Avoir besoin d’Allah:
L’essence de l’adoration
Œuvre écrite par cheikh
Ahmad As-Suwayyân
Traduit par
Kamel Abû Khawlaa
Revu et corrigé par
L’équipe Islamhouse
Publié par
Le bureau de prêche de Rabwah (Riyadh)
www.islamhouse.com
L’islam à la portée de tous!
ceux qui se comportent avec lui de cette manière [1].» Louange à Allah l’Unique et Seul digne d’adoration, Celui qui n’a besoin de rien et se passe de l’univers, Celui qui se suffit à Lui-même et par qui toute chose subsiste. Il n’a ni associé, ni assistant, ni compagne, ni enfant. Rien ne Lui est semblable et Il est Capable de toute chose.
J’atteste qu’il n’y a aucune divinité légitime d’être adorée en dehors d’Allah, et que notre maître Muhammad (ج) est Son messager et Son serviteur, le plus noble des adorateurs et le plus nécessiteux envers son Seigneur. Que la paix soit sur lui, sa famille, ses compagnons et ses suiveurs, qui glorifient Allah pen- dant de longues heures, le cœur rempli de peur.
Le site Islamhouse est ravi et fier de vous présenter un ouvrage qui leur tient particulièrement à cœur, un livre qui traite d’une thématique trop souvent oubliée ou même occultée dans la prêche francophone sun- nite («Ahl As-Sunnah wa Al-Jamâcah»), souvent au profit d’autres groupes sectaires et déviants, qu’ils soient adeptes du soufisme sous toutes ses formes, du chiisme ou de tout autre courant qui appelle comme ces derniers à l’innovation et au polythéisme.
Et malgré les efforts récents de certains édi- teurs islamiques francophones parmi les gens de la Sunna – qu’Allah les récompense – pour essayer de redonner vie à ce champ d’étude, le panel de livres de référence traduits en langue française reste encore restreint car trop peu investi.
Cette thématique, ô combien importante, est celle de la purification de l’âme («Tahdhîb An-Nufûs») et de l’attendrissement des cœurs («Ar-Raqâ’iq»).
En observant la communauté musulmane en Orient comme en Occident, on comprendra que cette thé- matique, si elle était considérée à sa juste valeur par les musulmans et croyants, serait porteuse d’un bon nombre de solutions aux problèmes de la société islamique. Après réflexion, n’est-il pas judicieux de constater que les maladies qui agitent la communauté, qu’elles soient divergences politiques et religieuses, guerres intestinales, multiplication des péchés en privé comme en public, destruction de la cellule familiale, apparition de prédicateurs imposteurs […] soient liés en majeure partie au manque de purification de l’âme et à la dureté des cœurs?
Et si l’on accepte pour postulat de base que l’homme est fait d’un corps, d’une raison et d’une âme; on s’ac- cordera à dire que les meilleurs des hommes sont ceux qui sont dotés d’une âme saine, et d’une raison saine dans un corps sain.
Le corps sain est celui dont les membres adorent constamment leur Seigneur tel qu’Il l’a légiféré dans la religion. Ceci est aussi bien valable pour la prière, l’au- mône légale, le jeûne, le pèlerinage que pour les autres adorations, telles que l’évocation d’Allah, l’écoute et la lecture du Coran, la bonne parole, le sourire, les allers retours à la mosquée etc. Il est celui qui s’arrête aux limites fixées par le Législateur dans la manière d’effec- tuer ces adorations sans en modifier ou y innover quoi que ce soit.
En outre, il est celui qui se soumet aux exigences de son Seigneur, matérialisées par Ses obligations et Ses interdits, que ce soit dans la parole, la nourriture, les transactions sociales et commerciales ou tout autre aspect de la vie…
Ces thèmes ont été traités abondamment dans les ouvrages de jurisprudence islamique («Fiqh») ou dans les recueils de hadiths («Sunan») qui mettent en évi- dence les actes obligatoires, désirables, permis, décon- seillés ou interdits. C’est, avant cela, dans les sourates médinoises que l’on retrouve bon nombre de ces règles.
La raison saine, quant à elle, est celle qui demeure sur les prédispositions naturelles sur lesquelles elle a été créée. Elle est celle qui reconnaît l’existence et le caractère unique de son Seigneur, dans Son essence, Ses noms et attributs et Ses actes et, par conséquent, le fait qu’Allah dispose du droit exclusif à l’adoration, sous toutes ses formes légiférées. Elle est celle qui agrée Muhammad (ج) comme messager et Prophète et se réfère à son jugement en toute circonstance, sans éprou- ver la moindre gêne et en s’y pliant en totale soumis- sion. En d’autres termes, elle est celle qui manifeste une compréhension de la religion qui est conforme avec la volonté de son Seigneur.
Ces thèmes sont étroitement liés au sujet du dogme islamique («cAqîdah») qui résume la croyance et le crédo que tout musulman doit adopter vis-à-vis de son Seigneur et de la foi plus généralement. On retrouve bon nombre d’ouvrages qui ont décrit ces problé- matiques, aussi bien chez les anciens que chez leurs suiveurs ou nos contemporains. En outre, c’est majo- ritairement les sourates mecquoises, empruntes de ce discours à vocation rationnelle, qui les ont mis en évi- dence, de même que les sourates médinoises.
Enfin, L’âme saine est celle qui, au-delà d’une puri- fication de façade qui reste nécessaire, débarrasse le cœur de ses maladies enfouies les plus profondément. Elle est celle qui n’a d’autre dessein que la satisfac- tion de son Seigneur et Sa récompense, loin de toute hypocrisie, ostentation, innovation, perversion, auto- satisfaction, mensonge, orgueil, paresse, entêtement, rancune, haine, recherche de ce bas-monde etc. Elle est celle qui élève le serviteur aux rangs de la piété jusqu’à en faire un allié d’Allah. Elle est celle qui confronte le serviteur à sa finitude et lui fait prendre conscience de sa véritable valeur. Elle est celle qui lui fait réaliser la grandeur de son Seigneur et le pousse à l’excellence, qui consiste à L’adorer comme s’il Le voyait.
Le Coran et la Sunna sont truffés d’allusions aux états de l’âme, comme nous le verrons dans cet ouvrage. Par ailleurs, les savants et guides de cette communauté n’ont certainement pas omis de s’y intéresser en y consa- crant parfois des œuvres entières. Parmi les anciens, on retrouve notamment cAbdullah Ibn Mubârak, Al-Hasan Al-Basrî, Sufyân Ath-Thawrî, Wakîc Ibn Al-Jarrâh et son disciple l’imam Ash-Shâficî, l’imam Ahmad, Abû Hamîd Al-Ghazâlî (ش)…puis vinrent plus tard des illustres imams comme Ibn Al-Jawzî et ensuite Ibn Taymiyah, Ibn Al-Qayyim et son élève Ibn Rajab Al-Hanbalî et de nombreuses autres personnalités de l’Islam (رحمهم الله)…
Et avant eux, le Prophète (ج) et ses compagnons étaient les personnes les plus ferventes et les plus pré- occupées par l’état de leur âme. Tous, y compris les plus nobles d’entre eux, craignaient que leur cœur ne leur dissimule un atome d’hypocrisie qui puisse les faire périr. Et bien que certains d’entre eux fussent informés de leur vivant qu’ils entreraient au Paradis, ils ne s’estimaient jamais à l’abri de la ruse d’Allah. Les exemples à ce sujet, comme nous le verrons dans cet ouvrage, sont très nombreux.
Néanmoins, de nos jours, à un siècle fait d’un mélange d’individualisme, de narcissisme, de capita- lisme et d’égoïsme ; à une époque où l’ostentation s’est institutionnalisée à travers les médias et l’orgueil est devenu hautement désirable dans la société, il semble- rait que cet héritage de nos savants tend à se dissiper au profit d’une approche de la religion plus superficielle, focalisée sur les apparences extérieures qui bien que fondamentales et légiférées en Islam, ne suffisent pas pour se libérer intégralement de l’emprise qu’exerce cet environnement sur nos âmes. Et pour preuve, force est de constater que nous retrouvons certains de nos nobles frères de la Sunna – parfois étudiants en science et même savants – accorder un intérêt particu- lièrement marqué pour les apparences extérieures et sur les moyens d’améliorer – à titre d’exemple – leur manière de prier afin d’être en totale conformité avec la Sunna du Prophète (ج). Et ceci est en tous points louable et appréciable, c’est même une obligation reli- gieuse. La question se pose lorsque certaines personnes investissent une bonne partie de leur énergie dans cette composante de la religion – qui est la purification du corps et des membres par le perfectionnement des adorations – tout en négligeant les deux autres com- posantes qui sont la purification de la raison à travers la croyance saine et la purification de l’âme et du cœur.
Est-ce que ceci est bien totalement en accord avec la guidée du Prophète et de ses compagnons? Est-ce que l’exhortation qui touche les cœurs, éduque les âmes et fait couler les larmes n’a pas sa part dans le discours divin et prophétique? Comment donc est-ce que nos pieux prédécesseurs ont pu atteindre ce degré avancé d’ascétisme et de piété? Etait-ce par une force physique hors du commun, ou bien par la pureté et la grandeur de leurs âmes?
L’homme, dans sa quête de la satisfaction de son Seigneur, est invité à purifier et s’épanouir dans ces trois composantes. Et puisqu’elles sont toutes étroite- ment liées et même interdépendantes, la négligence de l’une d’entre elles aura inévitablement des répercus- sions néfastes sur les deux autres.
Aussi, nous convions nos lecteurs à prendre conscience du caractère fondamental de la purification de l’âme, en comprendre ses implications sur la vie du croyant puis à mettre en œuvre les efforts nécessaires à l’amélioration de leur aspect intérieur comme extérieur, afin de rencontrer Allah avec une âme pure le jour où les biens et les enfants ne seront d’aucune utilité sauf pour quiconque rencontrera Allah avec un cœur sain.
Dans cet épitre, «Avoir besoin d’Allah: l’essence de l’adoration», l’auteur – qu’Allah le préserve – illustre la manière avec laquelle le serviteur pieux doit éprouver un sentiment de dépendance absolue pour son Maître et Seigneur. Il détaille ensuite les répercussions de cet état de l’âme sur la vie spirituelle du croyant. Ainsi, il démontre que cet acte du cœur est à l’œuvre durant la totalité de la vie du croyant puisque ce sentiment d’indigence à l’égard d’Allah constitue l’essence même de la servitude et de l’adoration.
On pourrait se demander pourquoi avoir choisi un auteur contemporain pour traiter de tels sujets alors que les anciens étaient plus à même de ressentir et décrire ces états de l’âme. L’une des réponses à cette question légitime est que les livres des anciens ont traité ces thèmes d’une manière si profonde qu’il sera dif- ficile pour le lecteur d’en saisir l’essence et les sens, pas seulement à cause de la richesse de l’élocution et la complexité de la terminologie mais aussi parce que ces œuvres décrivent parfois des états de l’âme qui se manifestent à des degrés si intenses qu’il est impossible de les comprendre sans les avoir vécus. Or, peu d’entre nous ont eu le bonheur de pouvoir goûter à ces états de l’âme dans leur véritable forme. Ainsi, cette œuvre pourra être une bonne entrée en matière et permettra de rendre certains concepts plus accessibles aux lecteurs, d’autant plus qu’elle est parsemée de versets, hadiths et citations de savants anciens.
Nous en souhaitons bonne lecture à tous nos lecteurs et lectrices et demandons à Allah qu’Il récompense de la plus généreuse des manières l’auteur de cette œuvre, son traducteur, ses nobles lecteurs, de même que ceux qui ont participé à sa révision et à sa mise en ligne. Et nous Lui demandons qu’Il purifie nos âmes et nos intentions et les rende exclusivement destinées à Le satisfaire et à obtenir Sa récompense, Il est assurément plein de générosité et de douceur pour Ses serviteurs.
Qu’Allah prie sur le Prophète de la miséricorde: Muhammad ainsi que sur ses proches et ses compa- gnons. Enfin, louange à Allah, le Seigneur de l’univers.
Sofian Abû cAbdillah
L’équipe Islamhouse[1] «Madârij As-Sâlikîn» (vol. 1/p. 307 à 308)
Louange à Allah, le Seigneur des mondes et que la paix et les bénédictions soient sur le plus noble des Prophètes et messagers.
Certains intellectuels de notre époque ont pris l’habitude de blâmer et de dénigrer tout discours à portée affective et de ne pas y attacher d’impor- tance. La plupart du temps, ils tentent de l’opposer au discours scientifique équilibré et à l’exposé intel- lectuel profond. C’est pourquoi certains d’entre eux renoncent à écouter [2] des prêches et ordonnent aux gens cultivés et aux étudiants en science religieuse de s’éloigner totalement des prêcheurs en prétendant que leurs discours ne conviennent qu’aux personnes de la masse et aux gens communs et ordinaires!
Sans aucun doute, le discours scientifique est incontestablement celui que l’on doit prendre comme référence ; mais pourquoi ne pas considérer aussi le discours à portée affective comme un discours scien- tifique à part entière…?!
[Est-ce que la raison pour laquelle il n’est générale- ment pas considéré comme un discours scientifique] est due à la nature du discours à portée affective lui- même? Ou bien à cause de certaines habitudes que les prêcheurs ont prises?
Aussi, ne peut-on pas faire progresser le discours moralisateur afin qu’il se plie à la fois aux exigences de la rigueur scientifique et à la dimension sentimen- tale et affective…?
Allah le Très-Haut a décrit Son Livre Saint comme étant une exhortation.
De fait, Allah (ـ) a dit: «Nous avons effective- ment fait descendre sur vous des versets clairs ainsi que des exemples de ceux qui ont vécu avant et une exhortation pour les pieux! 1 [3]»
Et Il (ﻷ) a dit: «Ô gens! Une exhortation vous est venue de votre Seigneur de même qu’une guérison de ce qui est dans les poitrines ainsi qu’un guide et une miséricorde pour les croyants2 [4].»
Dans le Saint Coran, Allah (ـ) a exhorté Ses ser- viteurs et adorateurs à de nombreuses reprises, par exemple lorsqu’Il a dit: «Quelle bonne exhortation qu’Allah vous fait! Allah est certes celui qui entend et qui voit tout1 [5].»
Il a dit aussi [au sujet de ceux qui ont colporté une calomnie abjecte à l’égard de la mère des croyants cAïshah (ل)]: «Allah vous exhorte à ne plus jamais revenir à une chose pareille si vous êtes croyants2 [6].»
Et Il (أ) a dit: «Et rappelez-vous le bienfait d’Allah envers vous, ainsi que le Livre et la Sagesse qu’Il vous a fait descendre, par lesquels Il vous exhorte [7].»
Parmi les questions dignes d’être méditées atten- tivement, il y a le fait que la plupart du temps, les règles religieuses mentionnées dans le Saint Coran sont soit introduites par une exhortation et une invi- tation à la piété ou bien conclues par l’une des deux. Prenons comme exemple la parole d’Allah révélée pour conclure les règles de l’héritage: «Telles sont les limites d’Allah et quiconque obéit à Allah et à Son messager, Allah le fera entrer dans des jardins sous lesquels coulent des ruisseaux, pour y demeu- rer éternellement. Et voilà la grande réussite! – Et quiconque désobéit à Allah et à son messager et outrepasse ses limites, Il le fera entrer dans le Feu pour y demeurer éternellement. Et celui-ci aura un châtiment avilissant [8].
Et Allah (ـ) a dit [au sujet des transactions com- merciales et bancaires]: «Ô les croyants! Craignez Allah et abandonnez le restant de l’intérêt si vous êtes croyants [9].»
Dans le contexte des versets liés au divorce, Il (ـ) a dit: «Voilà ce à quoi est exhorté celui qui croit en Allah et au Jour dernier. Et quiconque craint Allah, Il lui donnera une issue favorable [10].»
Par ailleurs, Allah (ﻷ) a ordonné à Son messager d’exhorter les gens en ces termes: «Ne leur tiens donc pas rigueur, exhorte-les (sermonne-les) et dis leur sur eux-mêmes des paroles convaincantes [11].»
