Le mois d’Allah : Mouharram
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Full Description
Le mois d’Allah :
Mouharram
شهر الله: محرم
[باللغة الفرنسية ]
Ibn Rajab Al-Hanbaly
الشيخ ابن رجب الحنبلي
Traduction et adaptation : Karim Zentici
ترجمة: كريم زنتيسي
Révision : Abu Hamza Al-Germâny
مراجعة: أبو حمزة الجرماني
Publié par le bureau de prêche de Rabwah (Ryadh)
L’islam à la portée de tous !
المكتب التعاوني للدعوة وتوعية الجاليات بالربوة بمدينة الرياض
1430-2009
Au nom d’Allah, l’Infiniment Miséricordieux, le Très miséricordieux
Le mois d’Allah : Mouharram
Que la prière d’Allah et Son Salut soient sur Mohammed, ainsi que sur ses proches,
et tous ses compagnons !
D’après Muslim, selon Abû Huraïra (t), le Prophète (ﷺ) a déclaré : « Le meilleur mois pour jeûner après le mois du Ramadhan, c’est le mois d’Allah que vous appelez el Mouharram, et la meilleure prière que vous pouvez faire après celle obligatoire, c’est la prière de la nuit. »[1] Ce Hadith formule explicitement que le mois le plus propice au jeûne après celui du Ramadhan est celui d’el Mouharram. Cela concerne probablement le fait de jeûner le mois en entier. Quant à consacrer certains jours de jeûne facultatif, il est possible de trouver des jours à d’autres périodes de l’année où le jeûne est plus méritoire comme le jour de ‘Arafat, les dix premiers jours de Dhû el Hidja, les six jours de Shuwwâl, etc. Il est possible de faire remarquer cependant que le Prophète (ﷺ) consacrait le mois de Sha’bân au jeûne, mais rien ne prête à dire en regard des textes qu’il jeûnait el Mouharram en entier. Les textes parlent seulement de ‘Achoura. Quant aux paroles qu’il a prononcées la dernière année de sa vie : « Si je suis encore vivant l’an prochain, je jeûnerais également le neuvième jour »,[2] elles sous-entendent qu’il ne l’a jamais fait auparavant.
Certains savants ont cherché à résoudre cette question, mais la plupart de leurs hypothèses sont peu satisfaisantes. Il me semble plutôt, mais Dieu Seul le sait, qu’il existe en fait deux sortes de jeûne surérogatoire :
Premièrement : le meilleur jeûne surérogatoire dans l’absolu se trouve durant le mois d’el Mouharram de la même façon que la meilleure prière surérogatoire dans l’absolu, c’est la prière de la nuit.
Deuxièmement : quant au jeûne qui s’effectue avant ou après le mois de Ramadhan, il ne fait pas partie des jeûnes surérogatoires dans l’absolu. Il est plutôt lié au jeûne obligatoire. Ainsi, les six jours de Shuwwâl accompagnent le mois des jeûneurs, et ils permettent à celui qui les accomplit d’avoir une récompense équivalente à un an de jeûne. En cela, ce jeûne est plus méritoire que la première sorte de jeûne. Concernant celle-ci exclusivement, il y a plus de mérite à jeûner au cours d’el Mouharram. Ainsi, de la même façon que les prières liées à la prière obligatoire (Ar-Rawâtib) sont plus méritoires que les prières surérogatoires dans l’absolu, les jours de jeûne liés au mois prescrit sont plus méritoires qu’à n’importe quel autre moment de l’année. Par contre, il est plus méritoire de consacrer des jours de jeûne surérogatoire dans l’absolu au cours du mois de Mouharram de la même façon que la prière de la nuit constitue la meilleure forme de prière surérogatoire dans l’absolu ; elles viennent donc dans l’ordre d’importance, après celles qui s’effectuent avant ou après la prière obligatoire.
