La dépendance envers Allah : l’essence de l’adoration
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Full Description
Avoir besoin d'Allah:
L'essence de l'adoration
Œuvre écrite par cheikh
Ahmad As-Suwayyân
Traduit par
Kamel Abû Khawlaa
Revu et corrigé par
L'équipe Islamhouse
Publié par
Le bureau de prêche de Rabwah (Riyadh)
www.islamhouse.com
L'islam à la portée de tous!
Avant-propos
ceux qui se comportent avec lui de cette manière [1].» Louange à Allah l'Unique et Seul digne d'adoration, Celui qui n'a besoin de rien et se passe de l'univers, Celui qui se suffit à Lui-même et par qui toute chose subsiste. Il n'a ni associé, ni assistant, ni compagne, ni enfant. Rien ne Lui est semblable et Il est Capable de toute chose.
J'atteste qu'il n'y a aucune divinité légitime d'être adorée en dehors d'Allah, et que notre maître Muhammad (ج) est Son messager et Son serviteur, le plus noble des adorateurs et le plus nécessiteux envers son Seigneur. Que la paix soit sur lui, sa famille, ses compagnons et ses suiveurs, qui glorifient Allah pen- dant de longues heures, le cœur rempli de peur.
Le site Islamhouse est ravi et fier de vous présenter un ouvrage qui leur tient particulièrement à cœur, un livre qui traite d'une thématique trop souvent oubliée ou même occultée dans la prêche francophone sun- nite («Ahl As-Sunnah wa Al-Jamâcah»), souvent au profit d'autres groupes sectaires et déviants, qu'ils soient adeptes du soufisme sous toutes ses formes, du chiisme ou de tout autre courant qui appelle comme ces derniers à l'innovation et au polythéisme.
Et malgré les efforts récents de certains édi- teurs islamiques francophones parmi les gens de la Sunna – qu'Allah les récompense – pour essayer de redonner vie à ce champ d'étude, le panel de livres de référence traduits en langue française reste encore restreint car trop peu investi.
Cette thématique, ô combien importante, est celle de la purification de l'âme («Tahdhîb An-Nufûs») et de l'attendrissement des cœurs («Ar-Raqâ'iq»).
En observant la communauté musulmane en Orient comme en Occident, on comprendra que cette thé- matique, si elle était considérée à sa juste valeur par les musulmans et croyants, serait porteuse d'un bon nombre de solutions aux problèmes de la société islamique. Après réflexion, n'est-il pas judicieux de constater que les maladies qui agitent la communauté, qu'elles soient divergences politiques et religieuses, guerres intestinales, multiplication des péchés en privé comme en public, destruction de la cellule familiale, apparition de prédicateurs imposteurs […] soient liés en majeure partie au manque de purification de l'âme et à la dureté des cœurs?
Et si l'on accepte pour postulat de base que l'homme est fait d'un corps, d'une raison et d'une âme; on s'ac- cordera à dire que les meilleurs des hommes sont ceux qui sont dotés d'une âme saine, et d'une raison saine dans un corps sain.
Le corps sain est celui dont les membres adorent constamment leur Seigneur tel qu'Il l'a légiféré dans la religion. Ceci est aussi bien valable pour la prière, l'au- mône légale, le jeûne, le pèlerinage que pour les autres adorations, telles que l'évocation d'Allah, l'écoute et la lecture du Coran, la bonne parole, le sourire, les allers retours à la mosquée etc. Il est celui qui s'arrête aux limites fixées par le Législateur dans la manière d'effec- tuer ces adorations sans en modifier ou y innover quoi que ce soit.
En outre, il est celui qui se soumet aux exigences de son Seigneur, matérialisées par Ses obligations et Ses interdits, que ce soit dans la parole, la nourriture, les transactions sociales et commerciales ou tout autre aspect de la vie…
Ces thèmes ont été traités abondamment dans les ouvrages de jurisprudence islamique («Fiqh») ou dans les recueils de hadiths («Sunan») qui mettent en évi- dence les actes obligatoires, désirables, permis, décon- seillés ou interdits. C'est, avant cela, dans les sourates médinoises que l'on retrouve bon nombre de ces règles.
La raison saine, quant à elle, est celle qui demeure sur les prédispositions naturelles sur lesquelles elle a été créée. Elle est celle qui reconnaît l'existence et le caractère unique de son Seigneur, dans Son essence, Ses noms et attributs et Ses actes et, par conséquent, le fait qu'Allah dispose du droit exclusif à l'adoration, sous toutes ses formes légiférées. Elle est celle qui agrée Muhammad (ج) comme messager et Prophète et se réfère à son jugement en toute circonstance, sans éprou- ver la moindre gêne et en s'y pliant en totale soumis- sion. En d'autres termes, elle est celle qui manifeste une compréhension de la religion qui est conforme avec la volonté de son Seigneur.
Ces thèmes sont étroitement liés au sujet du dogme islamique («cAqîdah») qui résume la croyance et le crédo que tout musulman doit adopter vis-à-vis de son Seigneur et de la foi plus généralement. On retrouve bon nombre d'ouvrages qui ont décrit ces problé- matiques, aussi bien chez les anciens que chez leurs suiveurs ou nos contemporains. En outre, c'est majo- ritairement les sourates mecquoises, empruntes de ce discours à vocation rationnelle, qui les ont mis en évi- dence, de même que les sourates médinoises.
Enfin, L'âme saine est celle qui, au-delà d'une puri- fication de façade qui reste nécessaire, débarrasse le cœur de ses maladies enfouies les plus profondément. Elle est celle qui n'a d'autre dessein que la satisfac- tion de son Seigneur et Sa récompense, loin de toute hypocrisie, ostentation, innovation, perversion, auto- satisfaction, mensonge, orgueil, paresse, entêtement, rancune, haine, recherche de ce bas-monde etc. Elle est celle qui élève le serviteur aux rangs de la piété jusqu'à en faire un allié d'Allah. Elle est celle qui confronte le serviteur à sa finitude et lui fait prendre conscience de sa véritable valeur. Elle est celle qui lui fait réaliser la grandeur de son Seigneur et le pousse à l'excellence, qui consiste à L'adorer comme s'il Le voyait.