C’est pourquoi le messager d’Allah avait pour habitude d’exhorter ses compagnons, comme cela a été rapporté par Al-cIrbâdh ibn Sâriyah (س): «Le messager d’Allah (ج) nous a dispensé un sermon expressif et éloquent qui a fait pleurer les yeux et effrayé les cœurs! Un homme dit alors: «Ô mes- sager d’Allah! J’ai l’impression que c’est un prêche d’adieu, alors sermonne-nous… [12]»
Et Jâbir ibn cAbdillah (س) rapporte: «J’ai assisté avec le messager d’Allah (ج) au jour de l’Aïd lors duquel il a commencé par la prière avant le sermon sans faire d’appel à la prière – ni Adhân ni Iqâmah. Puis il s’est accoudé sur Bilal et a ordonné de craindre Allah, a encouragé à Lui obéir, et il a exhorté les gens et les a fait réfléchir. Il a poursuivi ainsi jusqu’à se rendre chez les femmes afin de les exhorter et de les faire réfléchir… [13]»
Sache, cher lecteur, que les exhortations que le Prophète (ج) a adressées à ses compagnons sont très nombreuses. Il te suffit, pour t’en rendre compte, de lire le chapitre «L’attendrissement des cœurs» dans le recueil authentique d’Al-Bukhârî. Tu y trouveras un bon nombre d’exhortations prophétiques.
Il est clair que l’exhortation est un moyen de revi- vifier le cœur, de freiner les ardeurs de l’âme et ses outrances, de combler l’éloignement de son Seigneur et d’éviter la distraction menant à l’oubli de Son rappel.
En revanche, le cœur dur, inerte, insensible, qui ne ressent aucune émotion lors de l’exhortation, est semblable à un rocher massif. C’est pourquoi, le Prophète (ج) prononçait souvent l’invocation sui- vante: «Ô Allah, je Te demande protection contre une science non-bénéfique et un cœur non-soumis. [14]»
De même que l’œil aride, infertile, qui ne pleure pas d’humilité pour Allah est dépourvu de lumière! Le Messager d’Allah (ج) dit à ce propos:«Deux types d’yeux ne seront pas touchés par le feu: des yeux qui ont pleuré par humilité [pour Allah] et des yeux qui ont monté la garde dans le sentier d’Allah [15].»
Ô lecteur, médite la façon avec laquelle le Prophète (ج) a éduqué ses compagnons! Tu verras ainsi que, par ses exhortations, il a réussi à les purifier en le délivrant des plaisirs néfastes de l’âme et de ses pas- sions malsaines. Il est également parvenu à adoucir leurs cœurs en les rattachant vers l’au-delà. Parmi les exemples les plus éloquents à ce sujet, nous retrou- vons le récit suivant, rapporté par Anas ibn Mâlik (س):
«Lorsqu’Allah a enrichi le messager d’Allah (ج) grâce au butin récupéré sans effort chez la tribu des Hawâzin et qu’il (ج) a commencé à distribuer ces biens à des hommes de Quraysh en leur octroyant parfois pour une valeur de cent chameaux, un groupe de gens dit au sujet du messager d’Allah: «Qu’Allah pardonne au messager d’Allah (ج), il donne aux Qurayshites et nous délaisse, alors que nos épées dégoulinent encore du sang de nos ennemis!...»
Gloire à Allah! Voici un évènement surprenant qui a irrité certains Ansars [16] (ش) et qui aurait pu mener les auteurs de ces propos très loin dans l’égarement! Mais médite et observe, ô lecteur, l’exhortation que le Prophète (ج) leur a adressée et contemple la façon avec laquelle il a pu corriger et purifier leurs âmes en les déliant de leur attachement à cette vie d’ici-bas… Des prêches courts mais qui, bien au-delà du simple fait d’être entendus, ont atteint les cœurs!
«…Le messager d’Allah (ج) fut informé de leurs dires et envoya aussitôt un émissaire pour les appe- ler afin de les rassembler seuls sous une tente en cuir. En effet, il (ج) ne convoqua personne d’autre que les Ansars. Une fois tous réunis, le messager d’Allah (ج) arriva et demanda:
- «Quels sont ces propos qui me sont parvenus de vous?
- Les hommes de science parmi eux répondirent: «Ô messager d’Allah, quant aux sages de notre tribu ils n’ont rien dit, mais il y a certains de nos jeunes qui ont dit: «Qu’Allah pardonne au messager d’Allah (ج), il donne aux Qurayshites et nous délaisse, alors que nos épées dégoulinent encore du sang de nos ennemis!»
- Sur ce, le messager d’Allah (ج) répondit: «Certes, je donne à des gens qui viennent juste de quitter la mécréance. Mais n’accepteriez-vous pas que les gens s’en aillent avec des biens tandis que vous, vous retourniez à vos campements en com- pagnie du messager d’Allah?! Par Allah! Ce que vous emmenez avec vous est meilleur que ce qu’ils emportent!»
- Les Ansars s’exclamèrent alors: «Bien entendu! Ô messager d’Allah! Nous sommes satisfaits, nous acceptons!»
- Le Prophète (ج) répliqua: «Certes vous allez subir des épreuves difficiles car d’autres seront prio-
ritaires sur vous [dans les biens qu’ils recevront]. Patientez donc jusqu’à ce que vous rencontriez Allah puis Son Prophète (ج) au bord du bassin1.»
Assurément, tout cela confirme que l’exhortation n’est pas uniquement réservée aux gens communs et simples. Je dirais même que les savants, les intellec- tuels et les étudiants en science religieuse éprouvent un plus grand besoin de prêche que tout autre indi- vidu. En effet, l’exhortation éduque et corrige l’âme, dompte son arrogance et ses outrances. Elle pousse un individu à devenir impartial et objectif dans la recherche de la vérité, à se montrer sincère dans la quête de preuves authentiques et dans le juste choix entre les avis des savants qui parfois divergent. De la sorte, sa passion ne le détournera pas vers les abîmes du sectarisme, de l’intolérance religieuse, de la vanité de l’âme et du refus orgueilleux de la vérité, surtout à cette époque de confusions et de propagation de passions tentatrices et d’ambiguïtés dévastatrices. C’est pourquoi les savants étaient les personnes les plus craintives et les plus soumises à Allah (أ).
En effet, le Très Haut a dit: «Parmi Ses serviteurs, seuls les savants craignent vraiment Allah1. [17]»
Et Il (ﻷ) a dit: «Est-ce que celui qui reste en dévo- tion, aux heures de la nuit, prosterné et debout, pre- nant garde à l’au-delà et espérant la miséricorde de son Seigneur (est meilleur ou est-ce celui qui mécroit en Allah)? Dis: «Sont-ils égaux ceux qui savent et ceux qui ne savent pas? [18]»
De plus, on constate que l’exhortation stimule fortement le cœur du prédicateur et le pousse à être hautement déterminé, ardemment préoccupé et réellement dynamique. C’est dans cet état qu’il peut déblayer de sa personne les poussières de la lassitude et de la faiblesse. L’exhortation le revigore afin qu’il fournisse les efforts intenses nécessaires pour transmettre le message de l’Islam, appeler les gens au convenable et leur interdire le blâmable.
En outre, l’exhortation raffermit les gens de science et de prédication face aux ruses des ennemis, aux machinations des semeurs de discorde et à l’oppres- sion de la multitude d’orgueilleux. Elle revivifie le cœur malade, prisonnier de ses passions, dominé et contrôlé par le suivi et l’imitation aveugles qui, tous, poussent le cœur malade à tourner le dos au rappel d’Allah, voire à le fuir.
Allah (ﻷ) a dit: «Dis: «Je vous exhorte seule- ment à une chose: que pour Allah vous vous levies par deux ou isolément, et qu’ensuite vous réfléchis- siez. Votre compagnon (Muhammad) n’est nulle- ment possédé… [19]»
Les exhortations du Coran et de la Sunna sont telles des secousses qui font trembler le cœur, le réaniment, et font tomber les voiles qui le couvrent, permettant ainsi au serviteur croyant de se diriger de tout son être vers son Seigneur (ﻷ) avec un repentir continuel!
Dans cette ouvrage succinct que j’ai intitulé: «Avoir besoin d’Allah: l’essence de l’adoration», j’ai traité un sujet que j’estime être crucial et vital pour
un public aussi bien débutant qu’initié. J’ai essayé autant que possible d’en simplifier l’élocution et d’en faciliter l’exposé. Si j’ai réussi, c’est par la grâce et l’aide d’Allah (ﻷ), que je loue et remercie. Et si je me suis trompé, c’est à cause de moi seul et de Satan ; et je demande le pardon à Allah le Grandiose et l’Immense.
Je demande à Allah (ﻷ) qu’Il nous permette de retourner à Lui continuellement. Et que le salut et la paix soient sur Muhammad et sa famille.
Ahmad Ibn cAbdirrahmân As-Suwayyân
[email protected]ine.com
Riyadh 11496 – P.O. Box 26970
[2] NdR: ou bien «dispenser». [3] S. 24, v. 34. [4] S. 10, v. 57. [5] S. 4, v. 58. [6] S. 24, v. 17. [7] S. 2, v. 231. [8] S. 4, v. 13-14. [9] S. 2, v. 278. [10] S. 65, v. 2. [11] . S. 4, v. 63. [12] Rapporté par Ahmad (17142/17144), Abû Dâwûd (4607) et At-Tirmidhî (2676). [13] Rapporté par Muslim (885). [14] Rapporté par Muslim (2722). [15] Rapporté par At-Tirmidhî (1639). Hadith jugé authentique. par Al-Albânî dans «Sahîh Al-Jâmic As-Saghîr» (3991). [16] NdR: les «Ansars», parfois appelés les auxiliaires, sont les musulmans qui ont accueilli le Prophète à Médine lors qu’il y a émigré et qui l’ont ensuite secouru de la meilleure des manières lors des nombreuses difficultés qu’il a traversées. [17] S. 35, v. 28. [18] S. 39, v. 9. [19] S. 34, v. 46.
Parmi les particularités les plus significatives de la servitude [des créatures envers leur Seigneur], on retient le sentiment de dépendance absolue à l’égard d’Allah le Très Haut. Cela correspond à «la nature même de l’adoration et à son essence [20]».
Allah (ـ) a dit: «Ô humains! C’est vous qui êtes dépendants d’Allah alors qu’Allah, Lui, Se passé de tout et Il est le Digne de Louanges. [21]»
Il (ـ) a dit, au sujet du récit de Mûsâ [Moïse] (÷), [dans lequel ce dernier invoque Allah par les termes suivants]: «Seigneur, j’ai un grand besoin du bien que Tu feras descendre vers moi [22].»
L’imam Ibn Al-Qayyim (/) a défini la dépendance envers Allah par les paroles suivantes: «La réa- lité de la dépendance, c’est de ne pas appartenir à ton âme et de ne pas lui accorder une quelconque part de ta personne, mais plutôt d’être totalement dépendant d’Allah. En effet, si tu appartiens à ton âme, alors tu auras l’impression d’avoir le droit de posséder et naturellement tu auras l’impression de te suffire à toi-même, ce qui s’oppose à la notion de dépendance».
Il a également dit à ce sujet: «La vraie indigence, c’est de se sentir totalement dépendant d’Allah en toute circonstance ; et le fait que le serviteur ait par- faitement conscience que chaque atome apparent ou caché de son être est dans le besoin le plus total vis- à-vis d’Allah (ﻷ), et ce de tout point de vue [23]».
Par conséquent, la dépendance envers Allah (ﻷ) consiste à ce que le serviteur débarrasse son cœur de tous ses plaisirs et passions afin de se diriger complètement vers son Seigneur (أ) en s’humiliant devant Lui, en se soumettant pleinement à Son ordre et à Son interdit, le cœur fortement lié d’amour et d’obéissance.
Allah (ـ) dit à ce propos: «Dis: «En vérité, ma prière, mes actes de dévotion, ma vie et ma mort appartiennent à Allah le Seigneur de l’univers. [24]»
Yahyâ Ibn Mucâdh (س) a expliqué le terme «Nusuk» cité dans le verset [NdR: traduit par «actes de dévotion»] de la manière suivante: «C’est le fait de se montrer plein d’égards vis-à-vis des pensées intimes et des actes cachés et de chasser du cœur tout autre qu’Allah (ﻷ) [25]».
Et quiconque médite sur l’ensemble des adora- tions – qu’elles soient effectuées par le cœur ou les membres – constatera à coup sûr que la dépendance envers Allah est le facteur commun qui relie cha- cune d’entre elles. Ainsi, en fonction du sentiment de dépendance éprouvé par l’adorateur envers Allah, celui-ci en ressentira les effets dans son cœur de même que ses bénéfices ici-bas et dans l’au-delà.
Pour comprendre cela, il te suffit de méditer sur la prière, qui constitue le plus grandiose des piliers de l’Islam si l’on ne considère que les actes du corps. En effet, l’adorateur croyant s’y tient devant son Seigneur avec tranquillité, humilité et soumission, la tête baissée, le regard fixé sur l’endroit où il se prosternera. Puis, il entame sa prière en disant «Allahu Akbar» [NdT: «Allah est plus Grand»], proclamant ainsi de manière claire et évidente la grandeur d’Allah l’Unique, et libérant son esprit de tout sentiment de grandeur – que pourrait lui conférer un rang hiérarchique, une belle demeure ou toute autre situation qui pourrait l’éloigner d’Allah.
Ensuite, il poursuit sa prière avec le degré le plus ultime d’humilité et de dépendance envers Allah, qui se manifeste lorsque l’adorateur s’incline pour son Seigneur, la tête baissée puis à même le sol, le front prosterné et couvert de poussière, implorant Allah de lui accorder Sa protection et d’accepter son repentir.
C’est pour cette raison que l’inclinaison est un moment où il est prescrit de proclamer la grandeur d’Allah (ﻷ), tandis que la prosternation est plus pro- pice à ce qu’on Lui fasse des requêtes.
Le messager d’Allah (ج) a dit à cet effet: «Dans l’inclinaison, proclamez la grandeur d’Allah (ﻷ). Quant à la prosternation, efforcez-vous d’y implorer votre Seigneur car, à cet instant, il est plus probable que l’on vous exauce [26]».
Et c’est pour cela qu’il (ج) disait lors de son incli- naison: «Ô Allah, devant Toi je m’incline, en Toi je crois, à Toi je me soumets. Mon ouïe s’est humiliée devant Toi ainsi que ma vue, mon cerveau, mes os, et mes nerfs [et tout mon corps] [27]».
Le grand savant Ibn Rajab (/) a dit à propos de cette invocation: «Celle-ci souligne que l’humilité ressentie par le Prophète (ج) lors de son inclinai- son s’est manifestée dans tous ses membres et plus particulièrement dans le plus noble d’entre eux: le cœur, qui est le roi qui gouverne les membres et les organes. En effet, si le cœur s’humilie, alors la totalité des membres et des organes s’humilieront consécu- tivement.»
Il ajoute: «Un des signes révélateurs de la parfaite humilité et de la modestie éprouvée par l’adorateur d’Allah lors de son inclinaison et de sa prosternation est que, lorsqu’il s’abaisse pour son Seigneur durant l’inclinaison et la prosternation, il Le décrit par les attributs de puissance, de grandeur, de magnificence et d’éminence. C’est comme s’il disait: «La soumission et la modestie sont mes attributs ; tandis que la gran- deur, la puissance et la magnificence sont les Tiens, Ô mon Seigneur! [28]»»
Assurément, ce rang honorable que le cœur atteint est le secret de la vitalité et le fondement de l’em- pressement enthousiaste de l’adorateur vers son Seigneur (ـ).
Le sentiment de dépendance envers Allah est tel un chamelier qui pousse le serviteur adorateur vers la persévérance dans la piété et la poursuite conti- nuelle dans Son obéissance.
