Les mérites du mois de ramadan : deuxième partie
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Les mérites du mois du Ramadhan
(Partie 2)
De l’Erudit ibn Rajab el Hanbalî
فضل شهر رمضان
Le jeûneur a deux joies : la joie de rompre son jeûne et la joie de rencontrer Son Seigneur. Concernant la première joie, l’homme par nature est attiré vers les éléments qui satisfont ses besoins naturels de nourriture, de boisson, et de rapports sexuels. S’il en est privé à un moment donné, et qu’il peut en jouir à nouveau, il éprouvera la joie de retrouver disponible ce qui lui fut momentanément interdit ; et cela d’autant plus que le besoin pressent se faisait ressentir. Le sentiment de joie se provoque ainsi naturellement. Si l’on sait qu’Allah aime ce sentiment, il devient évident qu’il est tout à fait légitime au regard de la Loi. Le jeûneur éprouve ce même sentiment au moment de mettre fin à son abstinence. Allah (I) interdit la journée aux fidèles de satisfaire certaines jouissances qu’Il autorise pendant la nuit. Le mieux, c’est de les satisfaire aux deux extrémités de la nuit. Allah aime que Ses serviteurs se précipitent à manger le soir, et Il prie Lui et Ses anges sur les fidèles qui prennent un repas juste avant l’aurore.
Le jeûneur sacrifie donc ses plaisirs la journée pour plaire au Seigneur à travers sa dévotion et son obéissance, mais il se précipite de les retrouver la nuit, poussé par cette même dévotion et cette même obéissance. D’une part, il s’en prive pour obéir à Son Seigneur et d’autre part il les retrouve pour Lui obéir aussi. Manger devient ainsi une dévotion. C’est la raison pour laquelle il n’est pas permis de jeûner sans interruption. Le jeûneur qui se précipite à prendre son repas au cours duquel il mange, il boit, et remercie Son Maître, et tout cela par dévotion envers Lui, peut espérer le pardon et l’agrément d’Allah. Il est d’ailleurs plus à même de se voir exaucer ses vœux (dans le sens d’invocation) à ce moment précis comme le signifie le Hadith : « Au moment de manger, il est offert au jeûneur de faire un vœu qui ne peut être refusé. »
Si qui plus est, il voit dans la nourriture un moyen de reprendre des forces dans le but de prier la nuit et de poursuivre son jeûne le lendemain, il sera rétribué pour sa bonne intention. En outre, dormir la nuit ou faire la sieste la journée toujours dans le but d’être en forme pour affronter les bonnes œuvres, devient une véritable dévotion. En fait, le jeûneur est, jour et nuit, en état d’adoration et ses vœux lui sont sans cesse exaucés (aussi bien avant qu’après manger). Le jour, il patiente en jeûnant et la nuit il remercie en mangeant. Si l’on comprend ces subtilités, on se rendra compte que la joie du jeûneur n’est pas confinée dans quelques aliments. S’il garde à l’esprit les notions que nous avons indiquées, il se sentira toucher par la Grâce divine, et sera directement concerné par le Verset : (Dis : de la Grâce d’Allah et de Sa Miséricorde, qu’ils s’en réjouissent ; cela vaut mieux pour eux que leurs richesses accumulées).[1]
Or, ce discours est valable dans un cadre licite. Rompre le jeûne avec des éléments interdits, équivaut à s’abstenir de consommer une nourriture licite pour en définitive se rassasier avec des éléments illicites ; ses invocations ne peuvent ainsi être exaucées comme le confirme le Prophète (ﷺ) en parlant de la personne ayant fait un long voyage : « Il tend ses mains au ciel en disant : « Seigneur ! Seigneur ! » Alors que sa nourriture est illicite, que sa boisson est illicite, que son habit est illicite, et qu’il se nourrit de choses illicites. Comment peut-il ainsi se voir exaucer ! »[2]
Quant à la joie de rencontrer Son Seigneur, elle correspond à la rétribution que le jeûneur conserve auprès d’Allah et qu’il retrouve au moment où il en a le plus besoin comme l’affirme le Très-Haut : (Tout bien que vous avancez pour vous-mêmes, vous le retrouverez auprès d’Allah ; cela vaut mieux pour vous et aura de meilleures conséquences ).[3] Sufiân ibn ‘Uaïyna a souligné à cet effet : « La récompense du jeûneur ne peut s’envoler en pure perte. Allah la conserve plutôt auprès de Lui jusqu’au jour où elle lui permettra de rentrer au Paradis. Les jours sont des réserves à la disposition des hommes, qu’ils remplissent de leurs bonnes et mauvaises actions en vue de les conserver. Ces réserves seront rouvertes le Jour de la Résurrection : les pieux y trouveront la fierté et l’honneur tandis que les pervers y découvriront leur perte et le regret. »
Les jeûneurs se répartissent en deux catégories :
Premièrement : une partie d’entre eux se privent des boissons, des nourritures, et des jouissances en vue de plaire à Allah (I) et dans l’espoir de trouver auprès de Lui en retour, le Paradis. Avec une telle transaction, la personne trouvera un Dieu qui ne néglige nullement la récompense des bonnes œuvres. Il ne peut décevoir quiconque ayant traité avec Lui, mais Il permet plutôt d’acquérir les gains les plus inespérés. Le Messager d’Allah (ﷺ) a fait savoir à quelqu’un à ce sujet : « Tu ne sacrifies pas une chose pour Allah par crainte envers Lui, sans qu’Il ne te le rende en mieux. »[4] Ainsi, femmes, boissons, et nourritures seront autant disponibles au jeûneur au Paradis qu’Allah en aura décidé. Selon certains anciens : « le Jour des Comptes, il sera installé pour les grands jeûneurs une nappe sur laquelle ils se rassasieront tandis que les autres hommes se feront juger. « Seigneur ! S’écrieront ces derniers, ils mangent tranquillement alors que nous sommes en train de rendre des comptes ?