Le Coran et la Sunna sont truffés d'allusions aux états de l'âme, comme nous le verrons dans cet ouvrage. Par ailleurs, les savants et guides de cette communauté n'ont certainement pas omis de s'y intéresser en y consa- crant parfois des œuvres entières. Parmi les anciens, on retrouve notamment cAbdullah Ibn Mubârak, Al-Hasan Al-Basrî, Sufyân Ath-Thawrî, Wakîc Ibn Al-Jarrâh et son disciple l'imam Ash-Shâficî, l'imam Ahmad, Abû Hamîd Al-Ghazâlî (ش)…puis vinrent plus tard des illustres imams comme Ibn Al-Jawzî et ensuite Ibn Taymiyah, Ibn Al-Qayyim et son élève Ibn Rajab Al-Hanbalî et de nombreuses autres personnalités de l'Islam (رحمهم الله)…
Et avant eux, le Prophète (ج) et ses compagnons étaient les personnes les plus ferventes et les plus pré- occupées par l'état de leur âme. Tous, y compris les plus nobles d'entre eux, craignaient que leur cœur ne leur dissimule un atome d'hypocrisie qui puisse les faire périr. Et bien que certains d'entre eux fussent informés de leur vivant qu'ils entreraient au Paradis, ils ne s'estimaient jamais à l'abri de la ruse d'Allah. Les exemples à ce sujet, comme nous le verrons dans cet ouvrage, sont très nombreux.
Néanmoins, de nos jours, à un siècle fait d'un mélange d'individualisme, de narcissisme, de capita- lisme et d'égoïsme ; à une époque où l'ostentation s'est institutionnalisée à travers les médias et l'orgueil est devenu hautement désirable dans la société, il semble- rait que cet héritage de nos savants tend à se dissiper au profit d'une approche de la religion plus superficielle, focalisée sur les apparences extérieures qui bien que fondamentales et légiférées en Islam, ne suffisent pas pour se libérer intégralement de l'emprise qu'exerce cet environnement sur nos âmes. Et pour preuve, force est de constater que nous retrouvons certains de nos nobles frères de la Sunna – parfois étudiants en science et même savants – accorder un intérêt particu- lièrement marqué pour les apparences extérieures et sur les moyens d'améliorer – à titre d'exemple – leur manière de prier afin d'être en totale conformité avec la Sunna du Prophète (ج). Et ceci est en tous points louable et appréciable, c'est même une obligation reli- gieuse. La question se pose lorsque certaines personnes investissent une bonne partie de leur énergie dans cette composante de la religion – qui est la purification du corps et des membres par le perfectionnement des adorations – tout en négligeant les deux autres com- posantes qui sont la purification de la raison à travers la croyance saine et la purification de l'âme et du cœur.
Est-ce que ceci est bien totalement en accord avec la guidée du Prophète et de ses compagnons? Est-ce que l'exhortation qui touche les cœurs, éduque les âmes et fait couler les larmes n'a pas sa part dans le discours divin et prophétique? Comment donc est-ce que nos pieux prédécesseurs ont pu atteindre ce degré avancé d'ascétisme et de piété? Etait-ce par une force physique hors du commun, ou bien par la pureté et la grandeur de leurs âmes?
L'homme, dans sa quête de la satisfaction de son Seigneur, est invité à purifier et s'épanouir dans ces trois composantes. Et puisqu'elles sont toutes étroite- ment liées et même interdépendantes, la négligence de l'une d'entre elles aura inévitablement des répercus- sions néfastes sur les deux autres.
Aussi, nous convions nos lecteurs à prendre conscience du caractère fondamental de la purification de l'âme, en comprendre ses implications sur la vie du croyant puis à mettre en œuvre les efforts nécessaires à l'amélioration de leur aspect intérieur comme extérieur, afin de rencontrer Allah avec une âme pure le jour où les biens et les enfants ne seront d'aucune utilité sauf pour quiconque rencontrera Allah avec un cœur sain.
Dans cet épitre, «Avoir besoin d'Allah: l'essence de l'adoration», l'auteur – qu'Allah le préserve – illustre la manière avec laquelle le serviteur pieux doit éprouver un sentiment de dépendance absolue pour son Maître et Seigneur. Il détaille ensuite les répercussions de cet état de l'âme sur la vie spirituelle du croyant. Ainsi, il démontre que cet acte du cœur est à l'œuvre durant la totalité de la vie du croyant puisque ce sentiment d'indigence à l'égard d'Allah constitue l'essence même de la servitude et de l'adoration.
On pourrait se demander pourquoi avoir choisi un auteur contemporain pour traiter de tels sujets alors que les anciens étaient plus à même de ressentir et décrire ces états de l'âme. L'une des réponses à cette question légitime est que les livres des anciens ont traité ces thèmes d'une manière si profonde qu'il sera dif- ficile pour le lecteur d'en saisir l'essence et les sens, pas seulement à cause de la richesse de l'élocution et la complexité de la terminologie mais aussi parce que ces œuvres décrivent parfois des états de l'âme qui se manifestent à des degrés si intenses qu'il est impossible de les comprendre sans les avoir vécus. Or, peu d'entre nous ont eu le bonheur de pouvoir goûter à ces états de l'âme dans leur véritable forme. Ainsi, cette œuvre pourra être une bonne entrée en matière et permettra de rendre certains concepts plus accessibles aux lecteurs, d'autant plus qu'elle est parsemée de versets, hadiths et citations de savants anciens.
Nous en souhaitons bonne lecture à tous nos lecteurs et lectrices et demandons à Allah qu'Il récompense de la plus généreuse des manières l'auteur de cette œuvre, son traducteur, ses nobles lecteurs, de même que ceux qui ont participé à sa révision et à sa mise en ligne. Et nous Lui demandons qu'Il purifie nos âmes et nos intentions et les rende exclusivement destinées à Le satisfaire et à obtenir Sa récompense, Il est assurément plein de générosité et de douceur pour Ses serviteurs.
Qu'Allah prie sur le Prophète de la miséricorde: Muhammad ainsi que sur ses proches et ses compa- gnons. Enfin, louange à Allah, le Seigneur de l'univers.
Sofian Abû cAbdillah
L'équipe Islamhouse[1] «Madârij As-Sâlikîn» (vol. 1/p. 307 à 308)
Préface de l'auteur
Louange à Allah, le Seigneur des mondes et que la paix et les bénédictions soient sur le plus noble des Prophètes et messagers.
