Les dangers des passions et des désirs malsains
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Les dangers des passions et des désirs malsains
خطر الهوى والفجور
Ibn Al-Qayyim
للعلامة ابن القيم
Traduction et adaptation : Karim Zentici
ترجمة:كريم زنتيسي
Révision : Abu Hamza Al-Germâny
مراجعة: أبو حمزة الجرماني
Les dangers des passions et des désirs malsains
Que les Prières et les Salutations d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed ainsi que sur sa famille et tous ses Compagnons !
D’après des paroles d’ibn el Qaïyam el Jawziya :
L’homme détient en lui deux forces : une au niveau de la pensée et une au niveau de la volonté et des actes. Son bonheur consiste à parfaire ses deux forces. Parfaire la pensée consiste à connaître Son Créateur et Bienfaiteur à travers Sa création, Ses Noms et Attributs, et la voie qui mène à Lui. L’individu doit également avoir connaissance des sentiers égarés, et avoir conscience de ses défauts et de sa faiblesse. Parfaire sa volonté consiste à remplir ses devoirs envers Son créateur. Il n’est pas possible de mener à bien ce cheminement sans l’aide du Tout-Puissant. Il lui est donc indispensable que le Seigneur le guide sur le droit chemin et qu’Il l’épargne de l’égarement (caractéristique aux chrétiens) en se corrompant au niveau du savoir et du Courroux divin (caractéristique aux juifs) en se corrompant au niveau des actes.[1]
Si l’individu arrive à s’épargner des épreuves des ambiguïtés (shubuhât) au niveau de la religion et des passions (shahawât), il tend vers la perfection, le succès et la béatitude, en se voyant en retour guider sur le droit chemin et jouir de la Miséricorde divine. C’est pourquoi, le Coran oppose souvent d’un côté entre la miséricorde, le succès, le bonheur, la bonne voie à travers le savoir utile et la lumière et de l’autre côté entre le châtiment, le malheur, l’égarement et les ténèbres.[2]
L’homme est éprouvé par deux vices : l’un au niveau de la pensée –ce qui est la pire des deux formes – (les ambiguïtés) et l’autre au niveau des actes (les passions). Il peut aussi bien être éprouvé par l’une de ces deux formes que par les deux à la fois. Les ambiguïtés (shubuhât) proviennent d’un manque de savoir et de perspicacité. Celles-ci prennent plus d’ampleur si elles sont accompagnées d’une mauvaise intention et si l’on se laisse entraîner par les mauvaises pulsions (el hawâ). En suivant ces mauvaises pulsions en effet, on s’éloigne du droit chemin. Ce genre d’épreuve mène à la mécréance et à l’hypocrisie. Les ambiguïtés (shubuhât) sont caractéristiques aux hypocrites et aux innovateurs qui font la confusion entre le vrai et le faux, entre le droit chemin et les sentiers égarés. La seule façon de s’immuniser contre ce genre d’épreuve, c’est de rester fidèle à la Tradition prophétique à tous les niveaux. Ce genre d’épreuve provient d’une mauvaise compréhension, d’une mauvaise information, de la méconnaissance d’un texte, d’une arrière-pensée, ou des mauvaises pulsions ; soit la personne est aveugle au niveau du savoir, soit elle est corrompue au niveau des intentions.