- À chaque fois qu’ils jeûnaient le jour, vous mangiez et à chaque fois qu’ils priaient la nuit, vous dormiez. Leur sera-t-il répondu. » »
Deuxièmement : une partie d’entre eux font abstinence de toute chose sur terre exceptée Allah. Ils préservent leur tête et ce qu’elle contient, comme ils préservent leur ventre et ce qu’il renferme, et ils se rappellent la mort et le malheur. Attirés par la vie future, ils se privent des beautés d’ici-bas. Voilà en quoi la rupture du jeûne est une fête qui aura lieu le jour où ils rencontreront leur Seigneur et où ils auront la joie de le contempler. Celui qui fait abstinence de ses plaisirs dans ce bas monde, il le récupérera demain au Paradis, et celui qui fait abstinence de toute chose en dehors d’Allah, Il va le lui rendre le jour de Sa rencontre.
Ô l’amour des cœurs qui ai-je d’autre que Toi
Sois clément le jour où un pécheur te viendrait
Je ne vois pas d’intérêt dans l’Eden, mon maître[5]
Sauf pour te voir, hé bien je le voudrais
L’haleine du jeûneur provient des gaz qui remontent de l’estomac en raison de l’absence de liquide et de nourriture. L’odeur qu’elle dégage est répugnante pour le commun des mortels, mais celle-ci est pure auprès d’Allah. Elle est le fruit de la dévotion du serviteur en quête de la satisfaction divine tout comme le martyre qui le Jour de la Résurrection sera baigné dans son sang dont la couleur certes sera celle du sang, mais dont l’odeur sera celle du musc.
La pureté de l’haleine du jeûneur auprès d’Allah (ﷻ) comprend deux sens :
Premièrement : étant donné que le jeûne est un secret entre le Serviteur et Son Seigneur sur terre, Allah le dévoile au grand jour dans l'au-delà à la vue de l’humanité entière afin de rendre les jeûneurs célèbres au milieu des hommes. Ils seront reconnaissables pour avoir été discrets sur terre en jeûnant.
Deuxièmement : le fidèle adore Allah et Lui obéit dans l’espoir de gagner Son agrément à travers certaines œuvres dans ce monde qui laisse certaines traces. Désagréables pour les terriens, ces traces ne le sont pas pour Allah qui les apprécie. Elles sont plutôt pures pour Lui, car elles proviennent des bonnes actions qui engendrent la satisfaction divine. S’Il met au courant les fervents sur terre de cette particularité, c’est pour les consoler afin qu’ils ne soient pas repoussants aux yeux des autres.
Les jeûneurs ont donc une meilleure haleine que le musc. Avoir faim pour Lui c’est se rassasier, avoir soif en quête de Sa satisfaction c’est se désaltérer, et la fatigue de ceux qui redoublent d’efforts à Le servir, est en réalité un repos.
Que les prières d’Allah et Son Salut soient sur Mohammed, ainsi que sur ses proches,
et tous ses Compagnons !
Traduit par : Karim Zentici
Relu par Abu Hamza Al-Germâny
[1] Yûnas ; 58
[2] Rapporté par Muslim.
[3] L’enveloppé sous son manteau ; 20
[4] Rapporté par Ahmed.
[5] Si la contemplation du Seigneur constitue la plus grande jouissance qui soit, il n’en demeure pas moins que le Paradis est la plus grande aspiration que le serviteur réclame à Son Seigneur après celle-ci. La Satisfaction d’Allah pour Sa créature se concrétise en effet à travers le Paradis alors comment ne pas y aspirer ! (N. du T.)