Certains intellectuels de notre époque ont pris l'habitude de blâmer et de dénigrer tout discours à portée affective et de ne pas y attacher d'impor- tance. La plupart du temps, ils tentent de l'opposer au discours scientifique équilibré et à l'exposé intel- lectuel profond. C'est pourquoi certains d'entre eux renoncent à écouter [2] des prêches et ordonnent aux gens cultivés et aux étudiants en science religieuse de s'éloigner totalement des prêcheurs en prétendant que leurs discours ne conviennent qu'aux personnes de la masse et aux gens communs et ordinaires!
Sans aucun doute, le discours scientifique est incontestablement celui que l'on doit prendre comme référence ; mais pourquoi ne pas considérer aussi le discours à portée affective comme un discours scien- tifique à part entière…?!
[Est-ce que la raison pour laquelle il n'est générale- ment pas considéré comme un discours scientifique] est due à la nature du discours à portée affective lui- même? Ou bien à cause de certaines habitudes que les prêcheurs ont prises?
Aussi, ne peut-on pas faire progresser le discours moralisateur afin qu'il se plie à la fois aux exigences de la rigueur scientifique et à la dimension sentimen- tale et affective…?
Allah le Très-Haut a décrit Son Livre Saint comme étant une exhortation.
De fait, Allah (ـ) a dit: «Nous avons effective- ment fait descendre sur vous des versets clairs ainsi que des exemples de ceux qui ont vécu avant et une exhortation pour les pieux! 1 [3]»
Et Il (ﻷ) a dit: «Ô gens! Une exhortation vous est venue de votre Seigneur de même qu'une guérison de ce qui est dans les poitrines ainsi qu'un guide et une miséricorde pour les croyants2 [4].»
Dans le Saint Coran, Allah (ـ) a exhorté Ses ser- viteurs et adorateurs à de nombreuses reprises, par exemple lorsqu'Il a dit: «Quelle bonne exhortation qu'Allah vous fait! Allah est certes celui qui entend et qui voit tout1 [5].»
Il a dit aussi [au sujet de ceux qui ont colporté une calomnie abjecte à l'égard de la mère des croyants cAïshah (ل)]: «Allah vous exhorte à ne plus jamais revenir à une chose pareille si vous êtes croyants2 [6].»
Et Il (أ) a dit: «Et rappelez-vous le bienfait d'Allah envers vous, ainsi que le Livre et la Sagesse qu'Il vous a fait descendre, par lesquels Il vous exhorte [7].»
Parmi les questions dignes d'être méditées atten- tivement, il y a le fait que la plupart du temps, les règles religieuses mentionnées dans le Saint Coran sont soit introduites par une exhortation et une invi- tation à la piété ou bien conclues par l'une des deux. Prenons comme exemple la parole d'Allah révélée pour conclure les règles de l'héritage: «Telles sont les limites d'Allah et quiconque obéit à Allah et à Son messager, Allah le fera entrer dans des jardins sous lesquels coulent des ruisseaux, pour y demeu- rer éternellement. Et voilà la grande réussite! – Et quiconque désobéit à Allah et à son messager et outrepasse ses limites, Il le fera entrer dans le Feu pour y demeurer éternellement. Et celui-ci aura un châtiment avilissant [8].
Et Allah (ـ) a dit [au sujet des transactions com- merciales et bancaires]: «Ô les croyants! Craignez Allah et abandonnez le restant de l'intérêt si vous êtes croyants [9].»
Dans le contexte des versets liés au divorce, Il (ـ) a dit: «Voilà ce à quoi est exhorté celui qui croit en Allah et au Jour dernier. Et quiconque craint Allah, Il lui donnera une issue favorable [10].»
Par ailleurs, Allah (ﻷ) a ordonné à Son messager d'exhorter les gens en ces termes: «Ne leur tiens donc pas rigueur, exhorte-les (sermonne-les) et dis leur sur eux-mêmes des paroles convaincantes [11].»
C'est pourquoi le messager d'Allah avait pour habitude d'exhorter ses compagnons, comme cela a été rapporté par Al-cIrbâdh ibn Sâriyah (س): «Le messager d'Allah (ج) nous a dispensé un sermon expressif et éloquent qui a fait pleurer les yeux et effrayé les cœurs! Un homme dit alors: «Ô mes- sager d'Allah! J'ai l'impression que c'est un prêche d'adieu, alors sermonne-nous… [12]»
Et Jâbir ibn cAbdillah (س) rapporte: «J'ai assisté avec le messager d'Allah (ج) au jour de l'Aïd lors duquel il a commencé par la prière avant le sermon sans faire d'appel à la prière – ni Adhân ni Iqâmah. Puis il s'est accoudé sur Bilal et a ordonné de craindre Allah, a encouragé à Lui obéir, et il a exhorté les gens et les a fait réfléchir. Il a poursuivi ainsi jusqu'à se rendre chez les femmes afin de les exhorter et de les faire réfléchir… [13]»
Sache, cher lecteur, que les exhortations que le Prophète (ج) a adressées à ses compagnons sont très nombreuses. Il te suffit, pour t'en rendre compte, de lire le chapitre «L'attendrissement des cœurs» dans le recueil authentique d'Al-Bukhârî. Tu y trouveras un bon nombre d'exhortations prophétiques.
Il est clair que l'exhortation est un moyen de revi- vifier le cœur, de freiner les ardeurs de l'âme et ses outrances, de combler l'éloignement de son Seigneur et d'éviter la distraction menant à l'oubli de Son rappel.
En revanche, le cœur dur, inerte, insensible, qui ne ressent aucune émotion lors de l'exhortation, est semblable à un rocher massif. C'est pourquoi, le Prophète (ج) prononçait souvent l'invocation sui- vante: «Ô Allah, je Te demande protection contre une science non-bénéfique et un cœur non-soumis. [14]»
De même que l'œil aride, infertile, qui ne pleure pas d'humilité pour Allah est dépourvu de lumière! Le Messager d'Allah (ج) dit à ce propos:«Deux types d'yeux ne seront pas touchés par le feu: des yeux qui ont pleuré par humilité [pour Allah] et des yeux qui ont monté la garde dans le sentier d'Allah [15].»