Et cela se concrétise en accomplissant deux actes indissociables et corrélatifs:
Le Premier:
Concevoir la grandeur d’Allah, Son pouvoir
et Son autorité dominante
Plus l’adorateur est connaisseur d’Allah le Très Haut, de Ses noms et attributs, plus il se sent dépen- dant de Lui et plus il s’humilie devant Lui.
Allah (ـ) a dit: «Parmi Ses serviteurs, seuls les savants craignent vraiment Allah [29].»
Il a aussi dit: «Dis: «Croyez ou n’y croyez pas». Ceux à qui la connaissance a été donnée avant cela, dès qu’on Le leur récite (le Coran), s’effondrent en prosternation jusqu’à toucher le sol de leur menton. Ils disent: «Gloire à notre Seigneur! La promesse de notre Seigneur est assurément accomplie». Et ils s’effondrent sur leur menton en pleurant, et cela augmente leur humilité [30].»
Al-Fudhayl Ibn cIyâdh (/) a dit: «Les gens les plus connaisseurs d’Allah sont ceux qui Le craignent le plus [31].»
Et il a dit par ailleurs: «La crainte d’Allah qu’éprouve l’adorateur est proportionnelle à sa connaissance d’Allah [32]».
L’érudit Ibn Rajab (/) a dit: «L’origine de l’hu- milité présente dans le cœur résulte uniquement de la connaissance d’Allah: de Sa grandeur, Sa splen- deur et Sa perfection. Ainsi, quiconque connaît le plus Allah Le craindra le plus. La crainte et l’humilité varient dans les cœurs des gens en fonction de la connaissance que les cœurs ont vis-à-vis de Celui qu’ils craignent, et en fonction de leur perception des attributs d’Allah qui engendrent l’humilité [33].»
Et quiconque médite sur les versets coraniques évidents et les récits prophétiques éminents qui évoquent les sublimes attributs d’Allah et Ses noms magnifiques verra son cœur s’abandonner d’émer- veillement pour son Seigneur, de révérence pour Sa grandeur, de crainte pour Sa souveraineté et Son autorité imposante! Gloire à Allah le Très Haut!
Allah (ـ) a dit: «Allah! Point de divinité à part Lui, Le Vivant, Celui qui subsiste par Lui-même (Al-Qayyûm). Ni somnolence, ni sommeil ne Le saisissent. A Lui appartient tout ce qui est dans les cieux et sur la terre. Qui peut intercéder auprès de Lui sans sa permission? Il connaît leur passé et leur futur. Et, de Sa science, ils n’embrassent que ce qu’Il veut. Son Kursyi déborde les cieux et la terre, dont la garde ne Lui coûte aucune peine. Et Il est le Très- Haut, le Très-Grand [34].»
Et Il (أ) a dit: «C’est Lui qui détient les clefs de l’inconnaissable. Nul autre que Lui ne les connaît. Et Il connaît ce qui est dans la terre comme dans la mer. Pas une feuille ne tombe sans qu’Il ne le sache. Et pas une graine dans les ténèbres de la Terre, rien de frais ou de sec, qui ne soit consigné dans un livre explicite. Et, la nuit, c’est Lui qui prend vos âmes, et Il sait ce que vous avez acquis pendant le jour. Puis Il vous ressuscite le jour afin que s’accomplisse le terme fixé. Ensuite, c’est vers Lui que sera votre retour, et Il vous informera de ce que vous faisiez. Il est le Dominateur suprême sur Ses serviteurs. Et Il envoie sur vous des gardiens. Et lorsque la mort atteint l’un de vous, nos mes- sagers (les anges) enlèvent son âme sans aucune négligence [35].»
En outre, Il (ﻷ) a dit: «Ils n’ont pas estimé Allah à Sa juste valeur, alors qu’au Jour de la résurrection, Il fera de la terre entière une poignée, et les cieux seront pliés dans Sa main droite. Gloire à Lui! Il est au-dessus de ce qu’ils Lui associent [36].»
cAbdullah Ibn cUmar (ب), rapporte que le mes- sager d’Allah (ج) a dit: «Allah pliera les cieux le Jour de la résurrection, puis Il les saisira de Sa main droite et dira:
- «C’est moi le Roi, où sont les tyrans? Où sont les orgueilleux?»
Puis Il pliera la terre avec Sa main gauche et dira ensuite: «C’est moi le Roi, où sont les tyrans? Où sont les orgueilleux? [37]»»
L’imam Ibn Al-Qayyim (/) a dit: «Le Coran est la parole d’Allah, par le biais duquel Il S’est manifesté à Ses serviteurs à travers Ses attributs. Parfois, Il se manifeste sous le voile de l’autorité, de la grandeur et de la splendeur ; dès lors, les nuques s’humilient, les âmes s’effondrent, les voix s’estompent et l’orgueil fond comme le sel dans l’eau. Et par moments, Il se manifeste sous les attributs de la beauté et de la perfection ; c’est-à-dire la perfection des noms et la beauté des attributs, qui indiquent toute la perfection de Son être. C’est alors que l’amour d’Allah puise toute l’énergie affective présente dans le cœur du serviteur, d’une manière proportionnelle à l’étendue de sa connaissance des attributs de beauté d’Allah et de Ses caractères parfaits. En conséquence, le cœur du serviteur se vide de toute chose hormis de l’amour d’Allah. Et si un autre qu’Allah voulait que cet amour lui soit dédié, alors le cœur du serviteur et ses membres le rejetteraient d’un refus absolu.»
Puis il ajoute: «…Et l’essentiel de ceci, est qu’Al- lah (ﻷ) Se présente parfois à Son serviteur sous Ses attributs de divinité, et à d’autres moments sous Ses attributs de seigneurie.
- Ainsi, la perception des attributs de divinité d’Allah suscitera chez le serviteur: l’amour exclu- sif d’Allah, le désir ardent de Le rencontrer, le bon- heur et le plaisir d’être en Sa compagnie, la joie de Le servir, l’empressement et la concurrence pour se rapprocher de Lui, la recherche de Son affection en Lui obéissant, la passion de L’évoquer et la fuite du genre humain pour se diriger vers Lui Seul. Alors, Allah deviendra son unique préoccupation.
- Par ailleurs, la perception des attributs de sei- gneurie d’Allah mènera le serviteur à: s’en remettre à Allah, se sentir totalement dépendant de Lui, Lui demander secours et à se soumettre, s’humilier et s’abandonner pour Lui [38].
A d’autres occasions, Ibn Al-Qayyim (/) a défini l’humilité en ces termes: «C’est la soumission du cœur à Allah, en affirmant Sa grandeur et Sa splen- deur, en Le respectant, Le craignant et en éprouvant de la pudeur vis-à-vis de Lui. Cela a pour consé- quence que le cœur se brise devant Allah suite à un alchimie faite de crainte, de honte, d’amour, de pudeur, de prise de conscience des bienfaits d’Allah sur sa personne et de reconnaissance de ses propres péchés. Par conséquent, le cœur s’humilie de manière inévitable puis les membres suivent les traces du cœur dans son chemin vers l’humilité [39].»
Le second:
Concevoir la faiblesse de la créature
et son impuissance
Celui qui connaît sa propre valeur, a conscience que quels que soient son rang, son autorité et sa for- tune, il reste impuissant, faible et ne possède aucune échappatoire ni rançon pour se sauver du châtiment d’Allah, n’accordera que peu d’estime à son âme. Son orgueil se dissipera et ses membres se soumettront avec humilité. De même, son sentiment de dépen- dance envers son Maître, son recours à Lui et Son imploration ne feront que s’accentuer.
Allah (ـ) a dit: «Que l’homme considère donc de quoi il a été créé. Il a été créé d’une giclée d’eau (sperme) sortie d’entre les lombes et les côtes. Allah est certes capable de le ressusciter. Le jour où les cœurs dévoileront leurs secrets, il n’aura alors ni force ni secoureur [40].»
L’imam Ibn Al-Qayyim (/) a évoqué ces deux principes en disant: «Celui dont le cœur recon- naît parfaitement la grandeur d’Allah le Véridique considèrera à coup sûr la transgression comme un acte gravissime. En fait, la désobéissance à Allah, le Grand, n’est pas comparable à la désobéissance à autrui. Et quiconque connaît la valeur et la réalité de sa personne, de même que sa dépendance fondamen- tale envers son Maître – et cela à chaque instant et à chaque respiration – sans oublier son besoin intense d’Allah, constatera l’ampleur et la gravité du crime que représente la transgression envers Celui dont on a fortement besoin à chaque instant de notre exis- tence et à chaque souffle de notre corps. De plus, s’il reconnaît l’insignifiance de sa personne en même temps que la grandeur de sa désobéissance, il se ren- dra compte de la sévérité et de la dangerosité de sa transgression. De ce fait, il s’efforcera courageuse- ment à se libérer de celle-ci, et ce proportionnelle- ment à l’intensité de sa croyance et de sa certitude à l’égard du châtiment d’Allah [41].»
* * *
[20] «Madârij As-Sâlikîn» d’Ibn Al-Qayyim (vol. 2/p. 439) [21] S. 35, v. 15. [22] S. 28, v. 24. [23] «Madârij As-Sâlikîn» d’Ibn Al-Qayyim (vol. 2/p. 440) [24] S. 6, v. 162-163 [25] «Dhamm Al-Hawâ» d’Ibn Al-Jawzî (p. 69). [26] Rapporté par Muslim (479). [27] Rapporté par Muslim (771). [28] «Al-Khushûc fi As-Salât» d’Ibn Rajab Al-Hanbalî (p. 41- 43). [29] S. 35, v. 28. [30] S. 17, v. 107-109. [31] «Siyar Aclâm An-Nubalâ’» de l’Imam Adh-Dhahabî (vol. 8/ p. [32] «Siyar Aclâm An-Nubalâ’» (vol. 8/p. 426). [33] «Al-Khushuc fi As-Salâh» (p. 20). [34] S. 2, v .255. NdT: le «Kursyi», traduit à tort par le terme de trône (cArsh), est l’endroit ou Allah le Tout-Puissant pose Ses deux pieds, d’une manière qui convient à Sa Majesté. [35] S. 6, v. 59-61. [36] S. 39, v. 67. [37] Rapporté par Muslim (2788), Al-Bukhârî dans une version résumée et Abû Dâwûd avec une version similaire. [38] «Al-Fawâ’id» d’Ibn Al-Qayyim (p. 81 à 82). [39] «Ar-Rûh» d’Ibn Al-Qayyim (p. 232). [40] S. 86, v. 5-10. [41] «Madârij As-Sâlikîn» (vol. 1/p. 144-145).
Le croyant soumet sa personne à Allah, le cœur assujetti devant Lui, plein d’humilité face à Sa gran- deur. Il privilégie l’amour d’Allah (أ) à l’amour de quiconque.
Il n’a l’esprit serein, l’œil réjoui et le cœur apaisé que lorsqu’il pose son front par terre en invoquant son Seigneur par amour et par crainte.
L’imam Ibn Jarîr At-Tabarî (/) a dit: «L’adoration signifie: se soumettre à Allah en Lui obéissant, et s’humilier devant Lui en s’abandonnant [42].»
En effet, celui qui est dans un tel état, tu ne le trou- veras aucunement transgresseur des limites d’Allah. Au contraire, il s’empressera de L’adorer, d’accom- plir Son ordre avec détermination et de s’éloigner avec fermeté de Son interdit.
Ainsi, le fruit de l’humilité est que le croyant ne cherche pas à devancer Allah ni Son messager [dans Ses ordres ou Ses décisions], mettant ainsi en pra- tique la parole d’Allah (ـ): «Il n’appartient pas à un croyant ou à une croyante, une fois qu’Allah et Son messager ont décidé d’une chose, d’avoir encore le choix dans leur façon d’agir [43].»
Ou encore: «Et ils ont dit: «Nous avons entendu et obéi. Seigneur, nous implorons Ton pardon c’est vers Toi que sera le retour [44].»»
Et encore: «La seule parole des croyants, quand on les appelle à Allah et à Son messager pour que Celui-ci juge entre eux, est: «Nous avons entendu et obéi». Et voilà ceux qui réussissent. Et quiconque obéit à Allah et à Son messager, craint Allah et Le redoute… alors voilà ceux qui récoltent le succès [45].»
Al-Hasan (س) a dit: «Je n’ai jamais posé mon regard, ni prononcé une parole, ni saisi une chose de mes mains, ni me suis levé sur mes jambes sans que je regarde si cela est pour une obéissance ou bien pour une désobéissance. Si c’était une obéissance, je m’avançais et si c’était une désobéissance, alors je reculais [46].»
En revanche, celui que les chemins de la passion ont égaré, et qui n’a pas véritablement connu Allah (b), trouvera indigne de se soumettre à son Seigneur, se gonflera d’orgueil et refusera de Lui obéir.
Allah (ﻷ) a dit: «Le Messie (Jésus) ne trouvera aucunement indigne d’être un serviteur d’Allah, ni les anges rapprochés. Et ceux qui trouvent indigne de L’adorer et s’enflent d’orgueil…Il les rassem- blera tous vers Lui. Quant à ceux qui ont cru et fait de bonnes œuvres, Il leur accordera leurs pleines récompenses et y ajoutera le surcroît de Sa grâce. Et quant à ceux qui ont refusé par fierté et se sont enflés d’orgueil, Il les châtiera de manière dou- loureuse. Et ils ne trouveront, pour eux, en dehors d’Allah, ni allié ni secoureur [47].»
Et Il (ﻷ) a décrit les croyants de la manière sui- vante: «Seuls croient en nos versets ceux qui, lorsqu’on les leur rappelle, s’effondrent en pros- ternation et, par des louanges à leur Seigneur, célèbrent Sa gloire et ne s’enflent pas d’orgueil [48].»
Sheikh Al-Islâm Ibn Taymiyah (/) a dit: «Chaque fois que le cœur augmente en amour pour Allah, il augmente en dévotion. Et chaque fois qu’il augmente en dévotion pour Allah, alors il augmente en amour et se détache d’autant plus d’autrui. De nature, le cœur est dépendant d’Allah de deux points de vue:
- par le fait qu’il Lui voue adoration, ce qui consti- tue l’objectif ultime;
- par le fait qu’il Lui demande de l’aide et s’en remet à Lui, ce qui constitue le déclencheur [qui per- met d’atteindre l’objectif ultime].
Ainsi, le cœur ne peut se bonifier, ni connaître le bonheur, ni savourer les plaisirs, ni être heureux, ni se satisfaire, ni s’apaiser ni se tranquilliser sans l’adoration de son Seigneur, sans L’aimer et retour- ner constamment vers Lui. Et si le cœur pouvait jouir de toute chose créée, il ne pourrait être apaisé et tranquille car il est, de par sa nature, dépendant de son Seigneur puisqu’Il n’est autre que l’objet de son adoration, de son amour et de son dessein [49].»
Et Ibn Al-Qayyim (/) a dit: «Le rang de la servi- tude totale se concrétise par la démonstration inté- grale du rang de l’humilité et de l’obéissance absolue. Autrement dit, la personne qui démontre la servi- tude la plus complète est celle qui démontre l’humi- lité la plus exemplaire, la soumission et l’obéissance les plus absolues. En somme, elle s’humilie pour son Maître le Véridique en tous points de vue: elle s’hu- milie devant Son autorité et Sa domination suprême, devant Sa seigneurie et Son emprise. Elle s’humilie également lorsqu’elle constate Son immense bienfai- sance et Sa grande générosité… [50]»
La modestie est une conséquence de l’humilité envers Allah
Parmi les conséquences de l’humilité envers Allah (ﻷ), on retrouve le fait de se dévêtir de la tunique de l’orgueil, de l’arrogance et de la suffisance, ainsi que d’abandonner son cœur devant le Dominateur suprême des cieux et de la Terre et de se soumettre totalement à Son ordre et à Son interdit.