Toujours est-il que les savants divergent sur la question de savoir au cours de quel mois sacré il est plus méritoire de jeûner. El Hasan et d’autres anciens optent pour el Mouharram, c’est d’ailleurs l’opinion d’une partie des savants des générations plus récentes. Certains chaféites assument néanmoins que Rajab prend la première place des mois sacrés, bien que cette tendance soit réfutable. Au demeurant, les dix premiers jours de Mouharram concède un mérite particulier par rapport au reste du mois. Quoi qu’il en soit, étant donné que les mois sacrés sont les mois après Ramadhan où il est plus méritoire de jeûner dans l’absolu, il vaut mieux les jeûner en entier comme le Prophète (ﷺ) l’a prescrit. L’un d’entre eux clôture l’année lunaire alors qu’un autre l’entame. Quiconque consacre Dhû el Hidja –en dehors des jours où il est interdit de jeûner – et Mouharram au jeûne, aura terminé et commencé l’année par des actes d’adoration. Il est à espérer dans ce cas de jouir de la récompense d’une année entière d’adoration ; celui qui commence et qui termine un événement par une adoration a le même statut que celui qui passe toute sa durée à adorer Dieu. Dans ce sens, ibn el Mubârak a dit : « Quiconque termine la journée à invoquer Allah, il lui sera écrit la récompense d’une journée entière d’invocation. » Il veut dire que les œuvres ne valent que par la dernière d’entre elles. Si la première et la dernière œuvre sont consacrées à l’évocation d’Allah, a fortiori la récompense englobera toute la période entre ces deux moments. Il incombe ainsi de débuter l’année par un repentir sincère afin de se voir effacer les péchés des jours passés.
Le Prophète (ﷺ) a nommé Mouharram le « mois d’Allah » pour exprimer son importance et sa considération. Seules les plus nobles des créations d’Allah ont le privilège en effet de lui être annexé à l’exemple de Mohammed, Ibrahim, Ishâq, Ya’qûb qui furent désignés comme Ses serviteurs (abdoulahi=serviteur d’Allah ou ibadana=nos serviteurs), ou de Sa Maison (baytou lahi= la maison d’Allah) et de Sa chamelle (naqatou lahi= la chamelle d’Allah). Il convenait donc de réserver des jours de jeûnes à ce mois spécial.
Le jour de ‘Achoura
D’après el Bukhârî et Muslim, selon ibn ‘Abbâs (t), ce dernier fût interrogé au sujet du jeûne du jour de ‘Achoura. Il répondit dès lors : « Je n’ai pas vu de jour que le Messager d’Allah a consacré au jeûne convoitant ses mérites, en dehors de ce jour (c’est-à-dire : ‘Achoura) et en dehors de ce mois (c’est-à-dire : Ramadhan). »[3] Or, le Prophète (ﷺ) a connu quatre comportements différents vis-à-vis de ce fameux jour :
Premièrement : il jeûnait ce fameux jour lorsqu’il se trouvait encore à la Mecque sans toutefois imposer aux gens de le faire.
D’après Al Bukhârî et Muslim en effet, selon ‘Âisha : « ‘Achoura correspondait à un jour que les Quraïshites consacraient au jeûne à l’ère païenne ; le Prophète (ﷺ) le jeûnait aussi. Quand il arriva à Médine, il lui consacra un jour de jeûne et il prescrivit à ses compagnons de le faire. L’année où le Ramadhan fut prescrit par la Révélation, il se mit à jeûner au cours de ce mois et à délaisser le jour de ‘Achoura. Désormais, celui qui voulait jeûner pouvait le faire et celui qui ne le voulait pas, pouvait le faire. »[4] Dans la version d’Al Bukhârî, le Prophète (ﷺ) précise : « Celui qui veut jeûner il en a le droit et celui qui ne veut pas jeûner il en a le droit. »
Deuxièmement : arrivé à Médine, le Prophète (ﷺ) a trouvé que les juifs encensaient ‘آshûra et qu’ils lui consacraient un jour de jeûne. Il aimait les imiter sur des rites où la loi n’y avait rien prononcé, il s’est alors mis à jeûner et ordonna à ses compagnons d’en faire autant. Ces derniers allèrent jusqu’à faire jeûner leurs enfants en bas âge. D’après el Bukhârî et Muslim, selon ibn ‘Abbâs, une fois arrivé à Médine, le Messager d’Allah (ﷺ) trouva les juifs jeûnant le jour de ‘Achoura. Dès lors, il (ﷺ) les interrogea en ces termes : « Quel est ce jour que vous consacrez au jeûne ?