L’autre épreuve consiste à s’abandonner à ses passions et à ses désirs. Ainsi, à l’origine de toutes les épreuves, l’individu met en avant soit sa pensée au dépend de la religion soit ses passions au dépend de la raison. Dans le premier cas, ce sont les ambiguïtés shubuhât et dans le deuxième cas, ce sont les passions (shahawât). Seule la certitude (qui s’acquiert par le savoir NDT) est à même de pallier aux ambiguïtés (shubuhât) de même que seule la patience (qui s’acquiert par la crainte d’Allah NDT) est capable de remédier aux passions (shahawât). C’est pourquoi, Allah dit : (qui se recommandent la vérité et qui se recommandent la patience ).[3] Dans un autre verset, le Très-Haut dit : (Nous avons fait d’une partie d’eux des exemples (Imam) guidés par Notre Ordre, en raison de leur patience et, car ils étaient convaincus par nos Signes (ou Versets)).[4] Certains anciens assument qu’avec la patience et à la conviction, on obtient l’autorité dans la religion.[5]
Or, il est plus facile de patienter face aux passions que d’en subir les conséquences. Les passions entraînent en effet la souffrance et la punition ; la privation d’une jouissance pourtant bien plus considérable ; une perte de temps à l’origine de futurs remords ; la perte d’un membre qu’il est plus utile de garder ; le gaspillage d’argent, une lésion à l’honneur que l’on n’a pas intérêt à perdre ; la suppression d’un bienfait qui procure une jouissance bien plus considérable et bien plus noble ; l’opportunité d’attirer les mauvaises langues contre soi ; le souci, l’anxiété, la tristesse, et la peur qui sont des sentiments bien moins avantageux en comparaison aux jouissances éphémères que procurent les passions ; l’oubli de la connaissance pourtant plus agréable à l’esprit que la jouissance des passions ; la réjouissance des ennemis et la tristesse des amis ; l’obstruction des voies de la prospérité à venir ; un défaut qui ne veut plus partir, car les œuvres forgent la personnalité et le comportement.[6]
Par ailleurs, Allah (I) a installé la haine entre l’ange et le démon, entre la raison et les passions, entre les mauvais penchants (e-nafs el ammâratou bissou’) et le cœur (ou l’âme paisible : e-nafs el mutma-inna ndt.). Il met ainsi Sa créature à l’épreuve en procurant à chacun des rangs, des armes et du renfort. Dans une lutte constante et acharnée, tantôt le bien l’emporte, tantôt le mal l’emporte. Quand le déroulement de la bataille tourne en faveur du bien, l’individu peut alors jouir du bonheur, de la réjouissance, de l’épanouissement, d’un merveilleux butin et d’une vie heureuse. Mais quand les événements tournent en faveur du mal, s’installent alors la tristesse, la mélancolie, le souci, l’anxiété et le malheur.[7]
La pensée est à l’origine du bien et du mal qui peut provenir de l’individu. Elle se situe avant l’intention qui vient avant la motivation, l’ambition et l’action. Il existe toute sorte de pensée négative comme le fait de former dans son esprit des plaisirs et la façon de se les procurer.[8] Quiconque se laisse dominer par ses mauvaises pensées, court à sa perte. Elles peuvent se transformer à terme en vains espoirs comme un mirage à l’horizon. L’âme la plus vile et la plus défaitiste est celle qui se satisfait des illusions. Il n’y a pas pire pour l’individu que de se lancer dans des pensées imaginaires qui engendrent la paresse, l’inaction, la négligence, le remord et l’envie. Il est frustré de ne pas avoir accès aux plaisirs qu’il a concocté dans son esprit. Seule la bassesse peut le conduire à se sentir à l’aise dans ce genre de pensée. L’âme noble est celle qui refoule toute pensée imaginaire qui vient traverser l’esprit. Le temps est précieux et il s’en va plus rapidement que les nuages. C’est pourquoi, il ne faut pas le perdre dans des rêveries inutiles… à une étape supérieure aux mauvaises pensées, il y a le passage à l’acte.[9]
Ainsi, à cause des péchés, on manque de réussite, notre pensée est corrompue, on n’arrive pas à saisir la vérité, le cœur se corrompt, la réflexion s’alourdit, on gaspille son temps, on fait fuir les autres, un mauvais climat s’installe entre le serviteur et le Seigneur, les invocations ne sont pas exaucées, le cœur se durcit, on perd la baraka dans les biens et la durée de vie, on est privé du savoir, on revêt l’habit de la bassesse, on est humilié par l’ennemi, on a la poitrine serrée, on est éprouvé par les mauvaises fréquentations qui font perdre notre temps, on sombre dans les soucis, la tristesse, le désespoir et on a une vie malheureuse… Les péchés font oublier le rappel d’Allah de la même façon que l’eau cultive le jardin ou que le feu brûle les aliments. Il se produit le phénomène inverse pour la personne dévouée au Seigneur.[10]
L’adultère (a lui tout seul) engendre la pauvreté, la discorde entre les hommes, il diminue la durée de vie, noircit le visage, disperse le cœur, éloigne de l’ange et rapproche du démon…[11]
Que les Prières et les Salutations d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed ainsi que sur sa famille et tous ses Compagnons !
[1] Voir : Fawâid el Fawâid (p. 115-116).
[2] El muntaqa mi ighâthat e-lahfân (p. 416-419).
[3] Par les temps ; 3 voir : el muntaqa mi ighâthat e-lahfân min masâyad e-shaïtân (412-415).
[4] La prosternation ; 34
[5] Voir : Ruddat e-Sâbirîn (p. 115-120).
[6] Fawâid el Fawâid (p. 387).
[7] Idem. (P. 409).
[8] Idem. (P. 348).
[9] Voir : e-Dâ wa e-Dawâ (p. 249-260).
[10] Fawâid el Fawâid (p. 462).
[11] E-Dâ wa e-Dawâ (p. 251).