Selon Abû Sacîd Al-Khudrî et Abû Hurayrah (ب), le Prophète (ج) a dit: «La puissance est Son pagne et l’orgueil est Sa cape; et [Allah a dit]: «Quiconque Me contestera, Je le châtierai [51]»
Et il (ج) a dit aussi: «Le Jour de la résurrection, les orgueilleux seront rassemblés et leur taille sera sem- blable à celle de petites fourmis rouges dans des corps d’hommes. Ils seront tellement petits que tout sera au-dessus d’eux. Puis ils seront conduits dans une pri- son appelée «Bûlas». Alors le Feu des feux les enve- loppera et ils seront abreuvés de «Tînat Al-Khabâl»: le pus, le sang et la sueur des gens de l’Enfer [52]»
Quiconque médite sur l’ensemble des adorations apparentes ou cachées verra clairement que le but suprême de l’adoration n’est autre que le fait que le serviteur réduise son orgueil, s’humilie devant son Maître et manifeste sa dépendance, son besoin et son indigence envers son Seigneur (ﻷ).
Pour vérifier cela de manière claire et sans ambi- guïté, tu n’as qu’à méditer les règles de la prière, du jeûne, de même que les rites du pèlerinage ou tout autre adoration…
Nous comprenons dès lors pourquoi l’orgueil, l’arrogance et la suffisance portent préjudice à la foi en Allah et au sentiment de dépendance envers Lui.
Le Prophète (ج) a dit à ce sujet: «N’entrera pas au Paradis quiconque a dans son cœur un atome d’orgueil [53]».
Le fait que l’homme ne s’enorgueillisse pas devant les créatures – quelles que soient la hauteur son rang, l’étendue de son pouvoir, de ses biens ou de son savoir – fait partie des signes révélateurs de l’humi- lité parfaite devant Allah (ﻷ) et de la dépendance absolue envers Lui. En effet, il connaît bien sa propre valeur et l’issue réservée aux orgueilleux dans la vie d’ici-bas et dans l’au-delà.
Le Prophète (ج) a dit:
- «Voulez-vous que je vous informe au sujet des habitants du Paradis?»
- «Oui», répondirent les compagnons.
- Le Prophète (ج) dit alors: C’est tout individu faible et dénigré; s’il jure d’une chose en ayant espoir en Allah, alors Allah réalisera le sujet de son ser- ment. Voulez-vous que je vous informe au sujet des habitants de l’Enfer?»
- «Oui», répondirent les compagnons.
- «C’est tout individu vulgaire, arrogant et hau- tain [54].»
Il (ج) a également dit: «L’Enfer et le Paradis se sont querellés.
- L’Enfer dit alors: «Chez moi entreront les tyrans et les orgueilleux».
- Et le Paradis dit: «Chez moi entreront les faibles et les pauvres».
Alors, Allah (ﻷ) dit à l’Enfer:
- «Toi, tu es [l’exécutant de] Mon châtiment, par toi Je châtie qui Je veux – ou bien «Je touche qui Je veux».
Et Il dit au Paradis: «Toi tu es [l’exécutant de] Ma miséricorde, par toi j’accorde Ma clémence à qui Je veux. Chacun d’entre vous sera rempli de ce qui lui convient [55].»
Par conséquent, la sagesse du Créateur exige que les orgueilleux, qui se croient supérieurs à leurs sem- blables, soient humiliés par Allah et que leur rang et leur valeur soient rabaissés.
D’après Ibn cAbbâs (ب), le Prophète (ج) a dit: «Il n’y a pas d’être humain qui n’ait, sur sa tête, une sagesse tenue par un ange. Si l’être humain se montre modeste, il est dit à l’ange: «Élève sa sagesse». Et s’il se montre orgueilleux, il est alors dit à l’ange: «Rabaisse sa sagesse [56].»
cUmar Ibn Al-Khattâb (س) a dit: «Lorsqu’un servi- teur se montre modeste pour Allah (ﻷ), Allah élève sa sagesse et lui dit: «Lève la tête! Qu’Allah t’élève!» Dès lors, ce serviteur, qui se considère lui-même comme insignifiant, devient estimé aux yeux des gens. Par contre, s’il se montre orgueilleux et dépasse les limites, Allah le jette à terre et le piétine jusqu’à le briser. Il lui dit alors: «Sois vil! Qu’Allah t’avi- liss» Il se voyait grand et estimé, mais il deviendra insignifiant aux yeux des gens, voire plus méprisable que le cochon [57].»
[42] «Tafsîr Ibn Jarîr At-Tabarî» (vol. 1/p. 155). [43] S. 33, v. 36. [44] S. 2, v. 285. [45] S. 24, v. 51-52. [46] «Jâmic Al-cUlûm wa Al-Hikam» d’Ibn Rajab (vol. 1/ p. 155). [47] S. 4, v. 172-173. [48] S. 32, v. 15. [49] «Majmûc Al-Fatâwâ» d’Ibn Taymiyah (vol. 10/p. 193-194). [50] «Miftâh Dâr As-Sacâdah» d’Ibn Al-Qayyim (vol. 1/p. 500). [51] Rapporté par Muslim (2620). [52] Rapporté par Ahmad (6677) et At-Tirmidhî (2492). Hadith jugé authentique par Al-Albanî dans «Sahîh Al-Jâmic As-Saghîr» (7896). [53] Rapporté par Muslim (91). [54] Rapporté Al-Bukhârî (4918) et Muslim (2853). [55] Rapporté par Muslim (2846). [56] Rapporté par At-Tabarânî dans «Al-Mucjam Al-Kabîr» (t.12/ p.218). Hadith jugé authentique par Al-Albanî dans «As-Silsilah As-Sahîhah» (538) et dans «Sahîh Al-Jâmic As-Saghîr» (5551). [57] Rapporté par Ibn Abî Shaybah (6634) et Al-Bayhaqî. Sa chaîne de transmission est authentique.
Les sensations d’indigence, de dépendance et de besoin que le serviteur éprouve pour son Seigneur (ﻷ) le poussent ainsi à se soumettre et à revenir conti- nuellement à Lui. Ensuite, son cœur s’attache encore plus fortement par le biais de Son évocation, par la célébration de Sa louange et Sa gloire, par le fait qu’il s’engage fermement à Le satisfaire et à accomplir avec obéissance ce qu’Il aime.
Certains vertueux ont dit: «Les lieux de repos dans la vie d’ici-bas s’atteignent en marchant ; et ceux de l’au-delà s’atteignent avec les cœurs [58].»
C’est pourquoi on remarquera que le serviteur dont le cœur est attaché à son Seigneur – même s’il est occupé à vendre et à acheter, ou avec sa famille et ses enfants ou à toute autre occupation de la vie quotidienne – demeure sans cesse dans l’obéissance d’Allah et donne la priorité à ce qui satisfait Allah au détriment de ses propres plaisirs et passions, sans que les ornements de la vie d’ici-bas le détournent de la satisfaction de son Seigneur.
Allah (أ) a dit: «La bonté pieuse ne consiste pas à tourner vos visages vers le Levant ou le Couchant. Mais la bonté pieuse est de croire en Allah, au Jour dernier, aux anges, aux Livres et aux Prophètes, de donner de son bien quelque amour qu’on en ait, aux proches, aux orphelins, aux nécessiteux, aux voyageurs, à ceux qui demandent l’aide et pour affranchir les esclaves ou racheter les prisonniers, d’accomplir la prière et de s’acquitter de l’impôt légal. Et ceux qui remplissent leurs engagements lorsqu’ils se sont engagés, ceux qui sont endurants dans la misère, la maladie et quand les combats font rage, les voilà les véridiques et les voilà les vrais pieux! [59]»
Et il a été authentifié dans les deux recueils authen- tiques [Al-Bukhârî et Muslim] que le Prophète (ج) a dit: «Il y a sept types de personnes qu’Allah couvrira de Son ombre le jour où il n’y aura d’autre ombre que la Sienne…» Il a notamment évoqué parmi eux: «… un homme dont le cœur est attaché aux mosquées [60].»
Le grand savant Ibn Hajar (/) a dit au sujet de ce hadith: «Ceci marque le caractère inséparable de son cœur pour les mosquées même lorsque son corps se trouve à l’extérieur de celles-ci [61].»
On remarquera cette expression éloquente «…dont le cœur est attaché». Celle-ci souligne le fait que cet homme est continuellement en contact avec Allah le Très Haut, a constamment Ses ordres à l’es- prit, sans que rien ne puisse le préoccuper ou l’en détourner.
C’est pourquoi Allah (ـ) a dit: «Dans des mai- sons [des mosquées] qu’Allah a prescrit que l’on élève, et que l’on y invoque Son Nom; Le glorifient sans cesse matin et après-midi des hommes que ni le commerce ni la vente ne distraient de l’invoca- tion d’Allah, de l’accomplissement de la prière et de l’acquittement de la Zakât (l’impôt légal) et qui redoutent un jour où les cœurs seront bouleversés ainsi que les regards. [62]»
Il a été rapporté dans un hadith authentique relaté par cAïshah (ل) que le messager d’Allah (ج), une fois chez lui, servait sa famille – c’est-à-dire qu’il aidait ses épouses dans les tâches ménagères et autres. Mais à l’arrivée de l’heure de la prière, il sortait aussitôt pour l’accomplir [63]».
L’imam Ibn Al-Qayyim (/) décrit la dépendance envers Allah le Très Haut par les termes suivants:!De par son sentiment d’indigence, le serviteur se refuse à adorer autre que son véritable Maître, à gas- piller le moindre instant dans autre chose que Sa satis- faction, ou à se soucier d’autre chose que de ce qu’Al- lah aime ou bien à accorder la priorité à autre que Lui, quel qu’il soit et quelle que soit la circonstance.
En conséquence, cette attitude et ces agissements conduisent le serviteur à l’état de servitude le plus pur, à l’établissement d’une relation intime entre Allah et lui, et à Lui vouer un amour particulier. Dès lors, le serviteur se réveille et se couche sans la moindre préoccupation hormis son Seigneur. Cette préoccupation pour son Seigneur l’a isolé de tout autre souci. Sa volonté a coupé court à toute autre ambition, et son amour [d’Allah] a effacé de son cœur tout amour voué à autrui [64].»
Celui dont le cœur est attaché à Allah trouve une saveur dans l’obéissance et dans la soumission aux ordres d’Allah que nulle autre saveur ne saurait éga- ler! «Ainsi, les ordres du Bien-Aimé deviennent la réjouissance des yeux, la joie des cœurs, le délice des âmes et le plaisir des esprits. En les accomplissant, on obtient la jouissance totale et absolue.
En effet, pour celui qui aime Allah, la réjouissance des yeux tout comme la gaieté du cœur, sa joie et son délice sont ressentis dans la prière et le pèlerinage, de même que dans le jeûne, le rappel (!dhikr») et la récitation du Coran. Quant à l’aumône, on y trouve des choses vraiment étonnantes et merveilleuses.
En outre, le délice obtenu lors du Jihad, de l’ap- pel au convenable, de l’interdiction du blâmable, de l’invitation vers la voie d’Allah (!dacwah») et de la patience face aux ennemis de l’Islam est d’une toute autre saveur, à la fois indescriptible et inconcevable pour celui qui n’en a accompli aucune part. Et qui- conque en accomplit le plus aura naturellement la part de plaisir la plus immense [65].»
En revanche, les personnes les plus égarées et les plus en perdition sont assurément celles dont le cœur s’est attaché à autre qu’Allah (ـ). Et plus leur attachement à un autre que leur véritable Maître est prononcé, plus leur égarement et leur perdition sont accentués. C’est pourquoi la tendance du servi- teur à pencher pour la vie d’ici-bas ou pour l’un de ses ornements est considérée comme un signe qui prouve qu’on lui voue en réalité une adoration.
Allah (ـ) dit à cet effet: «Voix-tu celui qui a pris sa passion pour sa propre divinité et qu’Allah a égaré malgré sa connaissance [du bien et du mal] [66].»
Et le Prophète (ج) a dit: «Que périsse l’adorateur du dînâr, du dirham, du vêtement de velours et de l’habit de soie. Si on lui en donne, il est satisfait et si on le prive, il se met en colère. Qu’il périsse et mal- heur à lui! S’il est piqué, il ne peut retirer l’épine [67].»
Sheikh Al-Islâm Ibn Taymiyah (/) a dit: «Toute personne qui lie son cœur aux créatures en espérant qu’elles lui donnent la victoire, la subsistance ou qu’elles le guident, a en réalité asservi son cœur à celles-ci et leur a voué une adoration, proportion- nellement à son degré d’attachement pour elles, bien qu’en apparence, il donne l’impression d’être le maître qui gouverne comme bon lui semble. En effet, la personne douée de raison tient compte de la réalité des choses et non de leurs apparences.
Ainsi, l’homme dont le cœur est attaché à une femme, même lorsque cette dernière est licite pour lui, restera à sa merci. Elle le commandera et dispo- sera de lui de la manière dont elle voudra, même si en apparence il dispose de l’autorité que lui confère son statut d’époux sur elle.
Mais, en réalité, il n’est rien d’autre que son pri- sonnier et son détenu, qu’elle commande tel un des- pote, tyrannique et vainqueur de son esclave dominé qui ne peut se délivrer de lui.
Or, la capture du cœur est bien plus grave que celle du corps, de même que son asservissement.
En effet, celui dont le corps est capturé et rendu esclave n’a rien à craindre si son cœur reste détendu et paisible. En revanche, si le cœur – qui demeure le roi [des membres] – devient prisonnier, asservi et esclave d’un autre qu’Allah, alors il connaîtra de fait l’humiliation totale, la captivité absolue et la pleine dévotion pour celui qui a asservi son cœur.»
Puis il ajoute: «Parmi les pires désastres que l’on puisse subir, il y a le fait que le cœur se détourne d’Allah. En effet, si le cœur goûte à la saveur de l’adoration d’Allah en toute exclusivité, alors il ne trouvera jamais une chose aussi savoureuse, déli- cieuse et pure que celle-ci [68].»
Et l’imam Ibn Al-Qayyim (/) a dit: «Les gens les plus abandonnés sont ceux qui se sont attachés à autre qu’Allah. Et pour cause, les avantages, le bonheur et le succès qui leur ont échappé sont bien plus importants que ce qu’ils ont pu obtenir de leur attachement illusoire, puisque cela est voué à la dis- parition et à la fin. En effet, celui qui s’attache à autre qu’Allah est comparable à celui qui se protège de la chaleur ou du froid sous une toile d’araignée, alors qu’elle est le plus fragile des refuges [69].»
Il (/) dit aussi: «Le fait que le cœur d’une per- sonne se lie à autre qu’Allah, se consacre à un autre que Lui et penche vers autre que Lui est [en réalité] une forme de recueillement pour les idoles qui ont pris place dans son cœur. C’est en tout point compa- rable au fait de se recueillir devant les idoles que sont les statues. Ainsi, le polythéisme [70] que commettent les adorateurs de statues consiste à ce que leurs cœurs, leurs ambitions et leurs volontés soient consacrés à leurs idoles.
Aussi, si des idoles apparaissent dans le cœur, prennent possession de lui et l’asservissent au point qu’il se consacre pleinement à elles, cela sera compa- rable au recueillement des polythéistes devant leurs statues. C’est pour cette raison que le Prophète a uti- lisé le terme «adorateur [du dînâr...]» pour désigner celui dont le cœur se consacre à autre qu’Allah. C’est également pour cela qu’il a invoqué Allah pour qu’il périsse et qu’il lui arrive malheur [71].»
* * *
[58] «Shadharât Adh-Dhahab» (vol. 2/p. 326). [59] S. 2, v. 77. [60] Rapporté par Al-Bukhârî (660) et Muslim (1031). [61] «Fath Al-Bârî» d’Ibn Hajar (vol. 2/ p. 145). [62] S. 24, v. 36-37. [63] Rapporté par Al-Bukhârî (676). [64] «Tarîq Al-Hijratayn» d’Ibn Al-Qayyim (p. 18). [65] «Tarîq Al-Hijratayn» (p. 70). [66] S. 45, v. 23. [67] Rapporté par Al-Bukhârî (2887). [68] «Majmûc Al-Fatâwâ» (vol. 10/p. 185-187). [69] «Madârij As-Sâlikîn» (vol. 1/p. 458). [70] NdT: ou association, tiré de l’arabe «shirk». [71] «Al-Fawâ’id» (p. 217).
