En réalité, le pèlerinage n’incombe à la femme qu’en présence d’un tuteur, elle n’a pas le droit de voyager sans la présence d’un tuteur ou de son mari conformément aux paroles du Prophète (que la bénédiction et le salut d’Allah soient sur lui) : « Il n’est pas permis à la femme croyant en Allah et au Jour dernier de voyager sans tuteur. » Rapporté par el Bukhârî et Muslim. Voir : Fath el Bârî (4/72) et Sharh Muslim de Nawawî (9/103).
[15] C’est-à-dire tant qu’ils sont dans cette situation ; le Hadj n’est pas valide pour celui qui n’est pas musulman tant qu’il n’embrasse l’Islam, et pour celui qui est atteint de folie tant qu’il ne recouvre la raison.
[16] Autrement dit, lorsque l’enfant atteint la puberté ou que l’esclave est affranchi, ils doivent s’acquitter du pèlerinage qui leur incombe (N. du T.).
[17] Voir ses conditions dans : el Mughnî (5/6-7), el Ifsâh (1/262), el Muhadhdhib ma’a el Majmû’ (2/7), et el Hâwî (5/4).
[18] Ibidem.
[19] Qui a le sens de rite mais que nous traduisons dans ce contexte par formule (N. du T.).
[20] El Misbâh el Munîr (2/603) et el Qâmûs el Muhît (1233).
[21] El Mutli’ ‘alâ Abwâb el Muqni’ (p. 156).
[22] El Mughnî (5/82).
[23] El Misbâh el Munîr (2/562).
[24] El Mughnî (5/82) et el Majmû’ (7/171).
[25] Fath el Bârî (3/423) et Sharh el ‘Umda d’ibn Taïmiya (1/480).
[26] El Misbâh el Munîr (2/500) et el Qâmûs el Muhît (1579).
[27] El Mughnî (5/82) et Fath el Bârî (3/423).
[28] E-Tamhîd (8/354).
[29] El Misbâh el Munîr (2/466).
[30] El Mughnî (5/282) et Fath el Bârî (3/423).
[31] Voir Sharh Muslim de Nawawî (8/141), el Isrâr d’Abû Zaïd (278) dans Kitâb el Manâsik, et el Ifsâh (1/263).
[32] Majmû’ el Fatâwa (26/94). Voir el Mahallâ (7/99), Sharh Muslim de Nawawî (8/229-230), et Zâd el Ma’âd (2/186).
[33] Voir les références précédentes et Zâd el Ma’âd (2/193). Cette opinion est également celle de Sheïkh el Albânî –qu’Allah lui fasse miséricorde – (voir : Hajat e-Nabî (ﷺ) p. 10).