Ô lecteur, médite la façon avec laquelle le Prophète (ج) a éduqué ses compagnons! Tu verras ainsi que, par ses exhortations, il a réussi à les purifier en le délivrant des plaisirs néfastes de l'âme et de ses pas- sions malsaines. Il est également parvenu à adoucir leurs cœurs en les rattachant vers l'au-delà. Parmi les exemples les plus éloquents à ce sujet, nous retrou- vons le récit suivant, rapporté par Anas ibn Mâlik (س):
«Lorsqu'Allah a enrichi le messager d'Allah (ج) grâce au butin récupéré sans effort chez la tribu des Hawâzin et qu'il (ج) a commencé à distribuer ces biens à des hommes de Quraysh en leur octroyant parfois pour une valeur de cent chameaux, un groupe de gens dit au sujet du messager d'Allah: «Qu'Allah pardonne au messager d'Allah (ج), il donne aux Qurayshites et nous délaisse, alors que nos épées dégoulinent encore du sang de nos ennemis!...»
Gloire à Allah! Voici un évènement surprenant qui a irrité certains Ansars [16] (ش) et qui aurait pu mener les auteurs de ces propos très loin dans l'égarement! Mais médite et observe, ô lecteur, l'exhortation que le Prophète (ج) leur a adressée et contemple la façon avec laquelle il a pu corriger et purifier leurs âmes en les déliant de leur attachement à cette vie d'ici-bas… Des prêches courts mais qui, bien au-delà du simple fait d'être entendus, ont atteint les cœurs!
«…Le messager d'Allah (ج) fut informé de leurs dires et envoya aussitôt un émissaire pour les appe- ler afin de les rassembler seuls sous une tente en cuir. En effet, il (ج) ne convoqua personne d'autre que les Ansars. Une fois tous réunis, le messager d'Allah (ج) arriva et demanda:
- «Quels sont ces propos qui me sont parvenus de vous?
- Les hommes de science parmi eux répondirent: «Ô messager d'Allah, quant aux sages de notre tribu ils n'ont rien dit, mais il y a certains de nos jeunes qui ont dit: «Qu'Allah pardonne au messager d'Allah (ج), il donne aux Qurayshites et nous délaisse, alors que nos épées dégoulinent encore du sang de nos ennemis!»
- Sur ce, le messager d'Allah (ج) répondit: «Certes, je donne à des gens qui viennent juste de quitter la mécréance. Mais n'accepteriez-vous pas que les gens s'en aillent avec des biens tandis que vous, vous retourniez à vos campements en com- pagnie du messager d'Allah?! Par Allah! Ce que vous emmenez avec vous est meilleur que ce qu'ils emportent!»
- Les Ansars s'exclamèrent alors: «Bien entendu! Ô messager d'Allah! Nous sommes satisfaits, nous acceptons!»
- Le Prophète (ج) répliqua: «Certes vous allez subir des épreuves difficiles car d'autres seront prio-
ritaires sur vous [dans les biens qu'ils recevront]. Patientez donc jusqu'à ce que vous rencontriez Allah puis Son Prophète (ج) au bord du bassin1.»
Assurément, tout cela confirme que l'exhortation n'est pas uniquement réservée aux gens communs et simples. Je dirais même que les savants, les intellec- tuels et les étudiants en science religieuse éprouvent un plus grand besoin de prêche que tout autre indi- vidu. En effet, l'exhortation éduque et corrige l'âme, dompte son arrogance et ses outrances. Elle pousse un individu à devenir impartial et objectif dans la recherche de la vérité, à se montrer sincère dans la quête de preuves authentiques et dans le juste choix entre les avis des savants qui parfois divergent. De la sorte, sa passion ne le détournera pas vers les abîmes du sectarisme, de l'intolérance religieuse, de la vanité de l'âme et du refus orgueilleux de la vérité, surtout à cette époque de confusions et de propagation de passions tentatrices et d'ambiguïtés dévastatrices. C'est pourquoi les savants étaient les personnes les plus craintives et les plus soumises à Allah (أ).
En effet, le Très Haut a dit: «Parmi Ses serviteurs, seuls les savants craignent vraiment Allah1. [17]»
Et Il (ﻷ) a dit: «Est-ce que celui qui reste en dévo- tion, aux heures de la nuit, prosterné et debout, pre- nant garde à l'au-delà et espérant la miséricorde de son Seigneur (est meilleur ou est-ce celui qui mécroit en Allah)? Dis: «Sont-ils égaux ceux qui savent et ceux qui ne savent pas? [18]»
De plus, on constate que l'exhortation stimule fortement le cœur du prédicateur et le pousse à être hautement déterminé, ardemment préoccupé et réellement dynamique. C'est dans cet état qu'il peut déblayer de sa personne les poussières de la lassitude et de la faiblesse. L'exhortation le revigore afin qu'il fournisse les efforts intenses nécessaires pour transmettre le message de l'Islam, appeler les gens au convenable et leur interdire le blâmable.
En outre, l'exhortation raffermit les gens de science et de prédication face aux ruses des ennemis, aux machinations des semeurs de discorde et à l'oppres- sion de la multitude d'orgueilleux. Elle revivifie le cœur malade, prisonnier de ses passions, dominé et contrôlé par le suivi et l'imitation aveugles qui, tous, poussent le cœur malade à tourner le dos au rappel d'Allah, voire à le fuir.
Allah (ﻷ) a dit: «Dis: «Je vous exhorte seule- ment à une chose: que pour Allah vous vous levies par deux ou isolément, et qu'ensuite vous réfléchis- siez. Votre compagnon (Muhammad) n'est nulle- ment possédé… [19]»
Les exhortations du Coran et de la Sunna sont telles des secousses qui font trembler le cœur, le réaniment, et font tomber les voiles qui le couvrent, permettant ainsi au serviteur croyant de se diriger de tout son être vers son Seigneur (ﻷ) avec un repentir continuel!
Dans cette ouvrage succinct que j'ai intitulé: «Avoir besoin d'Allah: l'essence de l'adoration», j'ai traité un sujet que j'estime être crucial et vital pour
un public aussi bien débutant qu'initié. J'ai essayé autant que possible d'en simplifier l'élocution et d'en faciliter l'exposé. Si j'ai réussi, c'est par la grâce et l'aide d'Allah (ﻷ), que je loue et remercie. Et si je me suis trompé, c'est à cause de moi seul et de Satan ; et je demande le pardon à Allah le Grandiose et l'Immense.