Le cœur du serviteur croyant s’astreint continuel- lement à évoquer son Maître et à faire Son éloge par Ses beaux noms et Ses attributs sublimes, en toute circonstance.
Il se repent et demande constamment le pardon pour ses fautes et ses manquements. Il trouve joie et plaisir dans la lecture du Coran, de même qu’il ressent la quiétude et la tranquillité lorsqu’il adresse tout bas ses prières au Tout-Miséricordieux.
Allah (ـ) a dit: «Ceux qui ont cru, et dont les cœurs se tranquillisent à l’évocation d’Allah. Certes, c’est par l’évocation d’Allah que se tranquillisent les cœurs [72].»
Et Il (ﻷ) a décrit les gens de foi par Sa parole: «Est-ce que celui qui reste en dévotion, aux heures de la nuit, prosterné et debout, prenant garde à l’au- delà et espérant la miséricorde de son Seigneur (est meilleur ou est-ce celui qui mécroit en Allah)? Dis: «Sont-ils égaux ceux qui savent et ceux qui ne savent pas? [73]»»
Il les a également décrits ainsi: «En vérité, dans la création des cieux et de la terre, et dans l’alter- nance de la nuit et du jour, il y a des signes pour les doués d’intelligence, qui, debout, assis, cou- chés sur le côté, invoquent Allah et méditent sur la création des cieux et de la terre (disant): Notre Seigneur! Tu n’as pas créé cela en vain. Gloire à Toi! Préserve-nous donc du châtiment du Feu [74].»»
Par ailleurs, Allah (ﻷ) a prescrit à Son Prophète (ج) d’être constant dans l’évocation (!dhikr») et la demande de pardon. Il a dit: «Endure donc, car la promesse d’Allah est vérité, implore le pardon pour ton péché et célèbre la gloire et la louange de ton Seigneur, soir et matin [75].»
C’est pourquoi le messager d’Allah (ج) disait: «Ô gens! Repentez-vous à Allah car certes je me repens à Lui cent fois par jour [76].»
Et il (ج) a également dit: «Je jure par Allah que je Lui demande pardon et me repens à Lui plus de soixante-dix fois par jour [77].»
Il dit aussi: «Parfois mon cœur se distrait [78]. Alors, je demande le pardon à Allah cent fois par jour.»
De toute évidence, la constance dans l’évocation et dans la demande de pardon fait partie des signes d’indigence envers Allah (ـ).
En effet, le serviteur s’efforce de manifester sa pauvreté, son besoin et son impuissance, son cœur se remplit alors de carence et de soumission ; puis il lève les mains vers son Seigneur avec humiliation et repentance. De ce fait, il évoque Allah (ـ) à tout moment et en toute situation: lorsqu’il est résident ou en voyage, lorsqu’il rentre ou sort d’un endroit, lorsqu’il mange ou boit, lorsqu’il se couche et se réveille et même lors des relations intimes avec son épouse.
Il est constamment dépendant de l’aide d’Allah (ـ) et de Sa grâce. A aucun instant, il ne se distrait, ne serait-ce même qu’une fraction de seconde, de demander de l’aide à Allah et de se réfugier auprès de Lui.
Ceci exige qu’il ne se repose en aucune façon sur sa personne, ne se fie en rien à sa force ou à sa puis- sance, ne compte pas du tout sur ses biens, son rang ou sur sa santé.
C’est pourquoi le Prophète (ج) invoquait parfois Allah pour ses compagnons par les termes suivants: «Ô Allah! Ne les laisse point s’en remettre à moi sinon je faiblirai ; ne les laisse pas se reposer sur eux-mêmes sinon ils seront impuissants. Et ne les laisse pas s’en remettre aux gens sinon ceux-ci pri- vilégieront d’autres à leur détriment [79].»
D’après Abû Bakrah (س), le messager d’Allah (ج) a dit: «L’invocation de la personne affligée est: «Ô Allah! C’est Ta miséricorde que j’espère, ne me livre donc pas à moi-même, ne serait-ce que le temps d’un clin d’œil. Et améliore toute ma situation. Il n’y a point de divinité digne d’être adorée si ce n’est Toi [80].»
D’après Anas Ibn Mâlik (س), le messager d’Allah (ج) a dit à sa fille Fâtimah (ل): «Qu’est-ce qui t’em- pêche d’écouter ce que je te conseille?! Dis chaque matin et soir: «Ô Toi le Vivant, Ô Celui qui subsiste par lui-même (Al-Qayyûm)! Par Ta miséricorde, j’implore Ton secours. Améliore toutes mes affaires et ne me laisse jamais m’en remettre à moi-même, ne serait-ce que le temps d’un clin d’œil [81].»
Médite sur les formules qu’utilisait le Prophète (ج) et ses invocations, tu y verras des choses étonnantes! Dans la meilleure formule d’imploration du pardon, (dite «Sayyid al-Istighfâr»), les significations grandioses de l’adoration apparaissent de façon manifeste, de même que celles de l’humilité absolue et de la soumission: «Ô Allah! Tu es mon Seigneur. Il n’y a point de divinité [digne d’être adorée] autre que Toi. Tu m’as créé et je suis Ton serviteur. Je suis fidèle à mes enga- gements et mes promesses envers Toi autant que je peux. Je me réfugie auprès de Toi contre le mal que j’ai commis. Je reconnais Tes bienfaits envers moi et je reconnais mon péché. Pardonne-moi, car nul autre que Toi ne pardonne les péchés [82].»
Réfléchis attentivement à l’invocation du Prophète (ج) et à sa soumission lorsqu’il se lève prier la nuit en s’adressant en toute intimité à son Seigneur: «Ô Allah! A Toi toutes les louanges, Tu es Celui qui régit les cieux, la terre et tout ce qu’ils contiennent. A Toi toutes les louanges, à Toi appartient le royaume des cieux, de la terre et de tout ce qu’ils contiennent.
Et à Toi toutes les louanges, Tu es la lumière des cieux et de la terre. A Toi toutes les louanges, Tu es le Roi des cieux et de la terre.
Tu es la vérité, Ta promesse est la vérité, Ta ren- contre est vérité, Ta parole est vérité, Le Paradis est vérité, l’Enfer est vérité, les Prophètes sont vérité, Muhammad (ج) est vérité et l’Heure est vérité.
Ô Allah! A Toi je me soumets, en Toi je crois, à Toi je m’en remets, vers Toi je reviens, pour Toi je me querelle, et c’est par Toi que je juge.
Pardonne-moi donc mes péchés passés et futurs, cachés et apparents ; c’est Toi certes qui fait avancer et qui fait reculer. Tu es le seul digne d’adoration.» [ou bien]: «...il n’y a point d’adoré [légitime] autre que Toi [83].»
En fait, glorifier Allah (ـ), Le remercier et faire Son éloge comme Il le mérite – tout en avouant ses péchés et son impuissance – emplit le cœur de lumière et suscite en soi la tranquillité et la félicité.
Et quelle belle parole que celle de l’imam Ibn Al-Qayyim (/) lorsqu’il dit: «Il y a dans le cœur une pauvreté et une carence qui ne peuvent absolument pas être comblées si ce n’est par l’évocation d’Allah (ﻷ). Si ensuite l’évocation devient l’activité princi- pale du cœur de telle sorte que celui-ci devienne l’évocateur initial d’Allah et que la langue ne fasse que le suivre, alors cette évocation sera celle qui com- blera et remédiera sans aucun doute à la pauvreté et à la carence du cœur.
Par conséquent, celui qui évoque son Seigneur [de la sorte] sera riche sans posséder le moindre sou ; il sera noble sans pourtant appartenir à un groupe par- ticulier, et respecté sans même disposer d’un empire ou d’une quelconque autorité.
Cependant, si le cœur est inattentif et indifférent à l’évocation d’Allah (ﻷ), il sera, au contraire, pauvre malgré ses nombreuses richesses, humilié malgré son autorité et négligé malgré la grandeur de son groupe d’appartenance [84].»
* * *
[72] S. 13, v. 28. [73] S. 39, v. 9. [74] S. 3, v. 190-191. [75] S. 40, v. 55. [76] Rapporté par Muslim (2702). [77] Rapporté par Al-Bukhârî (6307). [78] Rapporté par Muslim (2702). NdR: autre traduction possible: «se couvre». [79] Rapporté par Ahmad (2487) et Abû Dâwûd (2535). Hadith jugé authentique par Al-Albanî dans «Sahîh Sunan Abî Dâwûd» (vol. 2/p. 482). [80] Rapporté par Ahmad (20429) et Abû Dâwûd (5090). Hadith jugé acceptable par Al-Albanî dans «Sahîh Sunan Abî Dâwûd» (4246). [81] Hadith rapporté par Ibn As-Sunnî dans «cAmal Al-Yawm wa Al-Laylah» et jugé acceptable par Al-Albanî dans - «As-Silsilah As-Sahîhah» (227). [82] Rapporté par Al-Bukhârî (6306). [83] Rapporté Al-Bukhârî (1120) et Muslim (729). [84] «Al-Wâbil As-Sayyib» (p. 139).
Malgré l’empressement du serviteur à accomplir des actes d’obéissance et se rapprocher d’Allah par de multiples bonnes œuvres, celui-ci redoute for- tement pour sa personne et craint d’être privé de l’acceptation de ses œuvres.
Il est rapporté que cAïshah (ل) a interrogé le mes- sager d’Allah (ج) au sujet du verset: «Ceux qui dépensent ce qu’ils dépensent, tandis que leurs cœurs sont pleins de crainte [à la pensée] qu’ils doivent retourner à leur Seigneur [85].»
Elle dit alors:
- «Ô messager d’Allah! Ce verset concerne-t-il ceux qui [forniquent], boivent du vin ou volent?!»
- Il (ج) répondit: «Non, ô fille du véridique [86]! Il s’agit plutôt de ceux qui jeûnent, prient, font l’au- mône et, malgré cela, craignent que leurs œuvres ne soient pas acceptées. Voici donc ceux qui s’em- pressent d’accomplir les bonnes actions [87].»
En dépit de leur désir ardent à accomplir ces hono- rables adorations, ceux-ci ne se reposent pas sur leurs efforts et ne s’en servent pas comme prétexte devant leur Seigneur. Au contraire, ils déprécient leurs œuvres et manifestent leur dépendance absolue envers l’indulgence et la miséricorde d’Allah. Leurs cœurs se remplissent de révérence et de crainte car ils redoutent que leurs œuvres soient rejetées, qu’Allah nous en protège!
C’est pourquoi, ils lèvent leurs mains de détresse en cherchant protection auprès Allah, et en L’implorant d’accepter leurs œuvres.
Cher lecteur, médite également l’histoire de cAb- dullah Ibn cAbbâs (ب) lorsqu’il vint visiter cAïshah au moment de son agonie. Après s’être assis, il lui dit:
- «Réjouis-toi!»
- Elle lui répondit: «De quoi?!»
- Il lui dit alors: «Sache que la sortie de l’âme de ton corps est la seule chose qui s’interpose avant que tu puisses rencontrer Muhammad (ج) et tes bien- aimés. Tu étais auprès du messager d’Allah (ج) la plus aimée de ses épouses. Or, le messager d’Allah n’aimait que les bonnes choses. De plus, lorsque tu perdis ton collier lors d’un voyage pendant la nuit d’Al-Abwâ’, le Prophète fit halte jusqu’au matin pour le chercher et tout le monde s’arrêta également sans qu’ils n’aient d’eau avec eux. Alors Allah révéla et ordonna aux croyants de recourir aux ablutions sèches (Tayammum) à l’aide d’une terre pure. C’était dans ces circonstances et grâce à toi qu’Allah (ﻷ) a prescrit cette permission pour cette communauté.
Par ailleurs, Allah t’a disculpé [de ce dont on t’accusait à tort] du haut de sept cieux. Il a envoyé le Saint-Esprit [88] pour cela. Dès lors, il n’y a pas une mosquée où l’on évoque Allah sans que les preuves de ton innocence soient récitées aux heures de la nuit et du jour.»
Que penses-tu, cher lecteur, de la réaction de cAïshah (ل) après cet éloge?! Est-ce qu’elle s’est reposée sur ses œuvres et s’est sentie sereine pour son avenir…?!
Loin d’elle (ل)! Elle répliqua plutôt:
«Laisse-moi tranquille, ô Ibn cAbbâs! Je jure par Celui qui possède mon âme dans sa Main que j’aurai souhaité être totalement oubliée! [89]»
Le grand savant Ibn Hajar a dit en commentant les propos de cAïshah:
«Et ceci est l’habitude des gens scrupuleux qui ont fortement peur pour leur personne [90].»
La peur de ne pas avoir ses œuvres acceptées
est accentuée chez les gens de foi pour 4 raisons
Première raison: Allah (ﻷ) se passe largement des adorations des serviteurs
En effet, Allah (ﻷ) Se passe largement de Ses ser- viteurs et n’a aucunement besoin de leur adoration et leur obéissance. Allah (ﻷ) dit à ce propos: «Sois reconnaissant à Allah, car quiconque est reconnais- sant, n’est reconnaissant que pour soi-même ; quant à celui qui est ingrat... En vérité, Allah Se dispense de tout, et Il est Digne de louanges [91].»
Et Il (ـ) dit: «Si vous mécroyez, Allah Se passe largement de vous et Il n’agrée pas la mécréance de Ses serviteurs. Par contre, si vous êtes reconnais- sants, Il l’agrée pour vous [92].»
Il (ـ) dit aussi: «Quiconque est reconnaissant, c’est dans son propre intérêt qu’il le fait ; et qui- conque est ingrat… alors mon Seigneur Se suffit à Lui-Même et Il est Généreux [93].»
Et Il (ـ) dit également: «Et Mûsâ [94] dit: «Si vous êtes ingrats, vous ainsi que tous ceux qui sont sur terre, sachez alors qu’Allah Se passe assurément de tous, Il Se suffit à Lui-Même et Il est vraiment Digne de louanges [95].»»
En outre, il est rapporté dans un hadith Qudsî [96] qu’Allah (ـ) a dit:
«Ô Mes serviteurs! Vous ne parviendriez jamais à Me nuire ou à M’être d’une quelconque utilité si vous cherchiez à le faire.
Ô Mes serviteurs! Si les êtres humains et les djinns, du premier au dernier d’entre vous, avaient tous un cœur aussi pur que celui du plus pieux d’entre vous, cela n’ajouterait rien à Mon royaume.
Ô Mes serviteurs! Si les êtres humains et les djinns, du premier au dernier d’entre vous, avaient tous un cœur aussi mauvais que celui du plus pervers d’entre vous, cela ne diminuerait rien de Mon royaume.
Ô Mes serviteurs! Si les êtres humains et les djinns, du premier au dernier d’entre vous, se réu- nissaient tous dans un endroit pour me présenter leurs demandes et que J’accordais à chacun d’eux ce qu’il demande, cela ne diminuerait rien de ce que Je possède, pas plus que ce que l’aiguille retranche de la mer lorsqu’on l’y introduit [97].»
Qatâdah et d’autres pieux prédécesseurs ont dit: «Certes Allah (ـ) n’a pas prescrit Ses ordres aux serviteurs parce qu’Il en avait besoin. Il ne leur a pas non plus prescrit Ses interdits par manque de générosité. Mais au contraire, Ses ordres ne visent que leur bien-être et Ses interdits leur évitent la perte [ou la dépravation] [98].»
Deuxième raison: L’acceptation des œuvres n’a lieu que par bienfait et miséricorde d’Allah (ﻷ)
C’est la raison pour laquelle le messager d’Allah (ج) a dit: «Par Allah, je ne sais pas, moi qui suis le messager d’Allah, ce qu’on fera de moi et de vous [99].»
Si telle est la situation du maître des descendants d’Adam (ج), qu’en est-il pour les autres?!