- C’est un jour illustre ont-ils répondu, il correspond au jour où Allah sauva Moussa et son peuple des mains de Pharaon et de son armée qu’Il fit périr sous les eaux. Moussa lui consacra alors un jour de jeûne par reconnaissance envers Allah, c’est pourquoi nous jeûnons ce fameux jour.
- Nous sommes plus dignes et plus proches de Moussa que vous, leur a-t-il répondu. »
Il se mit alors à jeûner et ordonna à ses compagnons de le faire.[5] D’après Al Bukhârî et Muslim, selon Salama ibn el Aqwa’ (t), le Prophète (ﷺ) ordonna à un homme de la tribu Aslam de héler au milieu des gens : « Quiconque a déjà mangé qu’il s’abstienne de le faire jusqu’à la fin du jour et quiconque est à jeun doit jeûner, car nous sommes le jour de ‘Achoura. »[6] Toujours d’après el Bukhârî et Muslim, selon Ar-Rubaïyi’ bint Mu’awwidh, « … dès lors, nous nous mirent à jeûner et nous faisions jeûner nos enfants en bas âge. Nous nous rendions à la mosquée et nous leur confectionnions des jouets en laine. Dès que l’un d’entre eux pleurait en raison de la faim, nous le faisions patienter avec jusqu’au moment de rompre le jeûne. »[7] Or, les savants divergent sur la question de savoir si ‘Achoura était un jour de jeûne obligatoire avant que le Ramadhan soit institué ou bien était-il simplement « fortement recommandé ». il existe deux opinions connues sur la question. selon l’avis d’Abû Hanîfa, il était obligé de jeûner à cette époque ; cet avis est visiblement conforme aux paroles de l’Imam Ahmed et d’Abû Bakr el Athram. Chaféi pour sa part estime qu’il était fortement recommandé de jeûner ; la plupart des savants de notre école et autres optent pour cette opinion.
Troisièmement : après que le jeûne du Ramadhan fut prescrit aux musulmans, le Prophète (ﷺ) cessa d’imposer celui de ‘Achoura à ses compagnons. D’après el Bukhârî et Muslim, selon ibn ‘Omar (t) : « Le Prophète (ﷺ) jeûnait le jour de ‘Achoura et il ordonna à ses compagnons de le faire, mais quand le jeûne du Ramadhan fut institué, il cessa de le faire. »[8] D’après Al Bukhârî et Muslim également, selon Mu’âwiya, j’ai entendu dire le Messager d’Allah (ﷺ) : « Voici le jour de ‘Achoura ; Allah ne vous y a prescrit aucun jeûne, mais moi je jeûne ; quiconque veut jeûner en a le droit et quiconque ne veut pas le faire, en a le droit. »[9] Ces Hadiths et tant d’autres démontrent que le Prophète (ﷺ) n’imposait plus à ses compagnons de consacrer un jour de jeûne à l’occasion de ‘Achoura après que le mois du Ramadhan fut prescrit. Il leur a plutôt laissé l’initiative de choisir. Si avant cette période ‘Achoura était obligatoire, la question qui se pose est de savoir si après son abrogation il reste recommander de le jeûner. Il existe sur cette question une fameuse divergence entre les savants. Par contre, s’il était fortement recommandé d’y jeûner, après l’abrogation il devient simplement recommandé d’y jeûner. Cela explique les paroles du compagnon Qaïs ibn Sa’d : « Nous, nous préférons jeûner. »[10] Tel est l’avis en tout cas de la plupart des savants.
Quatrièmement : le Prophète (ﷺ) a projeté à la fin de sa vie de ne plus jeûner un seul jour à cette occasion. Il a voulu en effet accompagner ‘Achoura d’un autre jour de jeûne, en vue de se distinguer des juifs. D’après Muslim, selon ibn ‘Abbâs (t), comme le Prophète (ﷺ) jeûnait le jour de ‘Achoura et ordonna d’y jeûner, ses compagnons lui firent remarquer : « Ô Messager d’Allah ! Les juifs et les chrétiens encensent ce jour !