Je demande à Allah (ﻷ) qu'Il nous permette de retourner à Lui continuellement. Et que le salut et la paix soient sur Muhammad et sa famille.
Ahmad Ibn cAbdirrahmân As-Suwayyân
Riyadh 11496 – P.O. Box 26970
[2] NdR: ou bien «dispenser». [3] S. 24, v. 34. [4] S. 10, v. 57. [5] S. 4, v. 58. [6] S. 24, v. 17. [7] S. 2, v. 231. [8] S. 4, v. 13-14. [9] S. 2, v. 278. [10] S. 65, v. 2. [11] . S. 4, v. 63. [12] Rapporté par Ahmad (17142/17144), Abû Dâwûd (4607) et At-Tirmidhî (2676). [13] Rapporté par Muslim (885). [14] Rapporté par Muslim (2722). [15] Rapporté par At-Tirmidhî (1639). Hadith jugé authentique. par Al-Albânî dans «Sahîh Al-Jâmic As-Saghîr» (3991). [16] NdR: les «Ansars», parfois appelés les auxiliaires, sont les musulmans qui ont accueilli le Prophète à Médine lors qu'il y a émigré et qui l'ont ensuite secouru de la meilleure des manières lors des nombreuses difficultés qu'il a traversées. [17] S. 35, v. 28. [18] S. 39, v. 9. [19] S. 34, v. 46.
Introduction
Parmi les particularités les plus significatives de la servitude [des créatures envers leur Seigneur], on retient le sentiment de dépendance absolue à l'égard d'Allah le Très Haut. Cela correspond à «la nature même de l'adoration et à son essence [20]».
Allah (ـ) a dit: «Ô humains! C'est vous qui êtes dépendants d'Allah alors qu'Allah, Lui, Se passé de tout et Il est le Digne de Louanges. [21]»
Il (ـ) a dit, au sujet du récit de Mûsâ [Moïse] (÷), [dans lequel ce dernier invoque Allah par les termes suivants]: «Seigneur, j'ai un grand besoin du bien que Tu feras descendre vers moi [22].»
L'imam Ibn Al-Qayyim (/) a défini la dépendance envers Allah par les paroles suivantes: «La réa- lité de la dépendance, c'est de ne pas appartenir à ton âme et de ne pas lui accorder une quelconque part de ta personne, mais plutôt d'être totalement dépendant d'Allah. En effet, si tu appartiens à ton âme, alors tu auras l'impression d'avoir le droit de posséder et naturellement tu auras l'impression de te suffire à toi-même, ce qui s'oppose à la notion de dépendance».
Il a également dit à ce sujet: «La vraie indigence, c'est de se sentir totalement dépendant d'Allah en toute circonstance ; et le fait que le serviteur ait par- faitement conscience que chaque atome apparent ou caché de son être est dans le besoin le plus total vis- à-vis d'Allah (ﻷ), et ce de tout point de vue [23]».
Par conséquent, la dépendance envers Allah (ﻷ) consiste à ce que le serviteur débarrasse son cœur de tous ses plaisirs et passions afin de se diriger complètement vers son Seigneur (أ) en s'humiliant devant Lui, en se soumettant pleinement à Son ordre et à Son interdit, le cœur fortement lié d'amour et d'obéissance.
Allah (ـ) dit à ce propos: «Dis: «En vérité, ma prière, mes actes de dévotion, ma vie et ma mort appartiennent à Allah le Seigneur de l'univers. [24]»
Yahyâ Ibn Mucâdh (س) a expliqué le terme «Nusuk» cité dans le verset [NdR: traduit par «actes de dévotion»] de la manière suivante: «C'est le fait de se montrer plein d'égards vis-à-vis des pensées intimes et des actes cachés et de chasser du cœur tout autre qu'Allah (ﻷ) [25]».
Et quiconque médite sur l'ensemble des adora- tions – qu'elles soient effectuées par le cœur ou les membres – constatera à coup sûr que la dépendance envers Allah est le facteur commun qui relie cha- cune d'entre elles. Ainsi, en fonction du sentiment de dépendance éprouvé par l'adorateur envers Allah, celui-ci en ressentira les effets dans son cœur de même que ses bénéfices ici-bas et dans l'au-delà.
Pour comprendre cela, il te suffit de méditer sur la prière, qui constitue le plus grandiose des piliers de l'Islam si l'on ne considère que les actes du corps. En effet, l'adorateur croyant s'y tient devant son Seigneur avec tranquillité, humilité et soumission, la tête baissée, le regard fixé sur l'endroit où il se prosternera. Puis, il entame sa prière en disant «Allahu Akbar» [NdT: «Allah est plus Grand»], proclamant ainsi de manière claire et évidente la grandeur d'Allah l'Unique, et libérant son esprit de tout sentiment de grandeur – que pourrait lui conférer un rang hiérarchique, une belle demeure ou toute autre situation qui pourrait l'éloigner d'Allah.
Ensuite, il poursuit sa prière avec le degré le plus ultime d'humilité et de dépendance envers Allah, qui se manifeste lorsque l'adorateur s'incline pour son Seigneur, la tête baissée puis à même le sol, le front prosterné et couvert de poussière, implorant Allah de lui accorder Sa protection et d'accepter son repentir.
C'est pour cette raison que l'inclinaison est un moment où il est prescrit de proclamer la grandeur d'Allah (ﻷ), tandis que la prosternation est plus pro- pice à ce qu'on Lui fasse des requêtes.
Le messager d'Allah (ج) a dit à cet effet: «Dans l'inclinaison, proclamez la grandeur d'Allah (ﻷ). Quant à la prosternation, efforcez-vous d'y implorer votre Seigneur car, à cet instant, il est plus probable que l'on vous exauce [26]».
Et c'est pour cela qu'il (ج) disait lors de son incli- naison: «Ô Allah, devant Toi je m'incline, en Toi je crois, à Toi je me soumets. Mon ouïe s'est humiliée devant Toi ainsi que ma vue, mon cerveau, mes os, et mes nerfs [et tout mon corps] [27]».
Le grand savant Ibn Rajab (/) a dit à propos de cette invocation: «Celle-ci souligne que l'humilité ressentie par le Prophète (ج) lors de son inclinai- son s'est manifestée dans tous ses membres et plus particulièrement dans le plus noble d'entre eux: le cœur, qui est le roi qui gouverne les membres et les organes. En effet, si le cœur s'humilie, alors la totalité des membres et des organes s'humilieront consécu- tivement.»