Aussi, on retrouve que quiconque lit la parole du Prophète (ج):
- «Aucun de vous ne sera sauvé par ses œuvres».
- «Pas même toi, ô messager d’Allah!» s’excla- mèrent les compagnons.
- Alors le Prophète (ج) répondit: «Pas même moi, à moins qu’Allah me couvre de Sa miséricorde [100].»
…reconnaîtra avec certitude sa faiblesse et son impuissance, se remplira d’humilité et d’indigence envers son Seigneur (ﻷ). Il ne se montrera pas arro- gant, ne glorifiera nullement sa personne et ne se vantera point de ses efforts ni de ses actes.
L’imam Ibn Al-Qayyim (/) a dit: « [Ô serviteur], chaque fois que tu prendras conscience de la réalité de la seigneurie d’Allah et de Son droit divin exclu- sif, que tu connaîtras Allah puis ta propre valeur, et que tu te rendras compte que les marchandises [tes œuvres] que tu apportes ne conviennent pas au Roi Véridique, fussent-elles aussi nombreuses que celle des êtres humains et des djinns, tu craindras alors l’issue réservée à ces œuvres.
En fait, Allah accepte ces œuvres uniquement par générosité, bonté et bienveillance de Sa part et c’est pour ces mêmes raisons qu’Il les récompense [101].»
En somme, chaque fois que le serviteur ressent cette réalité, la grandeur du Créateur (ﻷ) lui appa- raît clairement et il finit par connaître la valeur de sa personne.
Effectivement, c’est ainsi que le Prophète (ج) a éduqué ses compagnons (ش). Prenons pour exemple, le plus estimé et le plus digne des compagnons: Abû Bakr le Véridique (!As-Siddîq»).
Un jour, il demanda au Prophète (ج):
- «Enseigne-moi une invocation avec laquelle j’invoquerai pendant ma prière.»
Le Prophète (ج), bien qu’il était celui qui connais- sait le mieux son compagnon, lui dit:
- Dis: «Ô Allah! J’ai été grandement injuste envers moi-même mais nul autre que Toi ne pardonne les péchés. Accorde-moi donc un pardon de Ta part et fais-moi miséricorde, tu es certes le Pardonneur, le Très Miséricordieux [102].»
De toute évidence, c’est une éducation divine qui empêche le serviteur de s’enorgueillir, le rend continuellement conscient de sa dépendance envers son Seigneur et le fait incessamment s’abandonner devant Lui.
Ainsi, si telle est la recommandation du Prophète (ج) à Abû Bakr (س) qui a fait ses preuves comme guide, homme honorable, valeureux guerrier, défenseur de l’Islam et protecteur du Prophète, alors qu’en est-il de notre situation, nous qui sommes des pécheurs exces- sifs? Nous demandons à Allah qu’Il nous préserve!
Tu seras peut-être encore plus surpris par le cas de cUmar Ibn Al-Khattâb (س) qui craignait d’être parmi les hypocrites alors qu’il est celui qui discerne le bien du mal (!Al-Fârûq») et celui à qui le Prophète (ج) a annoncé la bonne nouvelle du Paradis!
Mais tu comprendras que lorsque le serviteur augmente en servitude et en indigence pour son Seigneur, il éprouve d’autant plus de mépris et de peur pour sa propre personne, et dès lors son cœur se lie fortement à son Seigneur (ـ).
Al-Hasan Al-Basrî (/) a dit: «Seul un [vrai] croyant craint l’hypocrisie, et seul un hypocrite croit en être à l’abri [103].»
Al-Jacd Abû cUthmân (/) a dit:
- !J’ai demandé à Abû Rajâ’ Al-cUtâridî s’il avait pu remarquer chez les compagnons du Prophète (ج) qu’il avait pu côtoyer à son époque, qu’ils craignaient d’être hypocrites».
- Alors celui-ci me répondit: «Oui, j’ai côtoyé, par la grâce d’Allah, un grand nombre d’entre eux. Certes, ils craignaient terriblement! Certes, ils crai- gnaient terriblement! [104]»
Et Ibn Abî Mulaykah (/) a dit: «J’ai côtoyé une trentaine de compagnons du Prophète (ج) et tous craignaient d’être hypocrites. Aucun d’entre eux ne prétendait avoir la même foi que Jibrîl ou Mîka’îl [105].»
Ibn Hajar (/) a dit à ce sujet: «Les compagnons que Ibn Abî Mulaykah a côtoyés sont parmi les plus valeureux. On retrouve parmi eux cAïshah, sa sœur Asmâ’, cAbdullah Ibn cUmar, cAbdullah Ibn cAbbâs, cAbdullah Ibn Az-Zubayr, cAbdullah Ibn cAmr Ibn Al-cÂs (ces quatre derniers étaient surnommés les quatre cAbdullah), Abû Hurayrah, cUqbah Ibn Al-Hârith et Al-Miswar Ibn Makhramah. Ceux-ci sont ceux desquels il a entendu directement.
Par ailleurs, il a été contemporain de bon nombre d’entre eux, tels que cAli Ibn Abî Tâlib et Sacd Ibn Abî Waqqâs, et a assuré qu’ils craignaient d’être hypo- crites dans leurs actes. Et puisqu’aucune divergence n’a été rapportée à ce sujet, cet avis est considéré comme un consensus.
En effet, il se peut que le croyant croie voir dans son acte une chose qui s’oppose à la sincérité. Mais le fait de craindre une telle chose n’implique pas néces- sairement qu’elle ait lieu. En réalité, cela démontre le degré extrême de scrupules et de crainte qu’ils avaient atteint (ش) [106]».
Ibn Rajab (/) le hanbalite a dit: «Les compagnons [du Prophète (ج)] et les vertueux qui leur ont suc- cédé craignaient réellement que l’hypocrisie ne les touche. Ils étaient frappés d’effroi et d’inquiétude profondes à ce sujet.
En effet, le croyant craint pour sa propre personne l’hypocrisie mineure. Et il craint que celle-ci prenne le dessus sur lui au moment de la mort pour l’ame- ner à l’hypocrisie majeure [107]. Et comme nous l’avons mentionné auparavant, les vices cachés entrainent inéluctablement une mauvaise et misérable fin [108].»
Troisième raison: Les bienfaits, dans leur totalité, proviennent d’Allah et Il est le Seul qui mérite d’être loué pour cela
En effet, le vrai croyant attribue à la fois les bien- faits qui l’atteignent et les actes d’adoration qu’il réalise à son Seigneur et Maître (ﻷ), auquel revient le mérite et l’éloge. En conséquence, il ne prétend en aucun cas que ceux-ci résultent de sa force, de son dur travail et de ses efforts.
Allah a dit à ce propos: «Et puis, quiconque Allah veut guider, Il lui ouvre la poitrine à l’Is- lam. Et quiconque Il veut égarer, Il rend sa poitrine étroite et gênée, comme s’il s’efforçait de monter au ciel. Ainsi Allah inflige Sa punition à ceux qui ne croient pas [109].»
Il (ـ) a dit également: «Ils te rappellent leur conversion à l’Islam comme si c’était une faveur de leur part. Dis: «Ne me rappelez pas votre conversion à l’Islam comme une faveur. C’est tout au contraire une faveur dont Allah vous a comblés en vous dirigeant vers la foi, si toutefois vous êtes véridiques [110].»»
Dans un hadith Qudsî, Allah (ـ) a dit: «Ô Mes serviteurs! Chacun de vous est égaré sauf ceux que J’ai guidés. Demandez-moi la guidée et Je vous guiderai [111].»
En outre, parmi les merveilles que l’on peut trouver dans les versets de cette révélation par- faite en style, on retiendra le début de la sourate «Al-Muddaththir [112]». Lorsque le Prophète fut ordonné d’avertir l’humanité au début de la révélation, la nature du chemin à prendre lui a été aussitôt cla- rifiée. Allah (ﻷ) lui dit alors: «Et ne te vante pas, jugeant que tes bonnes actions sont nombreuses [113].»
Voici une recommandation claire et sans aucune équivoque qui débarrasse le serviteur de son arro- gance, son sentiment de supériorité et de sa vantar- dise à l’égard de son Seigneur. Elle remplit le cœur de crainte révérencielle, de vénération pour Allah (ﻷ), auquel revient de bon droit le mérite et la faveur.
Parmi les anecdotes relatives à ce thème, il est rap- porté que lorsque cUmar Ibn Al-Khattâb (س) fut poi- gnardé et se mit à souffrir de sa blessure, Ibn cAbbâs s’adressa à lui pour le réconforter:
- «Ô commandeur des croyants! Même si un mal t’arrive, [tu n’as rien à craindre]. Tu as été le com- pagnon du messager d’Allah (ج) et quel excellent compagnon tu as été pour lui. Puis, vous vous êtes séparés [114] alors qu’il était satisfait de toi. Tu as ensuite été le compagnon d’Abû Bakr et quel excellent com- pagnon tu as été pour lui. Puis, vous vous êtes sépa- rés [115] alors qu’il était satisfait de toi. Après cela, tu as cohabité avec les musulmans et tu l’as fait de la meilleure des manières. Et si tu les quittes, tu les laisseras sûrement satisfaits de toi...»
Après cet éloge magnifique à l’égard du comman- deur des croyants (س), médite sa réponse adressée à Ibn cAbbâs: «Pour ce que tu viens de dire au sujet de ma compagnie avec le messager d’Allah et de sa satisfaction, cela est certainement une grâce qu’Al- lah (ـ) m’a accordée. De même pour la compagnie d’Abû Bakr et sa satisfaction, c’est une grâce qu’Allah – que Son rappel soit exalté – m’a accordée. Quant à la douleur que tu me vois éprouver, elle n’est que pour toi et pour tes compagnons…
Par Allah! Si j’avais toute la terre remplie d’or, je l’aurai donnée comme rançon contre le châtiment d’Allah (ﻷ) avant que je ne le voie [116].»
Quatrième raison: Le serviteur n’est jamais à l’abri d’une épreuve [117]
En effet, il a été authentifié que le messager d’Allah (ج) a dit: «Les cœurs des enfants d’Adam sont tous entre les doigts du Tout Miséricordieux, tel un seul cœur. Il les oriente comme Il le veut [118].»
Ainsi, quelle que soit le rang spirituel que le ser- viteur ait atteint, il n’est à aucun moment à l’abri d’une épreuve dans sa foi. Il doit craindre que ne l’emportent les vents des passions et des tentations.
C’est pourquoi, le Prophète invoquait en disant: «Ô Allah, Toi qui dispose du sort des cœurs, dirige nos cœurs vers Ton obéissance! [119]»
Alors, si le guide des pieux implorait Allah (ﻷ) par ces invocations pleines d’humilité et d’indigence, qu’en est-il de nous, pauvres serviteurs que nous sommes…?!
De ce fait, tu observeras que celui qui ne se sent pas à l’abri est sans aucun doute le plus craintif pour sa personne, le plus enclin à s’abandonner devant son Maître puissant (ـ).
Jubayr Ibn Nafîr a dit: «Lorsque j’entrai dans la maison d’Abû Ad-Dardâ’ à Hims [120], celui-ci était en train de prier dans sa pièce réservée à la prière. Lorsqu’il s’assit pour le «Tashahhud», il se mit à demander la protection d’Allah (ﻷ) contre l’hypo- crisie. Dès la fin de sa prière, je lui dis:
- «Qu’Allah te pardonne, Abû Ad-Dardâ’! Qu’as-tu donc à voir avec l’hypocrisie?! Quel est le rapport entre toi et l’hypocrisie?!»
- Il dit alors: «Ô Allah, j’implore ton pardon! Ô Allah, j’implore ton pardon! Ô Allah, j’implore ton pardon! Celui qui pense être à l’abri n’est jamais à l’abri! Je jure au nom d’Allah que par moment, une heure suffit pour que l’homme éprouvé dans sa foi renonce à sa religion [121].»
En conclusion, quiconque saisit vraiment la réalité des quatre points que nous avons cités auparavant [122], saura inévitablement que le fait d’être en admira- tion devant ses actes d’obéissance et de les rappeler avec prétention à son Seigneur compte parmi les plus grands dangers et vices. Ceux-ci sont susceptibles de faire tomber le serviteur et de le pousser ainsi au bord d’une falaise d’égarement et de déchéance, qu’Allah nous protège!
Mutarrif Ibn cAbdillah Ash-Shikhhîr a dit: «Il m’est préférable de passer ma nuit à dormir puis me réveiller avec regret, que de veiller en priant puis me réveiller plein d’admiration pour mon œuvre [123].»
L’imam Ibn Al-Qayyim a dit: «Certes, que tu dormes la nuit sans prier et te réveilles au matin avec des regrets est préférable pour toi que de passer la nuit debout en prière et de te réveiller le matin plein d’admiration pour ton œuvre. En effet, aucune des œuvres de l’homme prétentieux ne monte au ciel.
Et que tu souries tout en reconnaissant tes insuffi- sances religieuses est meilleur que de pleurer plein de fierté et prétention. Les sanglots et plaintes des pécheurs sont plus agréables à Allah que les chants des glorificateurs prétentieux et imbus de leur personne.
Il est possible qu’Allah, par le péché qu’une per- sonne commet, l’abreuve d’un remède contre un poison qui se trouvait en lui et dont il n’avait aucun soupçon [124].»
Puis il dit en décrivant une scène d’humilité et d’indigence du serviteur:
«Il (le serviteur) témoigne avec chaque partie de son corps, apparente ou cachée, d’une nécessité absolue et d’une dépendance complète pour son Seigneur, son Allié, Celui qui détient entre Ses mains son bien-être, sa réussite, sa guidée et son bonheur.
En fait, cet état vécu par le cœur ne peut réellement être décrit par des paroles, mais seule sa réalisation permet de concevoir et de discerner sa réalité.
Lorsqu’il survient, le cœur s’abandonne d’une manière particulière et incomparable. Le serviteur conçoit sa personne comme un vase cassé en mor- ceaux qui se fait piétiner. Il ressent alors qu’il est inutile, insignifiant et négligeable et qu’aucun ne voudrait de lui. Aussi, il pense qu’il ne pourrait être profitable qu’après avoir été de nouveau réparé par son fabricant.
C’est seulement à cet instant qu’il témoigne de la reconnaissance envers son Seigneur et considère Ses bienfaits comme nombreux. Il pense à ce moment qu’il ne mérite pas le moindre de ces bienfaits, ni peu ni beaucoup. Et il considère tout bien qu’il reçoit de la part d’Allah comme étant trop pour lui car il ne s’estime pas en être réellement digne. Il sait que c’est par Sa miséricorde qu’Allah lui a assigné ces bienfaits et les a amenés à lui.
En conséquence, il voit que ses actes d’adoration ne sont pas suffisants et même insignifiants vis-à-vis de son Seigneur, fussent-ils aussi nombreux que ceux des humains et des djinns. D’un autre côté, le plus infime de ses péchés lui apparaît comme démesuré.
Et c’est en fait la brisure qui s’est produite dans son cœur qui a suscité tous ces ressentiments».
Ensuite il dit: «Qu’elle est proche la réparation de ce cœur brisé! Et sa victoire, sa miséricorde et sa subsistance le sont encore plus! Et que ces ressenti- ments sont bénéfiques et profitables pour ce cœur!
Le moindre atome de ce cœur et la moindre de ses respirations est plus apprécié auprès d’Allah que les montagnes d’obéissances des vaniteux prétentieux et fiers de leurs personnes, de leurs œuvres, de leur science et de leur condition.
En effet, les cœurs les plus aimés auprès d’Allah (ـ) sont ceux dont la brisure et l’abandon ont fait le siège, dont la soumission et l’humilité ont pris pou- voir au point que le serviteur baisse la tête d’humilité pour son Seigneur et n’ose pas la lever vers Lui par pudeur et par honte [125].»