- L’année prochaine si Allah le veut répondit-il, nous jeûnerons le neuf (avant). »
Cependant, il rendit l’âme avant l’année suivante.[11] D’après le Musnad de l’Imam Ahmed, selon ibn ‘Abbâs (t) également, le Prophète (ﷺ) a précisé : « Jeûnez le jour de ‘Achoura mais distinguez-vous des juifs en jeûnant un jour avant et après. »[12] Dans une autre version, il est dit : « ou après. » Ici « ou » signifie que la chose est laissée au choix ou que le rapporteur ne sait plus bien s’il s’agit d’avant ou après le dixième jour de Mouharram. Ibn ‘Abbâs lui-même disait au sujet de ‘Achoura qu’il fallait jeûner le neuvième et le dixième jour du mois en vue de se distinguer des juifs.[13] L’Imam Ahmed a pour sa part choisi cette opinion. D’autres recueils de hadiths rapportent qu’ibn ‘Abbâs jeûnait ces deux jours par précaution afin de ne pas manquer ‘Achoura. D’autres anciens choisissaient purement de jeûner trois jours (du 9 au 11 Mouharram).
Les juifs de Médine et de Khaïbar prenaient ‘Achoura à cette époque comme jour de fête en hommage à l’évènement qui s’est déroulé entre Moussa et pharaon. Moussa se serait habillé ce jour-là de beaux vêtements en coton et il se serait fardé les yeux avec de l’Ithmid (Kohol NDT.). Les païens les ont ainsi imités dans cette coutume. Ils habillaient la Kaaba ce fameux jour. Cependant, notre législation nous réclame de nous distinguer d’eux. D’après Al Bukhârî et Muslim, selon Abû Mûsâ, les juifs encensaient ‘Achoura pour lequel ils réservaient un jour de fête. Dès lors, le Prophète a dit : « Jeûnez donc ce fameux jour. »[14] La version de Muslim précise que les juifs de Khaïbar jeûnaient à l’occasion de ‘Achoura qu’ils considéraient comme un jour de fête au cours duquel leurs femmes s’habillaient de leurs plus belles parures et leurs plus beaux vêtements. Ce hadith démontre qu’il est interdit de faire de ce jour un jour de fête. Il est recommandé en outre de jeûner les jours de fête des païens en vue de se distinguer d’eux ; comme il est recommandé de jeûner un jour en plus comme nous l’avons vu afin de se distinguer des non-musulmans à tous les niveaux.
Tous les recueils qui mentionnent de mettre du Kohol, de se teindre la barbe ou les cheveux, et de faire la grande ablution ce fameux jour sont purement inventés. Quant au Hadith : « Allah fait des largesses durant le reste de l’année à quiconque fait des largesses à sa famille le jour de ‘Achoura. » Sa chaîne narrative accuse certains éléments faibles. Quant à consacrer à cette occasion un jour de deuil en hommage à Al Husaïn comme se complaisent à le faire les Rafidhîtes (chiites), c’est faire preuve d’un grand égarement ! Les prophètes eux-mêmes n’ont droit à aucun jour de deuil…
Que les prières d’Allah et Son Salut soient sur Mohammed, ainsi que sur ses proches,
et tous ses ؤompagnons !
Extraits de : Latâif el Ma’ârif fîmâ el ‘Âm min el Wazhâif d’ibn Rajab.
Article pour islamhouse
Traduit et adapté par : Karim Zentici
Revu par Abu Hamza Al-Germâny
Publié par
Le bureau de prêche de Rabwah (Riyadh)
www.islamhouse.com
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[1] Rapporté par Muslim (1163).
[2] Rapporté par Muslim (1134).
[3] Rapporté par el bukhârî (2006) et Muslim (1132).
[4] Rapporté par el bukhârî (2002) et Muslim (1125).
[5] Rapporté par el bukhârî (2004) et Muslim (1130).
[6] Rapporté par el bukhârî (2007) et Muslim (1135).
[7] Rapporté par el bukhârî (1960) et Muslim (1136).
[8] Rapporté par el bukhârî (1892) et Muslim (1126).
[9] Rapporté par el bukhârî (2003) et Muslim (1129).
[10] Voir el Musnad de l’Imam Ahmed (3/422).
[11] Muslim (1134).
[12] el Musnad de l’Imam Ahmed (1/241).
[13] Voir el Musannif de ‘Abd e-Razzâq (4/287).
[14] Rapporté par el bukhârî (2005) et Muslim (1131).