Il ajoute: «Un des signes révélateurs de la parfaite humilité et de la modestie éprouvée par l'adorateur d'Allah lors de son inclinaison et de sa prosternation est que, lorsqu'il s'abaisse pour son Seigneur durant l'inclinaison et la prosternation, il Le décrit par les attributs de puissance, de grandeur, de magnificence et d'éminence. C'est comme s'il disait: «La soumission et la modestie sont mes attributs ; tandis que la gran- deur, la puissance et la magnificence sont les Tiens, Ô mon Seigneur! [28]»»
Assurément, ce rang honorable que le cœur atteint est le secret de la vitalité et le fondement de l'em- pressement enthousiaste de l'adorateur vers son Seigneur (ـ).
Le sentiment de dépendance envers Allah est tel un chamelier qui pousse le serviteur adorateur vers la persévérance dans la piété et la poursuite conti- nuelle dans Son obéissance.
Et cela se concrétise en accomplissant deux actes indissociables et corrélatifs:
Le Premier:
Concevoir la grandeur d'Allah, Son pouvoir
et Son autorité dominante
Plus l'adorateur est connaisseur d'Allah le Très Haut, de Ses noms et attributs, plus il se sent dépen- dant de Lui et plus il s'humilie devant Lui.
Allah (ـ) a dit: «Parmi Ses serviteurs, seuls les savants craignent vraiment Allah [29].»
Il a aussi dit: «Dis: «Croyez ou n'y croyez pas». Ceux à qui la connaissance a été donnée avant cela, dès qu'on Le leur récite (le Coran), s'effondrent en prosternation jusqu'à toucher le sol de leur menton. Ils disent: «Gloire à notre Seigneur! La promesse de notre Seigneur est assurément accomplie». Et ils s'effondrent sur leur menton en pleurant, et cela augmente leur humilité [30].»
Al-Fudhayl Ibn cIyâdh (/) a dit: «Les gens les plus connaisseurs d'Allah sont ceux qui Le craignent le plus [31].»
Et il a dit par ailleurs: «La crainte d'Allah qu'éprouve l'adorateur est proportionnelle à sa connaissance d'Allah [32]».
L'érudit Ibn Rajab (/) a dit: «L'origine de l'hu- milité présente dans le cœur résulte uniquement de la connaissance d'Allah: de Sa grandeur, Sa splen- deur et Sa perfection. Ainsi, quiconque connaît le plus Allah Le craindra le plus. La crainte et l'humilité varient dans les cœurs des gens en fonction de la connaissance que les cœurs ont vis-à-vis de Celui qu'ils craignent, et en fonction de leur perception des attributs d'Allah qui engendrent l'humilité [33].»
Et quiconque médite sur les versets coraniques évidents et les récits prophétiques éminents qui évoquent les sublimes attributs d'Allah et Ses noms magnifiques verra son cœur s'abandonner d'émer- veillement pour son Seigneur, de révérence pour Sa grandeur, de crainte pour Sa souveraineté et Son autorité imposante! Gloire à Allah le Très Haut!
Allah (ـ) a dit: «Allah! Point de divinité à part Lui, Le Vivant, Celui qui subsiste par Lui-même (Al-Qayyûm). Ni somnolence, ni sommeil ne Le saisissent. A Lui appartient tout ce qui est dans les cieux et sur la terre. Qui peut intercéder auprès de Lui sans sa permission? Il connaît leur passé et leur futur. Et, de Sa science, ils n'embrassent que ce qu'Il veut. Son Kursyi déborde les cieux et la terre, dont la garde ne Lui coûte aucune peine. Et Il est le Très- Haut, le Très-Grand [34].»
Et Il (أ) a dit: «C'est Lui qui détient les clefs de l'inconnaissable. Nul autre que Lui ne les connaît. Et Il connaît ce qui est dans la terre comme dans la mer. Pas une feuille ne tombe sans qu'Il ne le sache. Et pas une graine dans les ténèbres de la Terre, rien de frais ou de sec, qui ne soit consigné dans un livre explicite. Et, la nuit, c'est Lui qui prend vos âmes, et Il sait ce que vous avez acquis pendant le jour. Puis Il vous ressuscite le jour afin que s'accomplisse le terme fixé. Ensuite, c'est vers Lui que sera votre retour, et Il vous informera de ce que vous faisiez. Il est le Dominateur suprême sur Ses serviteurs. Et Il envoie sur vous des gardiens. Et lorsque la mort atteint l'un de vous, nos mes- sagers (les anges) enlèvent son âme sans aucune négligence [35].»
En outre, Il (ﻷ) a dit: «Ils n'ont pas estimé Allah à Sa juste valeur, alors qu'au Jour de la résurrection, Il fera de la terre entière une poignée, et les cieux seront pliés dans Sa main droite. Gloire à Lui! Il est au-dessus de ce qu'ils Lui associent [36].»
cAbdullah Ibn cUmar (ب), rapporte que le mes- sager d'Allah (ج) a dit: «Allah pliera les cieux le Jour de la résurrection, puis Il les saisira de Sa main droite et dira:
- «C'est moi le Roi, où sont les tyrans? Où sont les orgueilleux?»
Puis Il pliera la terre avec Sa main gauche et dira ensuite: «C'est moi le Roi, où sont les tyrans? Où sont les orgueilleux? [37]»»
L'imam Ibn Al-Qayyim (/) a dit: «Le Coran est la parole d'Allah, par le biais duquel Il S'est manifesté à Ses serviteurs à travers Ses attributs. Parfois, Il se manifeste sous le voile de l'autorité, de la grandeur et de la splendeur ; dès lors, les nuques s'humilient, les âmes s'effondrent, les voix s'estompent et l'orgueil fond comme le sel dans l'eau. Et par moments, Il se manifeste sous les attributs de la beauté et de la perfection ; c'est-à-dire la perfection des noms et la beauté des attributs, qui indiquent toute la perfection de Son être. C'est alors que l'amour d'Allah puise toute l'énergie affective présente dans le cœur du serviteur, d'une manière proportionnelle à l'étendue de sa connaissance des attributs de beauté d'Allah et de Ses caractères parfaits. En conséquence, le cœur du serviteur se vide de toute chose hormis de l'amour d'Allah. Et si un autre qu'Allah voulait que cet amour lui soit dédié, alors le cœur du serviteur et ses membres le rejetteraient d'un refus absolu.»