* * *
[85] S. 23, v. 60. [86] NdT: Abû Bakr. [87] Rapporté par Ahmad (25705/25263), At-Tirmidhî (3175) et Ibn Mâjah (4198). Hadith jugé authentique par Al-Albanî dans «As-Silsilah As-Sahîhah» (162). [88] NdT: il s’agit là de l’ange Gabriel (Jibrîl (÷)). [89] Version rapportée en ces termes par Ahmad (2496). Rapporté également de manière résumée par Al-Bukhârî (4753). [90] «Fath Al-Bârî» (vol. 8/p. 484). [91] S. 31, v. 12. [92] S. 39, v. 7. [93] S. 27, v. 40. [94] Moïse (÷). [95] S. 14, v. 8. [96] NdR: un hadith dit «Qudsî» est un hadith dans lequel le Prophète (علیه الصلاة والسلام) rapporte le sens de la parole de son Seigneur sans forcément que ce soit exactement les mêmes termes. [97] Rapporté par Muslim (2577). [98] «Qâcidah fil-Mahabbah» (p. 255). [99] Rapporté par Al-Bukhârî (1243/7018). [100] Rapporté par Al-Bukhârî (6463) et Muslim (2816). [101] «Madârij As-Sâlikîn» (vol. 1/p. 176). [102] Rapporté par Al-Bukhârî (834) et Muslim (2075). [103] Rapporté par Al-Bukhârî. Hadith jugé authentique par Ibn Hajar dans «Fath Al-Bârî». [104] Rapporté par Abû Nacîm dans «Hilyat Al-Awliyâ’» (vol. 2/p. 307). [105] Rapporté par Al-Bukhârî (109). [106] «Fath Al-Bârî» (vol. 1/p. 110-111). [107] NdT: celle qui fait sortir de l’Islam. [108] «Jâmic Al-cUlûm wa Al-Hikam» (vol. 1/p. 117). [109] S. 6, v. 125. [110] S. 49, v. 17. [111] Rapporté par Muslim (2577). [112] S. 74. [113] S. 74, v. 6. NdR: ceci est l’une des explications plausibles du verset. [114] NdT: cette séparation eut lieu par le fait que le Prophète(ج) rendit l’âme. [115] NdT: par le décès d’Abû Bakr. [116] Rapporté par Al-Bukhârî (3692). [117] NdT: tiré de l’arabe «Fitnah», qui désigne ici des troubles, des tourments ou des confusions qu’une per- sonne peut subir dans sa foi, voire même de l’impiété. [118] Rapporté par Muslim (2654). [119] Rapporté par Muslim (2654). [120] NdT: ville située dans l’actuelle Syrie. [121] «Sifât Al-Munâfiq», d’Al-Firyâbî (p. 69). [122] Voir les quatre raisons évoquées dans les quatre sous- titres précédents. [123] «Az-Zuhd» d’cAbdullah Ibn Mubârak (p. 151). [124] «Madârij As-Sâlikîn» (vol. 1/p. 177). [125] «Madârij As-Sâlikîn» (vol. 1/p. 428-429) cf. «Al-Wâbil As-Sayyib» (p. 20-23).
La crainte d’Allah (ـ) est l’une des plus majes- tueuses caractéristiques des gens la foi.
Allah (ﻷ) a dit: «Les vrais croyants sont ceux dont les cœurs frémissent de crainte quand on mentionne Allah. Et quand Ses versets leurs sont récités, cela augmente leur foi. Et ils placent leur confiance en leur Seigneur [126].»
Et Il (ﻷ) a dit par ailleurs: «Et fais bonne annonce à ceux qui s’humilient, ceux dont les cœurs fré- missent de crainte quand le nom d’Allah est men- tionné [127].»
En effet, la crainte d’Allah (ﻷ), aussi bien en secret qu’en public, est parmi les plus grands signes révé- lateurs de la servitude, l’indigence et la dépendance que l’on éprouve pour Allah.
Quiconque connaît Allah (ـ) par Ses noms sublimes et Ses nobles attributs, prend conscience de Sa grandeur, Sa puissance, Son autorité irrésistible, Sa surveillance continue due au fait que Ses yeux ne dorment jamais et L’estime à Sa juste valeur, Le craindra alors de manière véritable.
C’est pourquoi Allah (ﻷ) a dit: «Et par celui qui aura craint de comparaître devant son Seigneur, il y aura deux jardins [128].»
Et Il (ـ) a dit: «Et pour celui qui aura redouté de comparaître devant son Seigneur, et préservé son âme de la passion, le Paradis sera alors son refuge [129].»
Il a dit aussi: «Cela sera pour celui qui craint de comparaître devant Moi et craint Ma menace [130].»
Quiconque atteint cet état aura toujours le cœur attentif, tremblera sans cesse de crainte et d’effroi et maintiendra en permanence une relation privée avec son Seigneur afin qu’Il le protège et le secoure dans sa détresse d’humble et pauvre serviteur.
Allah (ـ) a dit: «Est-ce que celui qui reste en dévotion, aux heures de la nuit, prosterné et debout, prenant garde à l’au-delà et espérant la miséricorde de son Seigneur (est meilleur ou est-ce celui qui mécroit en Allah)? Dis: «Sont-ils égaux ceux qui savent et ceux qui ne savent pas? [131]»»
Et Il (ـ) a dit: «Ils s’arrachent de leurs lits pour invoquer leur Seigneur, par crainte et espoir [132].»
Il (ـ) a dit aussi: «Et ceux qui passent leurs nuits prosternés et debout devant leur Seigneur [133].»
Al-Hasan Al-Basrî a dit: «Des larmes coulent sur leurs joues de crainte pour leur Seigneur [134].»
Médite avec moi la parole du Véridique (ﻷ): «Dis: «Croyez-y ou n’y croyez pas. Ceux à qui la connaissance a été donnée avant cela, lorsqu’on le leur récite, s’effondrent en prosternation, le menton contre terre et disent: «Gloire à notre Seigneur! La promesse de notre Seigneur est assurément accom- plie. Et ils s’effondrent sur leur menton en pleurs et cela augmente leur humilité [135].»»
Voici donc une illustration du sentiment de dépen- dance totale envers Allah (ﻷ), ainsi qu’une mani- festation de l’abandon du serviteur devant Lui avec humilité et repentir.
Sayid Qutb [136] a dit au sujet de ce verset: «Ils ne peuvent se retenir. Ils ne se prosternent pas mais «s’effondrent en prosternation le menton contre terre» ; puis leurs langues se dénouent pour expri- mer le bouleversement émotif qu’ils ont éprouvé après avoir réellement perçu et compris la grandeur d’Allah et la véracité de Sa promesse. Ils disent alors: «Gloire à notre Seigneur! La promesse de notre Seigneur est assurément accomplie.» L’intensité des émotions qu’ils éprouvent prend le dessus sur leurs personnes au point que les mots ne puissent se révéler suffisants pour traduire ce qui agite leurs poitrines. C’est alors que les larmes ruissellent de leurs yeux pour exprimer cette émotion débordante que nulle parole ne peut décrire avec exactitude.»
En outre, la condition exigée pour que la crainte soit véritablement authentique est qu’elle soit éprou- vée secrètement. De fait, à cet instant, le cœur se lie uniquement à Allah et ne se détourne aucunement vers autre que Lui.
Allah (ـ) a dit: «Ceux qui redoutent leur Seigneur en secret auront un pardon et une grande récompense [137].»
Et Il (ـ) a dit: «Ceux qui craignent leur Seigneur en secret, et redoutent l’Heure [138].»
Il (ـ) a dit aussi: «Le Paradis sera rapproché à proximité des pieux. Voilà ce qui vous a été pro- mis, ainsi qu’à tout homme plein de repentir et res- pectueux des prescriptions divines ; qui redoute le Tout Miséricordieux en secret et qui vient vers Lui avec un cœur entièrement porté à l’obéissance [139].»
Et dans un hadith authentique, le messager d’Allah (ج) a dit: «Sept types de personnes seront couvertes de l’ombre d’Allah le jour où il n’y aura d’ombre que la Sienne […] en évoquant parmi eux: […] un homme qui a invoqué Allah en étant seul et ses yeux se sont mis à déborder de larmes.»
Le grand savant Ibn Hajar a dit en commentant ce hadith: «Le terme «en étant seul» (!khâliya») provient du substantif «al-khuluw» qui signifie: la solitude et l’isolement. En effet, à cet instant le ser- viteur est loin de toute ostentation. Et en réalité, le sens du mot (!khâliyan») implique d’être à l’abri de tourner son attention vers autre qu’Allah, même si on est entouré de gens [140].»
Par ailleurs, la peur d’Allah (ﻷ) est, de toute évi- dence, un acte du cœur qui incite le serviteur à se diriger vers l’adoration d’Allah avec plein d’ardeur, d’enthousiasme et de sérieux.
A ce propos, le messager d’Allah (ج) a dit:
«Quiconque craint prend la route dès la tombée de la nuit. Et quiconque prend la route dès la tombée de la nuit parvient à destination [141].»
C’est pourquoi le grand savant cUbaydullah Ibn Jacfar a dit: «Il n’y a pas mieux que la crainte d’Allah pour assister un serviteur dans sa religion [142].»
En effet, la réalité de cet acte du cœur se traduit clairement à travers les membres. On retrouve cela dans le hadith des sept types de personnes qui seront couvertes de l’ombre d’Allah: «[…] Et un homme qu’une femme de haut rang et d’une grande beauté a convié à l’adultère, et qui a répondu: «Certes, je crains Allah.»»
L’acte de désobéissance s’est présenté à lui dans sa beauté la plus fascinante et son charme le plus ravissant et captivant. Et bien qu’il ne soit qu’un homme comme les autres, c’est uniquement la crainte d’Allah (ﻷ) qui a pu l’empêcher d’accomplir cette désobéissance.
Dans un cas similaire, on retrouve le hadith qui relate l’histoire de trois hommes qui se retrouvèrent bloqués dans une grotte par un gigantesque rocher.
Ils se dirent alors: «Rien ne nous débarrassera de ce rocher à moins que nous n’invoquions Allah en faisant valoir nos bonnes actions. L’un d’eux prit la parole et dit: «Ô Allah! Tu sais que j’avais une cousine que j’aimais de la plus vive passion qu’un homme puisse ressentir pour une femme. Je la sollici- tai de se livrer à moi, mais elle refusa jusqu’à une cer- taine année où, éprouvée par la disette et la famine, elle vint me trouver et me demanda en échange cent vingt dinars (pièces d’or). Dès lors, je me précipitai pour récolter toute la somme et lui donnai enfin. Elle l’accepta mais au moment où j’allais abuser d’elle en me plaçant entre ses jambes, elle me dit: «Crains Allah et ne brise ce qui est scellé que si tu en as le droit!» Aussitôt, je m’abstins de tout contact avec elle, et la quittai bien qu’elle fût la personne que j’aimais le plus au monde.
Ô Allah! Si tu sais que j’ai agi de la sorte uni- quement dans le désir de contempler Ton Visage, alors délivre-nous de la situation dans laquelle nous sommes… [143]»
Dans une autre version de cette histoire, il dit:
«Ô Allah! Si tu sais que j’ai agi de la sorte uni- quement par crainte de Toi, alors délivre-nous de la situation dans laquelle nous sommes… [144]»
Assurément, cette femme affaiblie s’est soumise à lui et n’a rien trouvé d’autre pour se délivrer de son emprise que de lui rappeler qu’il devait craindre Allah (ﻷ). Alors, le cœur de son cousin s’est réveillé et s’est rempli de crainte d’Allah ; et cela a érigé un rempart entre lui et la désobéissance.
Et parmi les plus belles paroles que j’ai pu lire au sujet de la définition de la crainte d’Allah, il y a celle de Sacid Ibn Jubayr:
«Certes, la crainte (!al-khashyah») consiste à ce que tu redoutes Allah au point que ta peur dresse un rempart entre toi et la désobéissance. Telle est la véritable crainte d’Allah [145].»
* * *
[126] S. 8, v. 2. [127] S. 22, v. 34-35. [128] S. 55, v. 46. [129] S. 79, v. 40-41. [130] S. 14, v. 14. [131] S. 39, v. 9. [132] S. 32, v. 16. [133] S. 25, v. 64. [134] «Al-Khushuc fi As-Salât» (p. 31). [135] S. 17, v. 107-109. [136] «Fî Zhilâl Al-Qur’ân» de Sayid Qutb (vol. 5/p. 2254). NdR: nous attirons l’attention de nos nobles lecteurs sur le fait que citer une parole bénéfique d’un auteur n’implique pas forcément d’être en accord avec l’ensemble de ses prises de positions sur d’autres questions. [137] S. 67, v. 12. [138] S. 21, v. 49. [139] S. 50, v. 31-33. [140] «Fath Al-Bârî» (vol. 2/p. 147). [141] Rapporté par At-Tirmidhi (2450) et Al-Hâkim qui a jugé sa chaîne de transmission authentique et qui a été suivi dans cet avis par Adh-Dhahabî. Jugé authentique par Al- Albânî dans «Sahîh Al-Jâmic». NdR: voici une métaphore dans laquelle le Prophète compare la vie d’ici-bas à un voyage à destination de l’au-delà. Il nous montre que quiconque craint Allah et l’au-delà prendra naturellement ses précautions en religion. Et quiconque se montre scrupuleux en religion parviendra alors à la demeure qu’il souhaite atteindre, autrement dit le Paradis. [142] «Siyar Aclâm An-Nubalâ’» (vol. 6/p. 9). [143] Rapporté par Al-Bukhârî (2215) et Muslim (2743). [144] Rapporté par Al-Bukhârî (3465). [145] «Hilyat Al-Awliyâ’» (vol. 4/p. 276) et «Siyar Aclâm An- Nubalâ’» (vol. 4/p. 326).
Le degré ultime de la servitude est de se soumettre et se conformer [à la volonté d’Allah] avec amour et humilité. Ainsi, le fait de prendre les ordres et interdits d’Allah (ﻷ) en haute considération est sans aucun doute une manière de respecter Allah.
Allah (ﻷ) a dit: «Voilà ce qui doit être observé et quiconque prend en haute considération les limites sacrées d’Allah, cela lui sera meilleur auprès de son Seigneur [146].»
Et Il a dit: «Voilà ce qui est prescrit. Et quiconque prend en haute considération les rites d’Allah, cela provient en effet de la piété des cœurs [147].»
En fait, les actes de désobéissance ne se sont répan- dus et les actes blâmables et les passions néfastes ne se sont multipliés qu’à cause de la faiblesse de la foi qui se manifeste par une négligence vis-à-vis du respect de l’ordre d’Allah (ﻷ) et Son interdit.
Prendre les ordres et interdits d’Allah en haute considération consiste à ne pas transgresser les limites établies par les textes religieux, à s’y confor- mer sincèrement en respectant et acceptant scrupu- leusement leurs exigences, leurs arguments et leurs preuves. Dès lors, il s’agit de s’y cramponner de toutes ses forces [148].
Ainsi, l’ordre d’Allah (ﻷ) et de Son messager (ج) exigent et méritent un profond respect et une mise en application!
Allah (ـ) a dit: «Il n’appartient pas à un croyant ou à une croyante, une fois qu’Allah et Son messa- ger ont décidé d’une chose, d’avoir encore le choix dans leur façon d’agir [149].»
Ibn Al-Qayyim (/) a dit:
«Deux facteurs font la droiture du cœur:
- Le premier: que l’amour d’Allah (ـ) prédomine au fond de soi sur tout autre chose aimée.
- Le second: de manifester un immense respect pour l’ordre et l’interdit puisque cela n’est qu’une conséquence de l’immense respect et la vénération que l’on éprouve pour Celui qui ordonne et qui interdit. Allah (ـ) a en effet blâmé ceux qui ne Le vénèrent pas ni ne vénèrent Son ordre et Son interdit.
Allah (ـ) a dit: «Qu’avez-vous à ne pas vénérer Allah comme il se doit? [150]»
Il a été dit au sujet de l’explication de ce verset: «Qu’avez-vous à ne pas vénérer Allah et prendre en considération Sa grandeur suprême et Sa majesté divine?»