Puis il ajoute: «…Et l'essentiel de ceci, est qu'Al- lah (ﻷ) Se présente parfois à Son serviteur sous Ses attributs de divinité, et à d'autres moments sous Ses attributs de seigneurie.
- Ainsi, la perception des attributs de divinité d'Allah suscitera chez le serviteur: l'amour exclu- sif d'Allah, le désir ardent de Le rencontrer, le bon- heur et le plaisir d'être en Sa compagnie, la joie de Le servir, l'empressement et la concurrence pour se rapprocher de Lui, la recherche de Son affection en Lui obéissant, la passion de L'évoquer et la fuite du genre humain pour se diriger vers Lui Seul. Alors, Allah deviendra son unique préoccupation.
- Par ailleurs, la perception des attributs de sei- gneurie d'Allah mènera le serviteur à: s'en remettre à Allah, se sentir totalement dépendant de Lui, Lui demander secours et à se soumettre, s'humilier et s'abandonner pour Lui [38].
A d'autres occasions, Ibn Al-Qayyim (/) a défini l'humilité en ces termes: «C'est la soumission du cœur à Allah, en affirmant Sa grandeur et Sa splen- deur, en Le respectant, Le craignant et en éprouvant de la pudeur vis-à-vis de Lui. Cela a pour consé- quence que le cœur se brise devant Allah suite à un alchimie faite de crainte, de honte, d'amour, de pudeur, de prise de conscience des bienfaits d'Allah sur sa personne et de reconnaissance de ses propres péchés. Par conséquent, le cœur s'humilie de manière inévitable puis les membres suivent les traces du cœur dans son chemin vers l'humilité [39].»
Le second:
Concevoir la faiblesse de la créature
et son impuissance
Celui qui connaît sa propre valeur, a conscience que quels que soient son rang, son autorité et sa for- tune, il reste impuissant, faible et ne possède aucune échappatoire ni rançon pour se sauver du châtiment d'Allah, n'accordera que peu d'estime à son âme. Son orgueil se dissipera et ses membres se soumettront avec humilité. De même, son sentiment de dépen- dance envers son Maître, son recours à Lui et Son imploration ne feront que s'accentuer.
Allah (ـ) a dit: «Que l'homme considère donc de quoi il a été créé. Il a été créé d'une giclée d'eau (sperme) sortie d'entre les lombes et les côtes. Allah est certes capable de le ressusciter. Le jour où les cœurs dévoileront leurs secrets, il n'aura alors ni force ni secoureur [40].»
L'imam Ibn Al-Qayyim (/) a évoqué ces deux principes en disant: «Celui dont le cœur recon- naît parfaitement la grandeur d'Allah le Véridique considèrera à coup sûr la transgression comme un acte gravissime. En fait, la désobéissance à Allah, le Grand, n'est pas comparable à la désobéissance à autrui. Et quiconque connaît la valeur et la réalité de sa personne, de même que sa dépendance fondamen- tale envers son Maître – et cela à chaque instant et à chaque respiration – sans oublier son besoin intense d'Allah, constatera l'ampleur et la gravité du crime que représente la transgression envers Celui dont on a fortement besoin à chaque instant de notre exis- tence et à chaque souffle de notre corps. De plus, s'il reconnaît l'insignifiance de sa personne en même temps que la grandeur de sa désobéissance, il se ren- dra compte de la sévérité et de la dangerosité de sa transgression. De ce fait, il s'efforcera courageuse- ment à se libérer de celle-ci, et ce proportionnelle- ment à l'intensité de sa croyance et de sa certitude à l'égard du châtiment d'Allah [41].»
* * *
[20] «Madârij As-Sâlikîn» d'Ibn Al-Qayyim (vol. 2/p. 439) [21] S. 35, v. 15. [22] S. 28, v. 24. [23] «Madârij As-Sâlikîn» d'Ibn Al-Qayyim (vol. 2/p. 440) [24] S. 6, v. 162-163 [25] «Dhamm Al-Hawâ» d'Ibn Al-Jawzî (p. 69). [26] Rapporté par Muslim (479). [27] Rapporté par Muslim (771). [28] «Al-Khushûc fi As-Salât» d'Ibn Rajab Al-Hanbalî (p. 41- 43). [29] S. 35, v. 28. [30] S. 17, v. 107-109. [31] «Siyar Aclâm An-Nubalâ'» de l'Imam Adh-Dhahabî (vol. 8/ p. [32] «Siyar Aclâm An-Nubalâ'» (vol. 8/p. 426). [33] «Al-Khushuc fi As-Salâh» (p. 20). [34] S. 2, v .255. NdT: le «Kursyi», traduit à tort par le terme de trône (cArsh), est l'endroit ou Allah le Tout-Puissant pose Ses deux pieds, d'une manière qui convient à Sa Majesté. [35] S. 6, v. 59-61. [36] S. 39, v. 67. [37] Rapporté par Muslim (2788), Al-Bukhârî dans une version résumée et Abû Dâwûd avec une version similaire. [38] «Al-Fawâ'id» d'Ibn Al-Qayyim (p. 81 à 82). [39] «Ar-Rûh» d'Ibn Al-Qayyim (p. 232). [40] S. 86, v. 5-10. [41] «Madârij As-Sâlikîn» (vol. 1/p. 144-145).
Les signes que l'on éprouve un sentiment de dépendance envers Allah
Premier signe: L'extrême humilité envers Allah, accompagnée d'un amour total
Le croyant soumet sa personne à Allah, le cœur assujetti devant Lui, plein d'humilité face à Sa gran- deur. Il privilégie l'amour d'Allah (أ) à l'amour de quiconque.
Il n'a l'esprit serein, l'œil réjoui et le cœur apaisé que lorsqu'il pose son front par terre en invoquant son Seigneur par amour et par crainte.
L'imam Ibn Jarîr At-Tabarî (/) a dit: «L'adoration signifie: se soumettre à Allah en Lui obéissant, et s'humilier devant Lui en s'abandonnant [42].»
En effet, celui qui est dans un tel état, tu ne le trou- veras aucunement transgresseur des limites d'Allah. Au contraire, il s'empressera de L'adorer, d'accom- plir Son ordre avec détermination et de s'éloigner avec fermeté de Son interdit.
Ainsi, le fruit de l'humilité est que le croyant ne cherche pas à devancer Allah ni Son messager [dans Ses ordres ou Ses décisions], mettant ainsi en pra- tique la parole d'Allah (ـ): «Il n'appartient pas à un croyant ou à une croyante, une fois qu'Allah et Son messager ont décidé d'une chose, d'avoir encore le choix dans leur façon d'agir [43].»
Ou encore: «Et ils ont dit: «Nous avons entendu et obéi. Seigneur, nous implorons Ton pardon c'est vers Toi que sera le retour [44].»»
Et encore: «La seule parole des croyants, quand on les appelle à Allah et à Son messager pour que Celui-ci juge entre eux, est: «Nous avons entendu et obéi». Et voilà ceux qui réussissent. Et quiconque obéit à Allah et à Son messager, craint Allah et Le redoute… alors voilà ceux qui récoltent le succès [45].»
Al-Hasan (س) a dit: «Je n'ai jamais posé mon regard, ni prononcé une parole, ni saisi une chose de mes mains, ni me suis levé sur mes jambes sans que je regarde si cela est pour une obéissance ou bien pour une désobéissance. Si c'était une obéissance, je m'avançais et si c'était une désobéissance, alors je reculais [46].»
En revanche, celui que les chemins de la passion ont égaré, et qui n'a pas véritablement connu Allah (b), trouvera indigne de se soumettre à son Seigneur, se gonflera d'orgueil et refusera de Lui obéir.
Allah (ﻷ) a dit: «Le Messie (Jésus) ne trouvera aucunement indigne d'être un serviteur d'Allah, ni les anges rapprochés. Et ceux qui trouvent indigne de L'adorer et s'enflent d'orgueil…Il les rassem- blera tous vers Lui. Quant à ceux qui ont cru et fait de bonnes œuvres, Il leur accordera leurs pleines récompenses et y ajoutera le surcroît de Sa grâce. Et quant à ceux qui ont refusé par fierté et se sont enflés d'orgueil, Il les châtiera de manière dou- loureuse. Et ils ne trouveront, pour eux, en dehors d'Allah, ni allié ni secoureur [47].»
Et Il (ﻷ) a décrit les croyants de la manière sui- vante: «Seuls croient en nos versets ceux qui, lorsqu'on les leur rappelle, s'effondrent en pros- ternation et, par des louanges à leur Seigneur, célèbrent Sa gloire et ne s'enflent pas d'orgueil [48].»
Sheikh Al-Islâm Ibn Taymiyah (/) a dit: «Chaque fois que le cœur augmente en amour pour Allah, il augmente en dévotion. Et chaque fois qu'il augmente en dévotion pour Allah, alors il augmente en amour et se détache d'autant plus d'autrui. De nature, le cœur est dépendant d'Allah de deux points de vue:
- par le fait qu'il Lui voue adoration, ce qui consti- tue l'objectif ultime;
- par le fait qu'il Lui demande de l'aide et s'en remet à Lui, ce qui constitue le déclencheur [qui per- met d'atteindre l'objectif ultime].
Ainsi, le cœur ne peut se bonifier, ni connaître le bonheur, ni savourer les plaisirs, ni être heureux, ni se satisfaire, ni s'apaiser ni se tranquilliser sans l'adoration de son Seigneur, sans L'aimer et retour- ner constamment vers Lui. Et si le cœur pouvait jouir de toute chose créée, il ne pourrait être apaisé et tranquille car il est, de par sa nature, dépendant de son Seigneur puisqu'Il n'est autre que l'objet de son adoration, de son amour et de son dessein [49].»
Et Ibn Al-Qayyim (/) a dit: «Le rang de la servi- tude totale se concrétise par la démonstration inté- grale du rang de l'humilité et de l'obéissance absolue. Autrement dit, la personne qui démontre la servi- tude la plus complète est celle qui démontre l'humi- lité la plus exemplaire, la soumission et l'obéissance les plus absolues. En somme, elle s'humilie pour son Maître le Véridique en tous points de vue: elle s'hu- milie devant Son autorité et Sa domination suprême, devant Sa seigneurie et Son emprise. Elle s'humilie également lorsqu'elle constate Son immense bienfai- sance et Sa grande générosité… [50]»
La modestie est une conséquence de l'humilité envers Allah
Parmi les conséquences de l'humilité envers Allah (ﻷ), on retrouve le fait de se dévêtir de la tunique de l'orgueil, de l'arrogance et de la suffisance, ainsi que d'abandonner son cœur devant le Dominateur suprême des cieux et de la Terre et de se soumettre totalement à Son ordre et à Son interdit.
Selon Abû Sacîd Al-Khudrî et Abû Hurayrah (ب), le Prophète (ج) a dit: «La puissance est Son pagne et l'orgueil est Sa cape; et [Allah a dit]: «Quiconque Me contestera, Je le châtierai [51]»
Et il (ج) a dit aussi: «Le Jour de la résurrection, les orgueilleux seront rassemblés et leur taille sera sem- blable à celle de petites fourmis rouges dans des corps d'hommes. Ils seront tellement petits que tout sera au-dessus d'eux. Puis ils seront conduits dans une pri- son appelée «Bûlas». Alors le Feu des feux les enve- loppera et ils seront abreuvés de «Tînat Al-Khabâl»: le pus, le sang et la sueur des gens de l'Enfer [52]»
Quiconque médite sur l'ensemble des adorations apparentes ou cachées verra clairement que le but suprême de l'adoration n'est autre que le fait que le serviteur réduise son orgueil, s'humilie devant son Maître et manifeste sa dépendance, son besoin et son indigence envers son Seigneur (ﻷ).
Pour vérifier cela de manière claire et sans ambi- guïté, tu n'as qu'à méditer les règles de la prière, du jeûne, de même que les rites du pèlerinage ou tout autre adoration…
Nous comprenons dès lors pourquoi l'orgueil, l'arrogance et la suffisance portent préjudice à la foi en Allah et au sentiment de dépendance envers Lui.
Le Prophète (ج) a dit à ce sujet: «N'entrera pas au Paradis quiconque a dans son cœur un atome d'orgueil