Ibn Al-Qayyim (/) a dit ensuite: «Les signes du respect des ordres sont: respecter scrupuleusement leurs temps et leurs lieux ; étudier leurs piliers, leurs obligations et les moyens de les perfectionner ; s’em- presser de s’en acquitter dès lors qu’ils deviennent obligatoires ; et d’éprouver de la peine, d’être rongé de chagrin et noyé de tristesse lorsqu’on faillit à l’un de ses devoirs…»
Ensuite, il a évoqué plusieurs signes du respect des interdits d’Allah. En résumé:
«- Chercher à s’éloigner de ce qui y incite, ce qui y mène ou qui y appelle et se priver de tout moyen qui peut y rapprocher.
- Se mettre en colère pour Allah (ﻷ) lorsque Ses interdits sont transgressés et ressentir une tristesse et une blessure dans le cœur lorsque l’on désobéit à Allah sur Sa terre et qu’on viole Ses limites et Ses prescriptions religieuses sans que l’on puisse en modifier quelque chose.
- Ne pas trop se laisser aller dans l’utilisation des permissions religieuses ni en abuser jusqu’au point de s’écarter de la voie droite et du juste milieu.
- Ne pas interpréter les interdits d’Allah en cher- chant à leur trouver systématiquement une expli- cation rationnelle car cela affaiblit la soumission et l’obéissance aux ordres d’Allah (ﻷ). Au contraire, il faut se soumettre entièrement à l’ordre d’Allah et à Son jugement et les mettre en application, que l’on parvienne ou non à comprendre la sagesse divine qui est à l’origine de cet ordre ou cet interdit… [151]»
Et parmi les thèmes qui méritent une attention particulière, on retrouve qu’il est requis de la part des savants, des étudiants en science religieuse, des chercheurs et des intellectuels qu’ils s’appuient sur des preuves tirées de textes religieux, aussi bien dans leur recherche de la science que dans sa mise en application. «Effectivement, ce ne sont pas les textes qui manquent pour quiconque les connaît et sait comment en extraire les jugements religieux [152].» Ceci étant, il est nécessaire et obligatoire pour ces personnes de se comporter avec ces textes comme un nécessiteux, qui cherche par tout moyen à y trouver la guidée et à se soumettre aux règles qu’ils renferment.
Et quelle belle parole de Sufyân Ath-Thawrî lorsqu’il affirme: «S’il t’est possible de ne te gratter la tête qu’en te basant sur un récit prophétique, alors fais-le! [153]»
En revanche, celui qui – lorsqu’il considère les textes religieux authentiques – cherche à leur don- ner l’interprétation qu’il souhaite, ou les déforme de leur véritable sens par une interprétation farfelue, par une falsification excessive de leur sens, ou une explication conforme aux passions et aux désirs des gens, ou bien en recherchant la flatterie des laïcs et autres occidentaux, ne manifeste certainement pas l’attitude de la personne nécessiteuse vis-à-vis de ces textes, et ne vénère absolument pas leurs limites.
Ibn Taymiyah (/) a dit: «Parmi les principes de base agréés de manière consensuelle par les compa- gnons du Prophète et ceux qui les ont suivis dans le bien, il y a le fait de ne permettre à personne de contredire le Coran par son opinion, ses goûts, son raisonnement, son analogie ou ses ressentiments. En effet, il leur a été pleinement confirmé et prouvé par des preuves convaincantes et des signes clairs et évidents que le messager d’Allah est venu avec la guidée et la religion de vérité, et que le Coran guide vers la voie la plus droite [154].»
Je pense que si les prêcheurs et les enfants du renouveau de l’Islam avaient compris ce principe juridique de façon correcte, et l’avaient ajouté à leurs programmes éducatifs, pédagogiques, réformistes et progressistes, cela aurait considérablement struc- turé leurs stratégies de prêche et de réforme, et ils auraient pu ainsi suivre le droit chemin.
Mais, il est regrettable de constater que certains d’entre eux ne prennent que peu en considération la valeur sacrée des textes religieux.
Hélas, de nos jours, les modèles et méthodes des groupes et factions de même que leurs intérêts et objectifs illusoires deviennent les critères de base pour les affaires religieuses.
Nous implorons Allah de nous préserver de ces maux!!
* * *
[146] S. 22, v. 30. [147] S. 22, v. 32. [148] Littéralement: «d’y mordre avec ses molaires.» [149] S. 33, v. 36. [150] S. 71, v. 13. [151] «Al-Wâbil As-Sayyib» (p. 24 à 39). [152] «Al-Hisbah fil-Islâm» (p. 65). [153] «Al-Jâmic li-Akhlâq Ar-Râwî» (vol. 1/ p. 142) et «Dhamm Al-Kalâm wa Ahlih» (vol. 1/p. 181). [154] «Majmûc Al-Fatâwâ» (vol. 13/p. 28).
Les fautes et les péchés sont des caractères propres à l’être humain.
Le messager d’Allah (ج) a dit à ce sujet: «Par Celui qui détient mon âme dans sa main, si vous ne péchiez pas, Allah vous aurait emporté et aurait fait venir des gens qui pécheront puis demanderont le pardon, et Il leur pardonnerait [155].»
Et il (ج) a aussi dit: «Tous les enfants d’Adam commettent des péchés, et les meilleurs des pécheurs sont ceux qui se repentent [156].»
Se repentir et retourner vers Allah est l’une des plus éminentes et nobles caractéristiques des gens croyants. Allah (ـ) a dit à ce propos: «Et repen- tez-vous tous à Allah, ô croyants! Afin que vous récoltiez le succès [157].»
Et Il a dit aussi: «Ô vous qui avez cru! Repentez- vous à Allah de manière sincère. Il se peut que votre Seigneur vous efface vos fautes et qu’Il vous fasse entrer dans des jardins sous lesquels coulent les ruisseaux, le jour où Allah épargnera l’ignomi- nie au Prophète et à ceux qui croient avec lui. Leur lumière courra devant eux et à leur droite ; ils diront: «Seigneur, parfais-nous notre lumière et pardonne- nous. Car tu es certes Capable de toute chose [158].»
Ibn Al-Qayyim (/) a décrit le repentir par les pro- pos suivants: «En fait, la réalité du repentir, c’est de regretter ce qu’on a commis dans le passé, de cesser immédiatement de s’y adonner et de prendre la réso- lution de ne plus y revenir à l’avenir [159].»
Lorsque le serviteur pieux fait un faux pas en désobéissant à Allah (ﻷ), il se distingue par deux caractères interdépendants:
Le premier: la rapidité avec laquelle il regrette et il retourne vers Allah
Quiconque dont le cœur est animé de foi ne com- mettra pas d’actes de désobéissance à outrance. De même qu’il ne persistera pas sciemment dans son péché. Au contraire, il se précipitera aussitôt pour retourner vers son Seigneur.
Allah (ـ) a dit: «Et pour ceux qui, s’ils ont com- mis quelque turpitude ou causé quelque prejudice à leurs propres âmes (en désobéissant à Allah), se souviennent d’Allah et demandent pardon pour leurs péchés – et qui donc pardonne les péchés si ce n’est Allah? – et qui ne persistent pas sciemment dans le mal qu’ils ont fait [160].»
Et Il a dit: «Quiconque agit mal ou fait du tort à lui-même, puis aussitôt implore le pardon d’Allah, trouvera Allah Pardonneur et Miséricordieux [161].»
Il (ـ) a dit aussi: «Le Paradis sera rapproché à proximité des pieux. Voilà ce qui vous a été pro- mis, ainsi qu’à tout homme plein de repentir et res- pectueux des prescriptions divines ; qui redoute le Tout Miséricordieux en secret et qui vient vers Lui avec un cœur entièrement porté à l’obéissance [162].»
Le grand savant Ibn Kathîr a interprété l’expres- sion «plein de repentir» (!Awwâb») par: «celui qui retourne constamment vers Allah, en demandant pardon et en délaissant les péchés [163]».
Le second: le fait qu’il ne sous-estime pas l’ampleur de la désobéissance
Par ailleurs, le serviteur pieux ne sous-estime d’aucune façon l’acte de désobéissance, aussi infime soit-il, et cela conformément à la parole du Prophète: «Prenez garde aux petits péchés négligés! Car les petits péchés ressemblent à un groupe de gens qui font halte dans une vallée, chacun d’eux apportant un bout de bois, jusqu’à ce qu’ils aient de quoi faire cuire leur pain. Aussi, chaque fois que les petits péchés seront comptabilisés, leur auteur périra [164].»
C’est pourquoi, nos pieux prédécesseurs (ش) res- sentaient une gêne intense de commettre des péchés, qu’ils soient majeurs ou mineurs.
Anas Ibn Mâlik (س) a dit: «Certes, vous accom- plissez des actes qui sont à vos yeux plus fins que des cheveux alors que nous les considérions à l’époque du Prophète parmi les péchés capitaux [165].»
Et Ibn Mascûd (س) disait: «Le croyant voit ses péchés comme s’il s’asseyait au pied d’une mon- tagne, craignant qu’elle ne s’écroule sur lui. Quant au pervers, il voit ses péchés comme des mouches qui passent près de son nez et pense qu’il peut s’en débarrasser d’un simple geste [166].» [Abû Shihâb, l’un des transmetteurs du hadith, a dit: «Puis il passa sa main sur son nez [167].»]
Le grand savant Ibn Hajar a expliqué les propos de cAbdullah Ibn Mascûd de la manière suivante: «Ibn Abî Jamrah a dit: «La raison pour cela est que le cœur du croyant est illuminé. Ainsi, dès qu’il constate en lui-même ce qui va à l’encontre de ce qui éclaire son cœur, cela lui devient insupportable.
Et la sagesse d’avoir comparé cela à une montagne repose sur le fait que généralement, lorsqu’une mon- tagne s’écroule sur une personne, elle ne peut y sur- vivre ; contrairement à d’autres types d’accidents auxquels elle peut échapper.
En résumé, la peur prend fortement le dessus chez le croyant grâce à l’ampleur de sa foi sans pour autant croire qu’elle le mettra à l’abri du châtiment d’Allah. Telle est la condition du musulman qui ne cesse d’être craintif et vigilant devant la surveillance d’Allah. Dès lors, il minimise ses œuvres pieuses et redoute la plus infime de ses mauvaises œuvres [168].»»
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[155] Rapporté par Ahmad (13049), At-Tirmidhî (2499) et Ibn Mâjah (4251). Jugé acceptable par Al-Albânî dans «Sahîh Al-Jâmic As-Saghîr» (4391). [156] Rapporté par Muslim (2749). [157] S. 24, v. 31. [158] S. 66, v. 8. [159] «Madârij As-Sâlikîn» (vol. 1/p. 199). [160] S. 3, v. 135. [161] S. 4, v. 110. [162] S. 50, v. 31-33. [163] «Tafsir Al-Qur’ân Al-cAzhîm» d’Ibn Kathîr (vol. 4/p. 229). [164] Rapporté par Ahmad (22808). Hadith jugé acceptable par Ibn Hajar dans «Fath Al-Bârî» (vol. 11/p. 329). [165] Rapporté par Al-Bukhârî (6492). [166] Rapporté par Al-Bukhârî (6308). [167] NdT: à la manière de quelqu’un qui cherche à éloigner une mouche qui tourne autour de son nez. [168] «Fath Al-Bârî» (vol. 11/p. 105)
Parmi les plus belles descriptions que j’ai pu lire au sujet du repentir, voici la parole suivante de l’imam Abû Hamîd Al-Ghazâlî: «Le repentir est un feu qui flambe dans le cœur, et une entaille qui le fend sans pour autant se subdiviser [169].»
En effet, le croyant sincère ressent au fond de son cœur un profond regret et une forte crainte direc- tement après avoir commis une désobéissance. Son cœur se fissure par crainte de son Seigneur (ﻷ).
C’est de cette manière que le repentir remplit le cœur d’un sentiment de dépendance envers Allah (ﻷ).
Par la suite, le serviteur ressent l’humilité qui résulte de son indigence et de sa dépendance, ce qui le pousse à se réfugier auprès de son Seigneur le cœur brisé, reconnaissant son péché, pleurant sur sa faute et implorant Son pardon et Sa protection.
Allah (ـ) a dit: «Ils dormaient peu la nuit, et aux dernières heures de la nuit, ils imploraient le pardon d’Allah [170].»
cUqbah Ibn cÂmir rapporte que, lorsqu’il rencontra le messager d’Allah (ج), il le devança puis le prit par la main et lui dit:
- «Ô messager d’Allah! Qu’est-ce qui sauvera le croyant?!»
- Ce à quoi il répondit: «Ô cUqbah! Que tu sur- veilles ta langue, que ta maison te suffise et que tu pleures pour tes fautes [171].»
La brisure et l’humilité engendrées par la déso- béissance ne cessent de prendre place dans le cœur [172] jusqu’à ce que le repentir de ce péché se révèle plus bénéfique pour le serviteur que beaucoup d’actes de dévotion.
Al-Hasan Al-Basrî a dit: «Certes, l’individu com- met parfois un péché qui ne cesse de l’attrister pro- fondément jusqu’à le faire entrer au Paradis [173].»
En outre, Ibn Al-Qayyim (/) a expliqué la parole de certains pieux prédécesseurs...
«Il arrive au serviteur de commettre le péché qui le fait entrer au Paradis ; et il lui arrive d’accomplir l’acte d’obéissance qui le fait entrer en Enfer!»...par les termes suivants:
«Il commet le péché qui ne cesse d’être présent à ses yeux. Qu’il se lève, s’assoit ou marche, il se rappelle son péché. Cela suscite en lui une brisure et un sentiment de honte qui le conduisent ainsi à se repentir, à demander le pardon et à regretter son péché, ce qui s’avère être la cause de sa délivrance.
Mais il lui arrive de faire une bonne action qui ne cesse d’être présente à ses yeux, qu’il se lève ou qu’il marche. Chaque fois qu’il se la rappelle, elle provoque chez lui de la prétention, de l’orgueil et de l’autosatisfaction, ce qui s’avère être la cause de sa perte.»
Ainsi, le péché provoque la multiplication des actes d’obéissance, des bonnes actions et des actes du cœur tels que la crainte d’Allah, la pudeur à Son égard, le rabais de sa propre personne devant Lui par honte, les sanglots, le regret et le retour continuel vers son Seigneur.
Or chacun de ces effets positifs se révèle pour le serviteur plus bénéfique qu’une obéissance qui provoquerait en lui de la violence, de l’orgueil, du mépris et du dédain pour les gens.
Nul doute que ce pécheur est meilleur auprès d’Allah et plus proche du salut et de la réussite que cet autre vaniteux et fier de son obéissance, qui ne cesse de la rappeler à Allah et à Ses serviteurs, bien qu’il prétende le contraire avec sa langue – Et Allah est Témoin de ce qui se trouve dans son cœur. Ce type de personne serait même prêt à prendre les gens pour ennemis s’ils ne le vénèrent pas, ne recon- naissent pas sa supériorité et ne se soumettent pas à lui alors qu’il ressent de la haine pour ceux qui se comportent avec lui de cette manière [174]
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[169] «Ihyâ’ cUlûm Ad-Dîn» (vol. 4/p. 4). [170] S. 51, v. 17-18. [171] Rapporté par Ahmad (17452/17334). Hadith jugé accep - table par Al-Albânî dans!As-Silsilah As-Sahîhah» (890). [172] Il a été rapporté à ce propos que cUmar Ibn Al-Khattâb a dit : «Fréquentez ceux qui se repentent car c’est ce qu’il y a de plus doux pour les cœurs.» [173] Rapporté par Hannâd Ibn As-Saryi et Abû Nacîm dans «Hilyat Al-Awliyâ’» (vol. 3 et 7/p. 242 et 288). [174] « Madârij As-Sâlikîn» (vol. 1/p. 307 à 308).
بقلم الشيخ
أحمد بن عبىدالرحمن الصويان
حفظه الله
ترجمة: کمال أبوخولة
مراجعة کاملة: فریق دار الإسلام
1436/2015
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